Questions et convictions.

mercredi 8 février 2006
par  Charles Hoareau
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La période que nous traversons semble à priori plus propice aux questions sans réponses qu’aux certitudes établies pour toute éternité. On n’en finirait pas d’énumérer les motifs d’inquiétude voire de désespérance.

-  Un syndicalisme affaibli, divisé, qui ne gagne pas parce que s’avérant incapable de généraliser des conflits locaux ou sectoriels pourtant durables et porteurs d’enjeux de société.

-  Un espoir né du 29 mai qui semble tué dans l’Å“uf par une droite sûre d’elle qui impose à un train d’enfer le remodelage de la société, cassant les droits des salariés et des citoyens et s’attachent à faire exactement le contraire de ce pourquoi les français ont voté au mépris de toute démocratie et de prise en compte de leur avis.

-  Une gauche se divisant en deux : la gauche atone ayant perdu ses repères et se laissant chaque jour un peu plus pénétrer par l’idéologie droitière qu’il s’agisse des questions sécuritaires, d’économie ou de rapports internationaux, la gauche anticapitaliste incapable de peser dans le débat français parce que semblant se complaire dans une attitude groupusculaire.

Pour ne prendre que 3 exemples :

- Comment ne pas se désoler du fait que dans l’affaire ARCELOR la gauche ne propose, ni ne mène bataille pour la nationalisation de la sidérurgie française, le PCF se limitant pour sa part à la notion vague de prise de participation significative de l’Etat dans le seul ARCELOR ? Si au lieu, comme elle le fait, d’en appeler à la commission européenne ( sic !), la gauche - à partir de l’idée toute simple du respect de la souveraineté des peuples et de la possession des richesses par ceux qui les produisent - était capable de faire claquer une telle proposition ne serait-elle pas mobilisatrice ? N’ouvrirait-elle pas par cette seule bataille une perspective politique ? La mobilisation d’un peuple pour conserver à son profit collectif l’exploitation de son sol contre les appétits des multinationales serait elle une spécificité génétique bolivienne ? Nous ne le pensons pas.

- Il y a 30 ans le discours de Jacques Chirac tendant à légitimer l’emploi de l’arme atomique contre d’autres peuples aurait suscité la colère et la gauche aurait été capable de mobiliser des millions de gens qui auraient manifesté dans la France entière alors que là Fabius approuve et que pour le reste cette déclaration semble passer comme une lettre à la poste puisque même à l’assemblée il ne s’est pas trouvé un seul député pour s’émouvoir de ces propos présidentiels suicidaires pour l’humanité. Comment ensuite s’étonner des réactions de colères de peuples qui n’en finissent pas de subir les méfaits de l’impérialisme : guerres, occupations, extension de la pauvreté, pillage des richesses et mépris de leurs valeurs ? Quand les médias nous occupent avec une histoire de caricature elles occultent, volontairement ou non, ce contexte international d’oppression, et la portée du discours du président français dans ce moment là. Quant à ceux qui parlent de manipulations intégristes nous leur répondons que l’intégrisme progresse là où le politique ne semble plus en mesure d’apporter ni espoir futur, ni solutions concrètes immédiates.

- Enfin combien semblent surréalistes les manÅ“uvres et autres intrigues des personnes en vues de la gauche « d’en haut » qui tournent autour de la conquête du pouvoir. 2007 semble faire perdre la tête à nombre d’individus et plonger les directions dans les mêmes travers que ceux du passé. Alors que dans ce pays il n’y a jamais eu en proportion aussi peu de votants, il n’y a à la fois jamais eu autant de candidats à la candidature - qui en plus s’adonnent au spectacle désolant d’échanger entre eux coups bas et petites phrases dont la presse raffole - et à la fois aussi peu de travail politique « en bas » pour permettre au peuple de se réapproprier la politique et impulser ses propres débats. Ce devrait pourtant être la tâche principale d’une gauche qui aurait tiré les leçons de 2002.

Alors faut-il désespérer de tout et se mettre à cultiver notre jardin chacun seul dans son coin ? Certainement pas et ce pour plusieurs raisons.

