Où sont les emplois ?

jeudi 10 septembre 2009
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Les économistes et experts capitalistes, de même que les joueurs de la Bourse ne peuvent dire avec certitude s’il y a « reprise » ou pas. Pour les travailleurs qui perdent leur emploi, leur maison, leurs soins de santé, leur salaire et se retrouvent profondément endettés, il n’y a pas d’ambiguïté. Il n’y a pas reprise.

Toutefois, au plus léger signe de moins mauvaises nouvelles – de nouvelles pas aussi mauvaises que celles de la période qui a précédé – les experts bien payés ont vite fait d’affirmer qu’une reprise est en vue.

Par exemple, le 31 juillet, le gouvernement a annoncé que l’économie n’avait régressé « que » de 1 % au cours du second trimestre, par rapport aux 6,4 % du premier trimestre de 2009. Le 6 août, une semaine plus tard, il annonçait que 247.000 travailleurs « seulement » avaient perdu leur emploi en juillet et que le chômage avait baissé – de 9,5 % à 9,4 %.
Il s’avéra qu’en outre, 422.000 travailleurs avaient quitté les rangs de la main-d’œuvre et n’avaient pas été comptabilisés. Ainsi, le taux de chômage aurait en fait grimpé à 9,7 % si les travailleurs découragés avaient été comptés comme faisant partie de la main-d’œuvre.
Cela ne demande certainement guère d’effort d’encourager les spécialistes capitalistes en quête désespérée d’optimisme. Après tout, l’optimisme fait monter les portefeuilles d’actions. Ainsi, ces gens n’attachent que peu d’attention à cette petite « différence ».
Le 10 août, autre bonne nouvelle. Le capitalisme français et le capitalisme allemand ont connu une légère croissance après de longues périodes de ralentissement économique. Cela fut suivi, deux jours plus tard, par l’annonce que le Japon connaissait lui aussi une légère croissance, après une longue et sévère régression économique.
Ben Bernanke, chef du Federal Reserve System, décréta que la lumière était en vue au fond du tunnel : la reprise était à l’horizon au cours du second semestre de l’année. Les affaires étaient censées reprendre. Les économistes pouvaient quasiment la sentir du bout des doigts, cette reprise.

Fausse promesse de « bonnes nouvelles »

Mais alors, le 13 août, vint la nouvelle que les ventes au détail avaient chuté – même chez Wal-Mart, chez Kohl’s et dans d’autres chaînes géantes qui vendent aux travailleurs. Le 14 août, le très respecté rapport de l’université du Michigan sur la confiance des consommateurs indiquait une sévère chute, alors qu’on s’attendait à une hausse. Les marchés boursiers américains chutèrent, suivis par une sévère chute en Asie et par un surcroît de récession aux États-Unis.
Les découverts des cartes de crédit, les saisies et les licenciements sont tous à la hausse. Près de 30 millions de travailleurs sont sans emploi ou ont des sous-emplois et leur nombre ne cesse d’augmenter. Les faillites personnelles augmentent elles aussi.
Comment les ventes pourraient-elles faire autrement que de chuter ? Les masses ont peu d’argent, voire pas du tout. Quoi qu’elles possèdent, cet argent est réservé pour payer les dettes, mettre les enfants à l’école, payer les soins médicaux ou simplement assurer la survie élémentaire.
Voilà pourquoi plus de cent banques ont fait faillite depuis le début de la crise. Cette année, septante-sept banques américaines ont sombré. Trois cents autres sont sur la liste d’attente de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Cinq banques viennent encore de faire faillite dans la seule semaine du 10 au 14 août.

La nouvelle et dangereuse phase du capitalisme

Ces allers et retours à propos de la reprise, de l’absence de reprise, de la faiblesse de la reprise, etc. se poursuivent face à une augmentation continue de la souffrance, des difficultés et de la pauvreté parmi les travailleurs et les opprimés. C’est ici que réside la contradiction.
Traditionnellement, le capitalisme n’est pas censé fonctionner de cette façon. La façon dont il est censé travailler est la suivante : quand il y a une crise économique, il y a une crise pour les travailleurs. Quand il y a reprise, il y a reprise pour les travailleurs aussi. Une régression amène des temps difficiles. Une reprise amène des temps meilleurs.
Mais que se passe-t-il quand il y a une reprise des affaires et qu’il y a toujours une crise pour les travailleurs ? Manifestement, le capitalisme se trouve dans une nouvelle phase dangereuse en ce qui concerne les travailleurs.
Pas un de ces experts ne sait s’il va y avoir la moindre espèce de reprise capitaliste des affaires ou si, en lieu et place, l’ensemble de l’économie va s’effondrer, une fois que l’argent de la stimulation fera défaut ici et en Europe et au Japon – ou peut-être même avant cela.
Mais s’ils s’arrangent pour mijoter une reprise pour les patrons et les banquiers en leur refilant des milliers de milliards de dollars en fonds de renflouement pris chez les travailleurs, la véritable crise structurelle à long terme du système va devenir apparente – une ère croissante de reprise sans emplois.
Mark Zandi, le principal économiste sur Moody’s Economy.com, a présenté la chose comme suit : « Nous allons de la récession à la reprise mais, dans un premier temps du moins, cela n’en aura pas l’air. » (The New York Times, 1er août) La menace d’un chômage à deux chiffres pèse et les salaires déclinent en dépit de la remontée des marchés boursiers et d’une nette hausse des bénéfices des sociétés.

