Patrick Devedjian : Les sales tours de la Défense.

mardi 3 novembre 2009
popularité : 4%

EX premier sarkozyste » de France, le ministre de la Relance, président du conseil général des Hauts-de-Seine et de l’Epad, est désormais traité par la famille Sarkozy comme le dernier.

TOUT un chacun l’a oublié dans le monde politique, mais, voilà un an et demi, Jean Sarkozy n’avait pas de juge plus sévère de ses âpres ambitions que son très probable prédécesseur à la tête de l’Epad, le ministre de la Relance et président du conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjan :

"Il a 22 ans, son temps n’est pas venu. En République, les places s’acquièrent par le mérite, le travail, pas par l’héritage".

Quoi qu’il ait pu en penser par-devers lui, Sarkozy père n’avait pas vu là de "nom jeté en pâture", ni le subtil Jégo, pour ne citer que lui, de signes annonciateurs du "fascisme""...

Pour Devedjan, figure éprouvée du régime, un mauvais rêve au demeurant que cette Défense.

Voilà cinquante ans, sa famille, réfugiée en France avant sa naissance, se fait exproprier et de son logement et du terrain de sa petite usine de casseroles de Courbevoie, précisément parce qu’on s’apprête à construire là, sous De Gaulle, ce centre d’affaires qui a tant aiguisé les appétits du dauphin.

Il y a plus cocasse encore.

Au printemps 2004, le ministre des Finances Sarko et son ministre Devedjan se battent pied à pied (il s’agit de contrer une initiative de Raffarin) pour faire rejeter un amendement qui abolit la limite d’âge de 65 ans pour les présidents d’établissements publics.

Le Conseil constitutionnel se chargera plus tard d’abroger l’amendement, mais c’est justement parce qu’il a atteint les 65 ans que Devedjan doit abandonner son fauteuil à l’Epad...

Peu de collègues ou d’observateurs qui ne soulignent son brio, son mordant, sa culture aussi qui s’épanouit dans une passion pour la peinture française du XVIIe siècle, la lecture des auteurs grecs antiques et le culte de Chateau briand.

Le tout ne protège pas de quelques beignes monumentales.

La série noire commence en 1993, sous Balladur, qu’il soutient comme son copain Sarko (par la grâce de Pasqua, Nicolas et Patrick ont été co-secrétaires adjoints du RPR des Hauts-de-Seine dans les années 80).

Las, Ballamou le récuse pour ministre parce qu’il a été l’avocat (dans 20 procès) de Chirac.

Sans jamais y avoir été suspecté de compromission.

Juste retour des choses : deux ans plus tard, Chirac élu, Devedjan est également écarté du gouvernement pour... balladurisme !

Suivent, sous Chirac, deux strapontins à l’ombre de son héros Sarko qui n’ont pas durablement marqué les masses : les Libertés locales puis l’Industrie.

Le summum des désillusions survient quand, à peine élu, le tsar Nicolas –Tu quoque, mon frère ! – lui préfère Rachida au maroquin dont la perspective illumine ses nuits depuis tant d’années : le ministère de la Justice.

Troublé, amer, Devedjan doit se contenter de la présidence des Hauts-de-Seine et du secrétariat général de l’UMP, fonction qui lui attire vite des reproches de Sarko :
« il n’est pas assez offensif », « il est fondamentalement ingérable », cependant que, dans la majorité, d’autres le qualifient de « sniper », répétant : « Il se damnerait pour un bon mot » (pour un mauvais aussi).

« Il » est surtout bien imprudent quand, à la veille des municipales, médiocres pour le parti majoritaire, il promet de « conserver Marseille » (dont acte) « et Toulouse » (perdu).

En fait-il pourtant, le « non-courtisan » (lui-même dixit) Patrick, pour servir son maître :
« L’ouverture (il en a été la première victime) « n’est pas un gadget ».

L’extravagante visite de Kadhafi ?

« Le commerce, c’est la paix », etc., etc.

Exfiltré de l’UMP au profit de l’entreprenant Xavier Bertrand, Devedjan se voit attribuer un vrai-faux ministère, la Relance (une vingtaine de chargés de mission) où il n’a même pas le choix de son dircab’.

Détail, un de ses quatre fils, Thomas, un surdiplômé, lui (HEC, l’X, l’ENA), joue actuellement les numéros deux du Fonds stratégique, le machin supposé aider les entreprises nécessiteuses…

S’il en a fait trop peu au parti, Devedjan en rajoute, en revanche, beaucoup dans les Hauts-de-Seine en claironnant sa volonté de « nettoyer les écuries d’Augias », en clair de dépasquaïser le département.

Il éjecte quelques séides de Môssieu Charles, ferme son sulfureux organisme de coopération africaine, et promet qu’il « facilitera les investigations de la justice ».

Parrain autoproclamé du Prince Jean, le duo Balkany hurle, de son côté, à la lune, et Pasqua lui-même montre les dents.

Il est des embrouilles qui gagnent à demeurer opaques…

A un récent déjeuner de presse, Devedjan, qui, pas plus tard qu’en 2005, se proclamait « le premier sarkozyste de France », a bien annoncé qu’il se représenterait aux cantonales de 2011, mais n’a même pas envisagé son éventuelle réélection au perchoir départemental.

Aujourd’hui, certains évoquent pour lui, mais pas avant quatre ans, un siège au Conseil constitutionnel, cependant qu’on surprend le « sniper » à lancer : « Il reste tant de livres à lire… »

Comme si, « le temps de Jean » étant « venu » bien malgré lui, il jugeait le sien passé.

Les tireurs d élite finissent rarement généraux.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 21/10/2009

Transmis par Linsay



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur