Prudence syndicale

samedi 29 août 2009
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Un point de vue paru dans Ouest France du 28 août 2009.

Symboliquement côte à côte à l’université d’été de la CFDT, François Chérèque et Bernard Thibault ont donné un signal fort de convergence réformiste pour une rentrée sociale que l’ensemble des syndicats abordent avec une certaine prudence. Et pour cause, ils doivent faire face, eux aussi, à des défis inédits et difficiles. Pas plus que celui des politiques, le logiciel syndical n’est, en effet, préparé à affronter une crise exceptionnellement forte et longue. Pis, qui s’avance de plus en plus sur des terrains où les grandes confédérations n’ont que très peu de présence, de prise, de légitimité : les petites et très petites entreprises.

La relative prudence des leaders syndicaux est, de fait, à la mesure des incertitudes et des chausse-trappes d’un paysage social et politique excessivement mouvant. Imprévisible.

L’union est un combat et la mobilisation une gageure. Les journées nationales d’action et les défilés contestataires répétitifs se sont usés jusqu’à l’été, faute de carburant, faute de pouvoir contrecarrer une crise insaisissable et de déboucher sur des acquis palpables pour ses victimes. Leur relative inefficacité a fait tanguer, sinon lézardé, une convergence syndicale défensive qui ne tient peut-être qu’à un ciment très lâche : la peur d’être le fossoyeur de l’unité. Car tous les grands syndicats savent que le premier d’entre eux qui quitte le bâtiment de la solidarité risque d’être le perdant devant l’opinion, devant les salariés. Y compris FO, sans doute, quelle que soit son ambivalence : un pied dedans, un pied dehors.

Les organisations réformistes sont condamnées à s’entendre. Qui plus est, au plus mauvais moment, celui où leur concurrence est exacerbée par les nouvelles règles, plus contraignantes, de représentativité dans les entreprises.

La radicalisation est un autre défi et un danger avéré, fût-ce sous des formes inattendues. Avant l’été, on craignait des éruptions locales, violentes, incontrôlables. On a vu émerger une radicalisation certes violente, mais somme toute très réfléchie et élaborée, raisonnée à défaut d’être raisonnable, surtout délibérément visible et spectaculaire. En un mot : médiatisée. Pis, cette radicalité de comportement a donné des résultats concrets, chez Continental et ailleurs. Elle risque donc de se diffuser. Quitte à court-circuiter et affaiblir un peu plus les syndicats classiques, responsables... et à interpeller les médias instrumentés.

Le champ politique, enfin, reste, lui aussi, truffé de pièges pour l’expression syndicale. La déliquescence interminable de la gauche traditionnelle concourt à compliquer singulièrement la tâche des grandes confédérations. Elle permet aux NPA, LO et Front de gauche de piétiner allègrement les plates-bandes syndicales et de moissonner dans les champs d’un radicalisme renouvelé. Elle enferme surtout les syndicats dans un face-à-face redoutable avec l’omniprésent Nicolas Sarkozy.

Faute d’alternative politique crédible, ils sont obligés de composer sans rechigner avec un Président très actif, très pragmatique. Face à eux, Nicolas Sarkozy a les mains libres, y compris de leur donner, de temps en temps, des gages calculés et limités ¯ comme sur les bonus des traders ¯ mais sans transiger sur ses choix fondamentaux. Comme sur le travail du dimanche...

Paul Burel



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