-  La première évidemment parce que ce ne serait pas une attitude révolutionnaire ! Nous sommes par nature des gens irraisonnables qui ne se satisfont pas de la réalité et au contraire ne renoncent jamais à la changer. Comme l’ont si bien repris les traminots : « Utopistes debout ! »

-  La deuxième a trait à la situation internationale qui, si elle porte en elle de grands motifs d’inquiétude, porte aussi de grandes raisons d’espérer. Semaine après semaine les nouvelles qui nous viennent d’Amérique du Sud sont autant de signes que le capitalisme et l’impérialisme ne sont pas invincibles. Les peuples mettent en échec l’Empire qui peine de plus en plus à imposer son ordre mondial.

-  Plus près de nous la troisième raison d’espérer est la mobilisation de la jeunesse contre le CPE. Par leur unité et leur dynamisme les mouvements de jeunesse ont bousculé les organisations syndicales et obligé celles-ci à une mobilisation unitaire qu’elles n’avaient pas eu (et que la CGT avait appelé de ses voeux) contre le CNE projet analogue et tout autant destructeur de droits. La presse pourra toujours ergoter sur le nombre de manifestants et Villepin proclamer qu’il écoute ceux qui ne parlent pas, la mobilisation est bien là et à nous tous de tout mettre en Å“uvre pour lui permettre de s’amplifier. A Marseille où cette mobilisation était particulièrement forte les jeunes Rouges Vifs y ont particulièrement bien tenu leur place et leur autocollant décoiffant s’est arraché sur la manif...

-  Il y a enfin une raison sans doute moins spectaculaire mais bien réelle et de fond, c’est la mobilisation qui perdure de ceux et celles qui à gauche refusent l’avenir que l’on veut leur imposer au nom d’une Europe des marchés. Le 31 janvier, dans une salle comble, avait lieu à Marseille un débat public (le terme conférence conviendrait mieux) sur la directive Bolkestein. Dans l’excellente introduction de Raoul Marc Jennar (ce qui n’est pas pour nous surprendre vu la qualité de ce qu’il nous envoie et que nous diffusons toujours intégralement et ce bien avant la création du site Rouge Midi), celui-ci mettait bien en lumière la logique qui sous tend la création de l’UE depuis le traité de Rome jusqu’à la directive en passant par Maastricht.

C’est cette logique là qu’il faut combattre. Comme le capitalisme l’Europe ou plus exactement cette Union Européenne là n’est pas amendable. Ceux qui discourent sur l’Europe sociale devraient y réfléchir à deux fois s’ils veulent offrir au peuple une réelle perspective de changement de société. Notre analyse d’avant 29 mai se trouve de fait aujourd’hui confortée. Il n’y aura pas d’alliance internationale progressiste (qu’elle soit au niveau de continent ou au niveau de la planète) si on ne part pas d’un certain nombre de fondamentaux que le capitalisme veut balayer.

Cette soirée a mis en évidence, une fois de plus, un peuple de gauche sans parti, qui espère en regardant du côté du Venezuela ou de la Bolivie, qui refuse le retour à la gauche plurielle, qui sait bien tout en en étant partie prenante que le mouvement syndical ou associatif a ses limites, un peuple qui ne veut plus lors des échéances électorales avoir à choisir entre la peste et le choléra, qui ne croit pas aux essais de dentifrice de Ségolène, qui s’essaie modestement à bâtir au quotidien une conscience, un débat, des solutions locales tout en pensant global et...qui cherche....

Dans un pays où la représentation politique est délégitimée il n’y a rien de plus urgent, si l’on veut éviter les catastrophes politiques possibles, à reconstruire une force révolutionnaire qui ait l’adhésion du peuple. Un parti, une union, un front peu importe la forme, mais une force qui agisse, soit visible et pèse. Ce rassemblement là il est encore à construire. Il se devine dans les luttes et les perspectives qu’elles ouvrent, du CPE à la paix en passant par le droit au logement ou la défense des services publics : nous en sommes.



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