Le procès d’une France hypocrite et cynique

samedi 7 novembre 2009
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Le quotidien burkinabé Le Pays tire les leçons du procès des vente d’armes à l’Angola, dans les années 1990. Décidément, en matière de corruption, les dirigeants français n’ont vraiment pas de leçon à donner aux Africains.

L’Angolagate est cette histoire obscure de vente d’armes entre la France et l’Angola, entre 1993 et 1998. Les deux principaux accusés, l’homme d’affaires français Pierre Falcone et le russo-israélien Arcadi Gaydamak, n’ont pas nié avoir fourni à la République lusophone du matériel militaire comprenant des chars, des navires de guerre, des hélicoptères militaires, des obus, etc. Pour cela, ils ont été condamnés chacun à six ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Paris, le 27 octobre. Gaydamak, sentant venir le roussi, avait préféré prendre la poudre d’escampette et se réfugier en Russie.

Ils sont nombreux à estimer que les têtes que ce verdict a fait tomber ressemblent à celles de moutons sacrifiés. Certains des condamnés ne veulent pas pour autant se laisser conduire sans résistance à l’abattoir. Ce ne sont pas de simples quidams à qui il faut faire porter le chapeau. Après l’énoncé du verdict, l’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua a commencé à délier sa langue et porté de graves accusations, peut-être un peu tardivement [1]. Il clame son innocence et demande au président Nicolas Sarkozy de lever le secret défense sur cette affaire qui paraît avoir touché le sommet de l’exécutif français. L’ancien ministre de l’Intérieur donne ainsi un grand coup de pied dans la fourmilière, mais si Nicolas Sarkozy accède à sa requête, il faudra faire attention aux scorpions qui en sortiront.

Même si ce procès paraît être, d’une certaine façon, celui de la vieille époque, celle des mitterrandiens et des chiraquiens, Sarkozy ne peut se permettre de lever ainsi le secret défense sans affaiblir ou fragiliser la France. L’Etat est une continuité. Aujourd’hui, et ce malgré lui, il est le dépositaire et l’héritier d’un dossier qu’il doit gérer avec délicatesse s’il ne veut pas que la France soit la risée de la communauté internationale. Du reste, n’est-il déjà pas trop tard compte tenu des propos de Charles Pasqua ? La France n’est-elle pas déjà éclaboussée par l’affaire ?

A l’époque des faits, l’Angola était en guerre civile et surtout sous embargo de l’Organisation des Nations unies. José Eduardo Dos Santos, le président angolais, avait demandé à la France de l’aider à acquérir des armes. Paris avait officiellement refusé. Officieusement, cependant, l’Hexagone avait favorisé les contacts avec Gaydamak et Falcone. Le résultat de tout cela se retrouve aujourd’hui sur la place publique. Cette sordide histoire vient encore une fois mettre à nu l’hypocrisie et le cynisme des puissances occidentales. Comment peut-on en effet comprendre que la France, qui est membre du Conseil de sécurité de l’ONU et n’a pas opposé son veto à la décision de l’embargo, ait ainsi violé cette interdiction de vendre des armes à l’Angola ? L’embargo avait sans doute été décrété pour mettre un terme à une guerre civile extrêmement meurtrière. L’objectif recherché était l’instauration de la paix et la préservation des vies humaines. On se rend compte aujourd’hui que cela était le cadet des soucis des dirigeants français de l’époque.

Cette affaire révèle ce que certaines puissances occidentales paraissent être et ce qu’elles sont réellement. La corruption et autres pratiques mafieuses collent aussi à la peau de leurs dirigeants. Les guerres, comme on s’en rend compte avec cette affaire, sont des opportunités de renforcement de leur puissance et d’accumulation d’énormes richesses. La république d’Angola, contre qui était décrété l’embargo, est un pays riche de son pétrole et de ses autres ressources naturelles. C’est le cas de nombreux pays, africains notamment, qui se trouvent sous le coup de sanctions décrétées par la communauté internationale. Rien ne prouve que, de nos jours, des violations de sanctions n’ont pas lieu à l’insu de tous. Il faudrait alors attendre une vingtaine d’années environ avant que le pot aux roses ne soit découvert.

Avec ce genre d’affaire, les dirigeants occidentaux n’ont vraiment pas de leçons de morale à donner à leurs homologues des pays pauvres en matière de lutte contre la corruption.

Lassané Le Pays
29.10.2009

Transmis par Linsay


[1Il a affirmé que plusieurs dirigeants français, dont Jacques Chirac, président à l’époque des faits, étaient au courant des transactions



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