Au Rocard de tour.

lundi 3 août 2009
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A près de 80 ans, l’ex-Premier ministre de Mitterrand, libéré de tout mandat, est devenu le grand conseiller fiscal (et polaire !) de Sarko.
Une « ouverture » qui jette le trouble même chez les rocardiens historiques.

Et de quatre !

Au nom de l« intérêt »général" , Michel Rocard, 79 ans aux prunes, intelligence tantôt fulgurante fuligineuse, en est à la quatrième mission qu’il accepte en moins de deux ans de la part de Sarkozy.

Après avoir dénoncé sans relâche pendant la campagne de 2007 le « danger public » représenté par le candidat UMP, qui allait « mettre à feu et à sang le pays », après l’avoir qualifié de « représentant le plus brutal du grand capitalisme », l’ancien Premier ministre de Mitterrand se proclame « sarkozysable » (sic) dès l’été 2007.

Et commence fin août, par accepter un siège dans la commission Pochard sur la revalorisation du statut des enseignants.

Pour en démissionner avec fracas cinq mois plus tard, quand il s’avise qu’il est « récupéré politiquement » !.

Un an plus tard, en janvier 2009, il prend sa « retraite parlementaire » (et non de la vie politique, nuance !) en démissionnant du Parlement européen, mais, « Rocky IV », a toujours envie d’« être utile », et il est nommé par Sarkozy en mars ambassadeur itinérant chargé de la négociation sur les pôles, c’est - à - dire des pingouins.

Une passion qui date de son passage à Matignon.

Quelques semaines plus tard, le voici bombardé président de la conférence des experts sur la taxe carbone.

Enfin, le 6 juillet, Sarko l’intronise co-responsable avec Alain Juppé de la commission chargée de plancher sur les priorités de l’emprunt d’Etat.

« La missionnite n’a pas de limite, c’est un véritable inventaire à la Prévert... », relève un député de droite attristé qui l’a côtoyé.

Sans devenir son ministre, Rocard cède bel et bien aux sirènes de Sarko, qu’il qualifie désormais de « représentant d’une droite réformatrice et intelligente ».

Rocardien historique, Bernard Poignant, le maire PS de Quimper, en rit jaune :« Le premier à souscrire à l’emprunt Sarkozy, c’est le PS, en lui prêtant aujourd’hui Rocard ! ».

Le prof d’économie Bernard Soulage, intime de Rocard depuis 1967 et qui lui a brièvement succédé au Parlement européen, avoue son trouble :

« Autant il est légitime sur les pôles et la taxe carbone, sujets depuis longtemps dans les tuyaux, mais l’emprunt, c’est plus gênant car cela constitue à nos yeux une coûteuse erreur autant économique que politique ».

Rocard ne se consacrera donc pas au renouvellement du PS, comme il l’avait annoncé au sortir de son soudain accident cérébral, survenu à Calcutta en juillet 2007.

Un accident à la suite duquel Sarkozy lui avait téléphoné le premier, mettant à sa disposition les moyens de la République, ce qui l’a beaucoup touché...

Les premières banderilles étaient posées.

D’autant que Rocard « vomit le PS » depuis son éviction brutale de sa tête, il y a quinze ans après son échec aux européennes.

Dès lors, il disserte à perdre haleine dans la presse sur l’état du parti : ce « grand malade » en état d’hibernation comateuse« , dont il fait même remonter la »malformation congénitale" en France à la fondation de la SFIO en 1905 !.

Il faudrait tout recommencer à Jaurès, en somme.

« Il y en a pour quinze ans » à rester dans l’opposition, a-t-il confié récemment, en portant ce jugement sur l’entourage d’Aubry : « Nous avons du petit gabarit ».

Du coup, autant servir là où est le développement durable du pouvoir...

« Un homme politique continue de courir même quand il a tête coupée », explique non sans émotion Jean-Paul Huchon, le président PS de la Région Ile-de-France, qui fut son fidèle dircab’ à Matignon avant de prendre ses distances.

Du coup, Rocard fête cette année ses 60 ans de militantisme socialiste en acceptant une rafale de mission d’un président de droite.

Ce n’est un secret pour personne : il ne s’est jamais remis de n’avoir pu se présenter à la présidentielle après son premier coup d’essai en 1969.

Humilié comme un petit garçon par Mitterrand, qui le terrifiait autant que son père, Yves Rocard, lequel le méprisait de ne pas être un scientifique.

De sorte que « Rocky » poursuit post mortem Tonton d’une rancune obsessionnelle.

« C’est une histoire freudienne, note Huchon. Il est étonnant de voir un homme politique aussi fort intellectuellement, aussi puissant, toujours hanté par les cauchemars de l’enfance ».

Rocard en garde une immense frustration, se rêve en candidat virtuel, se vit en recours quoi qu’il en dise.

Ainsi, lors de la dissolution de 1997, il vise carrément Matignon à la place de Jospin, puis se fait discrètement recevoir à l’Elysée par Chirac pour le convaincre de le nommer ministre des Affaires étrangères au nom de ses prérogatives présidentielles.

En vain.

Episode tout aussi « surréaliste » révélé par « Le Canard » et confirmé après coup par la candidate socialiste, puis par l’intéressé lui-même : en mars 2007, Rocard débarque dans le bureau de Ségolène Royal pour lui expliquer qu’elle est « fichue » vu sa baisse dans les sondages et qu’elle doit « [s]e désister » en sa faveur !

Puis il est reçu secrètement à plusieurs reprises par François Bayrou, pour lequel il envisage d’appeler à voter.

Enfin, il lance à dix jours du premier tour un tonitruant appel au désistement réciproque entre la candidate PS et le candidat MoDem.

« Il a un côté pétage de plombs assez intéressant », juge Manuel Valls, qui se revendique rocardien.

Au Parti socialiste, Rocard est salué pour son « inventivité » à 80 ans, mais il fait depuis longtemps sourire par ses lubies.

« Il est souvent lumineux au début, ensuite il faut le décodeur », confie François Rebsamen, maire de Dijon et ex-numéro deux du PS.

La preuve : lors de la même campagne de 2007, Rocard lui a réclamé un rendez-vous de toute urgence sous peine de démissionner du PS.

Il lui confie alors un vrai roman d’espionnage : des ingénieurs français et russes ont découvert un moyen miraculeux de neutraliser la radioactivité des déchets nucléaires, qu’il faudrait ensuite embarquer dans des sous-marins réformés...

Outre l’invention du RMI et de la CSG, son plus haut fait d’armes en politique reste d’avoir ramené la paix en Nouvelle-Calédonie en 1988 grâce aux accords de Matignon. [1]

Après ce succès, il s’imaginait volontiers en pacificateur réglant les crises diplomatiques dans le monde.

Débarqué par Mitterrand, il a même caressé un temps le rêve d’être secrétaire général des Nations unies...

Voilà un nouveau coup en perspective à réaliser pour Sarko : après avoir bombardé DSK au FMI, envoyer Rocard qur orbite à l’ONU !.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 15/07/2009

Transmis par Linsay


[1Faits d’armes dont nous ne rappellerons pas ici tout le « bien » que l’on pense...les kanaks non plus d’ailleurs ! NDR



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