Frédéric Mitterrand : Un verni à oncle.

vendredi 10 juillet 2009
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Le nouveau ministre de la culture, neveu de Tonton, n’a jamais renié sa famille, mais il a tendance à travailler pour une autre.

Les archives sont toujours instructives.

Pas plus tard qu’en septembre 2005, Frédéric Mitterrand, notre nouveau ministre de la Culture (et de la Communication), le 18e du genre, est longuement interviewé par « Le Parisien », auquel il confesse n’avoir « aucune sympathie (tel que !) pour Nicolas Sarkozy » !

Une ligne que, en un sens, il suivait depuis un moment.

Onze ans plus tôt, dans « Libé » cette fois, et sur le tournage de sa « Madame Butterfly » dans sa chère Tunisie [1], il se gaussait déjà de « la culture balladurienne », qui se résume, rigolait-il, « au »Figaro Magazine« et aux antiquaires » !

A cette date, Frédo se tient encore très à l’écart du grand duel qui déchire alors la droite.

Son cousin germain, l’ex-député Gilbert Mitterrand, fils cadet de François, l’a souligné l’autre jour : notre ami n’a jamais été à proprement parler « socialiste ».

En 1993, toutefois, il a adhéré aux Radicaux de gauche, et il a donc roulé quelques mois plus tard pour la liste Tapie, celle-là même que son « Tonton », qui était alors celui de la nation, soutenait en sous-main, ne serait-ce que pour torpiller le concurrent de Rocard.

Mais ce n’était qu’un écart passager à gauche, car, dès les premiers mois de 1995, Fred choisissait Chirac en déclarant :

« Il est le seul à porter l’élan dont on a profondément besoin. »

Bien des gazettes ont estimé que, dans son remaniement de la semaine dernière, Sarko s’est abstenu de toute « ouverture » (politique).

Il faut croire que c’est Frédéric qui s’est ouvert au sarkozysme.

Au début de l’an dernier, c’est vrai, Sarko avait songé à confier à Frédo la présidence de la commission sur le devenir de la télé publique, mais, échaudés par le précédent de la commission Attali, lequel les a envoyés bouler, les parlementaires de la majorité lui préfèrent Copé.

Le ralliement, en beauté, surviendra peu après.

Au terme d’un invraisemblable micmac et d’une parodie de consultations, Frédéric - avec le soutien évident (qu’il ne dément guère) de la famille régnante Bruni (Carla et maman Marisa en tête) - est fait directeur de l’Académie de France à Rome, plus connue sous le nom de Villa Médicis.

Dans un décor princier, qu’il reste à restaurer de-ci, de-là, la belle, la grande vie culturelle.

Et, par opposition peut-être d’abord à « la mauvaise vie » (« celle qui ne rend pas heureux », dit-il), le titre de son autobiographie à peine romancée en deux tomes.

A côté de diverses blessures d’enfance et de jeunesse, il y relate jusqu’à ses relations tarifiées avec de beaux garçons (majeurs) de Bangkok.

Une franchise d’expression jamais atteinte par l’un ou l’autre de ses prédécesseurs Rue de Valois.

Installé à Rome en octobre dernier, Fred parle très vite de « stratégie ».

Il concocte aussi en vitesse une série d’émissions sur la villa (en cours de diffusion sur Odyssée, une filiale de TF1)

La fascination des altesses : le premier numéro fait la part assez belle à un membre de l’ex-famille régnante italienne, résident régulier de l’établissement.

Emmanuel-Philibert de Savoie, qui, question culture, se distingue surtout en organisant des concours de danse télévisés.

Frédéric prend aussiaussi une grande décision : pour la première fois, la Villa sera ouverte (au public) l’été.

Une mesure dont il reste à régler les détails avec un personnel pas très stakhanoviste.

En marge de cette première, divers désagréments ont cependant un peu entaché l’image de Mitterrand-le-battant.

Début juin, la grande projection publique (et payante), dans les jardins de la Villa, du desrnier Resnais, « Les herbes folles », a dû être arrêtée en raison de problèmes techniques...

Convié à dîner par l’Union des Français de Rome et à une date qu’il avait lui-même fixée, FM, à son arrivée dans les lieux, fait instantanément savoir qu’il ne peut s’attarder plus longtemps : son éditeur (apparemment pour un ouvrage sur ses nouvelles fonctions romaines) n’avait pas d’autre soir à lui consacrer dans la Ville éternelle.

A trop côtoyer les stââârs, est-il possible qu’on singe leurs manières ?

En sus de sa désignation, Sarko a fait un autre beau cadeau à Frédo : il l’a dispensé d’Hadopi.

C’est MAM qui va se charger au Parlement dela version nouvelle du texte retoqué par le Conseil constitutionnel.

Dans le cas contraire, notre ami, éminent représentant de la société civile, ex-entrepreneur (en salles obscures), était d’emblée à peu près aussi piégé que la non-professionnelle politique Albanel....

Même si l’on fait confiance à l’Elysée pour lui dénicher rapido des énarques sur mesure, le nouveau ministre devra au moins un peu se colleter avec des dossiers modérément glamour : le nouveau statut de l’AFP, la mise en route de la réforme de France Télévisions, des suppressions de postes administratifs au ministère, etc.

Des pensums que la perspective de quelques Festivals de Cannes, et d’ailleurs, ne suffit pas à compenser.

Et le tout pour ne rien dire de son obligation de réserve.

Ejecté de TF1 voila quelque vingt et un ans (il y était entré quand la maison était encore publique), Frédo, comme en d’autres occasions de sa vie, n’avait pas alors mâché ses mots :

« C’est le IIIe Reich... Ils (les Bouygues) n’aiment ni les Noirs, ni les Arabes, ni les pédés, ni les gens de gauche ».

Il est possible que cet attachant aspect de sa personnalité ne trouve pas pleine satisfaction dans l’exercice de ses nouvelles fonctions.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 01/07/2009

Transmis par Linsay


[1Résident secondaire en Tunisie, Frédo, qui a également déployé là-bas ses talents audiovisuels, y est aussi grand-officier de l’Ordre du 7-Novembre (1987). La date même ou l’entreprenant Ben Ali éjecta le très vieillissant Bourguiba. On a deviné que notre homme mène modérément campagne contre l’Etat policier tunisien.



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