David Douillet : le drôle de dan du Président.

jeudi 12 novembre 2009
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Pour avoir sauvé une circonscription de droite en pleine crise de croissance du fils Sarko, l’ex-judoka espère ajouter un titre de ministre à sa collection olympique.

Il fallait bien un judoka pour limiter la cata.

Depuis le 18 octobre, Douillet est le bon nounours de la Sarkozye en déclin.

Le Président part-il en glissade pour avoir laissé son fils croire que la valeur de la Défense n’attend point le nombre des années et qu’à 23 ans il n’est pas trop tôt pour mettre la main sur le premier quartier d’affaires européen ? Douillet descend de son Olympe.

Et décroche - quel miracle ! - une circonscription de droite, la 12e des Yvelines, où son prédécesseur UMP, condamné à 10 ans inéligibilité dans une affaire de pots-de-vin, avait été élu avec plus de 60% des suffrages en 2002.

Voilà un chiraquien de coeur qui mérite le respect malgré le changement de régime. Au soir de la victoire, l’ordonnance Bertrand confie la satisfaction du généralissime :
"Je l’ai eu au téléphone. Je peux vous dire qu’il était très content."

Il paraît même qu’il était aux anges, c’est dire s’il craignait l’enfer !.
Le sauveur a été reçu deux jours plus tard à l’Elysée.
Nul cliché n’a paru dans la presse.

Sarko n’a pas voulu répliquer le ridicule du président Accoyer saisi sur le perron de l’Hôtel de Lassay en train de serrer la main d’un géant de 1,96m.
On n’est pas dans "Schrek"...
Pour lui on a quand même failli agrandir l’hémicycle.
Le nouveau lauréat avait une angoisse : pouvoir rentrer ses jambes sous le pupitre.

Les services de la présidence lui ont trouvé le siège approprié.
Il s’y est assis sous les applaudissements d’un groupe UMP ravi d’avoir sur ses bancs une ex-personnalité préférée des Français dans le baromètre du "Journal du dimanche", ce qui change des sondages de Sarko.
Depuis que Noah lui a ravi la place de l’abbé Pierre, Douillet d’ailleurs grince :
"Quand je vois qu’au tennis la référence d’aujourd’hui reste un mec qui n’a gagné qu’un seul tournoi de Grand Chelem, il y a vingt-cinq ans, ça me fait de la peine pour le tennis..."
Confraternel, non ?

Question propos aimables et distingués il en a d’autres l’ancien judoka !
Dans son autobiographie modestement intitulée "L’âme du conquérant" (Robert Laffont, 1998), Douillet lâchait :
"On dit que je suis misogyne. Mais tous les hommes le sont. Sauf les tapettes !"

Ses électeurs homos apprécieront sûrement son respect pour leur orientation sexuelle. Comme si, au passage, il n’y avait pas de gays misogynes !

Interrogé sur sa phrase à plusieurs reprises à la télé et à la radio, Douillet, gêné, a expliqué, sans rire, par la suite que, dans sa bouche, "tapettes" visait "les hommes qui ne s’assumaient pas".

Or Douillet s’assumait lui-même nettement plus dans son bouquin, justifiant sur trois pages sa "misogynie rationnelle" (sic).
Thèse principale : "Par essence, la femme n’étant pas faite comme l’homme, elle ne peut s’y comparer".

Il va falloir que Carla lui offre d’urgence tout Beauvoir relié en peau de serpent !

"Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant".

Sympa pour ses ex-conseurs du judo féminin. Quand à ses nouvelles collègues députées "qui se battent" en politique, elles sont prévenues !

Pourquoi d’ailleurs les femmes se mettent-elles en tête de bosser et de s’émanciper ?

"C’est la mère qui a dans ses gênes, dans son instinct, cette faculté originelle d’élever les enfants. Si Dieu a donné le don de procréation aux femmes, ce n’est pas par hasard."

Ses électrices forcées de gagner leur vie seront charmées d’apprendre, de leur côté, que Dieu et Douillet son prophète ne les trouvent pas à leur place :

"De fait, cette femme-là, quand elle a une activité professionnelle externe, pour des raisons de choix ou de nécessité, elle ne peut plus jouer ce rôle(...) Je considère que ce noyau est déstructuré. Les fondements sur lesquels était bâtie l’humanité, l’éducation en particulier, sont en partie ébranlés. »

Au revoir Colette, les suffragettes, Mai-68…

« Pour l’équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer, à gérer affectivement la cellule familiale, quel que soit d’ailleurs le niveau social concerné (...)J’ai une authentique admiration pour les femmes qui vouent leur vie aux leurs » .