La reprise sans emploi : un problème mondial

Les travailleurs doivent être très attentifs à ce qu’on dit sur la « reprise ». Manifestement, ils n’en seront pas. Par exemple, la lecture des paragraphes enterrés dans les annonces de la reprise en Europe et au Japon est édifiante. Après avoir claironné un « fort rebondissement » de l’Europe dans son titre à la une, le New York Times du 13 août rappelle à ses lecteurs que la reprise pourrait caler brusquement.
« On s’attend à ce que le chômage augmente sévèrement cette année, quand les programmes gouvernementaux qui ont gardé des gens sur des états de paiement privés partout en Europe se mettront à expirer. Déjà, le taux de chômage de l’eurozone est à 9,4 %, son niveau le plus haut de ces dix dernières années, et la croissance anémique des trimestres à venir ne suffira pas pour arrêter ce glissement. »
Le même type de gros titre optimiste, suivi d’une information vraiment maussade est apparu dans le Times du 16 août : « Les perspectives pour le Japon demeurent toujours incertaines et certains analyses doutent que l’économie puisse poursuivre dans cette reprise après que les mesures de stimulation au pays même et ailleurs auront suivi leurs cours. On s’attend également à ce que l’emploi et les salaires en baisse pèsent quelque temps sur les dépenses des consommateurs. Le taux de chômage japonais a atteint une record en six ans, 5,4 %, et les salaires ont atteint un bas niveau record en juin. »
« Une reprise qui se maintient d’elle-même n’est toujours pas en vue », a déclaré un économiste japonais. En d’autres termes, même s’il y a une reprise pour les capitalistes du monde entier, pour les travailleurs, il y aura toujours une crise du chômage et des salaires en baisse. Et cette crise va empêcher le système capitaliste de connaître une relance comme il y était habitué.

L’accroissement du taux d’exploitation durcit la crise

Un chiffre important publié mais sans la moindre publicité le 11 août, a montré une reprise dans la productivité du travail et ce, au beau milieu de la crise. Reuters a exposé les choses de façon très abrupte en annonçant un bond de 6,4 % dans la production horaire par travailleur (taux annuel).
« La production américaine par travailleur a augmenté pour atteindre son rythme le plus rapide en six ans, durant le second trimestre, au moment où les affaires se sont davantage dégagées de la régression, signifiant ainsi que le relèvement de cette récession sera lent et peu susceptible de créer une remontée des embauches. »
Donc, les patrons ont utilisé la crise pour larguer les travailleurs sur base permanente via le recours à la technologie, à la réorganisation, à l’accélération des cadences ou à d’autres moyens encore. Ce que cela signifie réellement, c’est que les capitalistes ont accru le taux d’exploitation des travailleurs.
Les heures des travailleurs ont dégringolé de 7,6 % alors que la production n’a chuté que de 1,7 %. Donc, les travailleurs ont produit plus en moins de temps. C’est ce qui a provoqué une hausse des bénéfices des sociétés, malgré une économie en déclin.
La lutte de chaque capitaliste pour pressurer de plus en plus les travailleurs signifie que les patrons ne devront pas réembaucher une bonne partie des dizaines de millions de travailleurs sans emploi ou sous-employés, même en une période de reprise.
Cela signifie aussi que s’il y a reprise – et ce n’est pas garanti du tout –, elle sera faible, de courte durée et elle se fera au détriment des travailleurs, qui en seront réduits à se faire concurrence pour des emplois de moins en moins nombreux.

Le capitalisme n’a pas de renouveau automatique pour les travailleurs. La seule façon de raviver la fortune des travailleurs et des communautés consiste à lancer une bataille massive pour l’emploi, pour les revenus, pour les services sociaux, les soins de santé, le logement, la nourriture et toutes les nécessités de la vie.
Patrons et banquiers nous ont fait payer la crise à coups de dizaines de milliards de dollars en renflouements, alors qu’on nous vire de nos emplois et de nos maisons.
Il est temps que les travailleurs s’organisent pour inverser la tendance. Il est temps de déclarer qu’un emploi est un droit, que le logement est un droit, que les soins de santé sont un droit, que l’éducation est un droit. Et il est temps de mobiliser les syndicats, les communautés et toutes les organisations de masse en une lutte unie pour faire changer les choses un peu partout.

Par Fred Goldstein - Analyste économique, chef de file du Workers World Party 01/09/ 2009

Source : Workers World

Traduit par Jean-Marie Flémal pour Investig’Action.

Transmis par Linsay



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