Dans son bouquin « 110% » (Michel Lafon, 2001), Douillet fait un éloge tout aussi avant-gardiste du travail :

« Ce n’est pas normal : autrefois, on travaillait plus dur et surtout plus longtemps, du plus jeune au grand âge, et du lever au coucher du soleil, hormis le jour du Seigneur. (…) Et pourtant, de l’aveu même de nos grands-parents, bien que l’on se tuât à la peine, on savait garder du temps pour des veillées au coin du feu, des après-midi pour les fêtes… »

Bref ? travail, famille… Au rayon patrie, Douillet devrait sûrement avoir plein d’autres choses à dire pour conforter l’« identité nationale »

Chirac était son ami, avec qui il pouvait tout oser - "Parfois je lui dis qu’il a une petite bedaine sous son costard et qu’il devrait faire attention" -, mais il n’a jamais voulu entrer en politique pour le grand Jacques.
« Un univers où il n’y a pas de place pour les mecs comme moi », confiait-il en 2000.

Après ses 2 médailles d’or au JO et 4 en championnat du monde, le judoka préfère compléter sa collection de métal jaune avec Bernadette.
La Chodron, reconnaissante, lui obtient une amnistie aux petits oignons en 2002 dans l’affaire de détournement d’actifs de la société Travelstore, dont il détenait 21% du capital.
La faillite des agences de voyages forme la jeunesse…

Avec Sarko, Douillet a trouvé une nouvelle relation de poids pour passer sa crise de la quarantaine.

Les deux hommes sont obsédés par leur corps. Sarko est en surrégime perpétuel, Douillet préfère depuis qu’il est gamin aller dans l’espace pour échapper à la pesanteur et à son enveloppe de géant.
« C’est un lourd -léger, raconte Jean-Luc Rougé, le président de la Fédération française de judo, qui l’a découvert quand il avait 17 ans, à Rennes.
Souvent, les poids lourds sont gentils et indolents, lui il a des qualités de poids léger, il a l’agressivité et l’envie de gagner ».

Lui léger, Sarko parfois un peu lourd, les deux hommes étaient faits pour s’entendre.
Douillet a donc cédé à la Sarkozye en mars et accepté le titre de secrétaire aux sports de l’UMP ;
Un passage obligé pour qui ambitionne d’être ministre.
Car c’est bien ce qu’il vise désormais.
L’épisode Laporte l’a décomplexé.

Notre supermédaillé devrait être son « conseiller spécial », il y a renoncé pour ne pas abimer son image.
Si le rugbyman, incapable de décrocher un titre de champion du monde, a pu faire le job, pourquoi pas lui, le « champion des champions français » ?

Comme le Président est devenu son obligé, Rama Yade peut bien résister, la nomination ne devrait pas attendre longtemps après les régionales.

Cela lui laisse quelques mois pour faire le ménage dans ses activités d’homme qui aime l’argent et le bouclier fiscal, autres points communs avec Sarko.

Patron de DD (Double D), il fournit la Fédération de judo en équipements Adidas ; président du comité de sélection des équipes de France, il choisit les athlètes qui portent ses kimonos ; consultant sur Canal Plus, il commente leurs combats !

A peine élu, Douillet s’y connaît déjà en cumul !

Jean-Luc Rougé lui a expliqué qu’il devrait se contenter à l’avenir de siéger au comité directeur de la FFJ, mais les deux hommes doivent en reparler.

Jean-François Lamour, autre député médaillé olympique, lui conseille d’ »y regarder à deux fois » avec Canal.
Quand à DD, son épouse, qui n’est jamais loin, continuera a veiller sur ses intérêts.

Quatre jours après sa victoire dans les Yvelines, Douillet était au « Club des ceintures noires ».

Une grande confrérie rassemblant maires, députés, sénateurs et chefs d’entreprise qui ont tâté du tatami.
Le jeune député a rendu hommage à la belle famille du judo qui lui a appris bien des choses, dont « l’esprit citoyen ».
« J’aurais pu mal tourner. Le judo m’a empêché de devenir un gros con », dit-il souvent.
Le judo, peut-être, mais pas la politique ?

D’après Jean-Michel Thénard et David Fontaine dans Le Canard enchaîné.

...Et avec l’aide de Linsay



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