Pour la défense des hôpitaux sud

Campagne vive les services publics !
vendredi 17 février 2006
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Jean Marie Douville et Gérard Avena respectivement responsable des syndicats CGT et SUD de l’hôpital Ste Marguerite répondent à nos questions...

RM : Vous êtes à l’origine du Collectif contre la privatisation et pour la défense des hôpitaux sud. Quelle est la menace ?

Les hôpitaux sud, c’est Salvator dont la fermeture sera effective courant 2007 et Sainte Marguerite dont tous les services seront regroupés sur l’hôpital Nord et la Timone à l’exception de la psychiatrie, de la gériatrie et de consultations publiques. Autant dire qu’il n’y aura plus d’hospitalisation publique sur une zone où vivent 350 000 personnes et où 67 000 viennent travailler chaque jour. Au delà de ça, les autorités sanitaires viennent de décider de céder 155 lits de Suite et de Réadaptation qui appartiennent à l’AP-HM (Assistance publique des Hôpitaux de Marseille) à des établissements privés à but lucratif au premier rang desquels on trouve la clinique Saint Martin (qui appartient à la famille Muselier) et la Générale de Santé (société cotée en bourse).

RM : Les hôpitaux sud répondent-ils à des besoins ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 85% de taux d’occupation des lits, pour un hôpital ça veut dire qu’il tourne à plein. Mais il n’y a pas que l’activité normale, une politique de santé se doit de prévoir des périodes de pointes non planifiées (canicule, épidémies, catastrophes, périodes estivales touristiques, grands évènements comme la coupe du monde de foot-ball où l’on a compté jusqu’à 20 à 30 passages/heure aux urgences, etc...). Cet été, lorsqu’il a fallu fermer temporairement les blocs opératoires de l’hôpital Nord, c’est à Sainte Marguerite que les interventions ont été effectuées.
Bien entendu, un des besoins fondamentaux auquel répondent ces établissements, c’est la proximité. Il est évident qu’une personne hospitalisée, donc en état de détresse, verra sa santé d’autant mieux s’améliorer que ses proches pourront la soutenir (c’est essentiellement un besoin des couches modestes ou pauvres de la population pour qui les déplacements dans Marseille sont un problème).

RM : Quels sont les arguments avancés pour ces fermetures ?

Ils sont de deux ordres. L’hypersophistication des spécialités médicales nécessiterait un regroupement en pôles pour une plus grande efficacité grâce à la synergie entre des spécialités aujourd’hui dispersées (ex. coeur/poumon), et pour la mise en place de ces pôles, deux sites suffiraient : Nord et Centre (Timone, Conception).
Le deuxième argument est d’ordre budgétaire : l’AP-HM se débat dans des difficultés financières insurmontables qui vont être aggravées par la nouvelle budgétisation (Tarification à l’Activité ou T2A). L’activité de proximité rapporte peu aux établissements par rapport aux activités de référence (comme la chirurgie cardiaque) c’est pour ça que dans le projet d’établissement les hôpitaux sud sont condamnés (ils ne sont pas officiellement fermés par le maintien de quelques bricoles pour ne pas faire ombrage à Gaudin).

RM : Et les arguments pour la privatisation ?

Toujours dans le nouveau mode de budgétisation des hôpitaux, au plus un malade sort vite de l’hôpital, au plus l’hôpital gagne de sous. Le Directeur Général souhaite une moyenne d’hospitalisation de 48H. Il manque à Marseille, et c’est vrai, des lits de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) qui permettraient de désemcombrer les services et donc de réduire les durées de séjour. En donnant ces 155 lits par bail emphythéotique, l’AP-HM répondrait ainsi à un besoin et de plus encaisserait un loyer de ces établissements privés.

RM : Vous contestez ces arguments ?

Bien sûr. D’abord parce que les regroupements en pôles ne sont pas motivés par un souci de plus grande efficacité thérapeutique, mais par la rigueur budgétaire (le médecin chef devient gestionnaire et DRH en plus de soignant, il aura un budget qu’il ne pourra plus dépasser, il n’y aura plus de rallonges budgétaires). Va se poser inévitablement la question du choix des malades en fonction des recettes prévisionnelles.
Ensuite, la proximité est pour nous, soignants, essentielle dans la prise en charge des êtres humains en souffrance qui s’en remettent à nous. Nous affirmons que la fermeture des hôpitaux sud n’est liée qu’à des choix budgétaires au détriment des besoins sanitaires.
Enfin, si l’AP-HM est en crise, nous affirmons que cette crise a été organisée depuis longtemps, sous tous les ministres successifs, dans une ville et un département où le privé à but lucratif est sur-représenté.
Quant à céder des lits au privé (qui inévitablement utilisera les équipements lourds de l’hôpital à son profit), l’argumentation est absurde. Qu’est-ce qui pourrait empêcher l’AP-HM d’ouvrir et d’exploiter elle-même ces lits ?

RM : Y aura-t-il des retombées pour les personnels ?

Elles seront néfastes et innombrables. Dans la structure qui sera créée (Groupement de Coopération Sanitaire) pour gérer l’ensemble pubic/privé les nouvelles embauches pourront être de droit privé même pour la partie publique, c’est la perte du statut Fonction Publique Hospitalière (FPH) et avec les CNE, CPE, emplois aidés et autres contrats de précarité qu’on nous annonce, on peut légitimement s’inquiéter.
Ce qui va être extraordinaire avec la venue du privé, c’est que sur un même site hospitalier nous allons avoir du personnel FPH et du personnel dépendant de deux conventions collectives différentes, exerçant tou(te)s les mêmes métiers.
Comme pour toute l’AP-HM où nous travaillons depuis longtemps à flux-tendu, les choses vont s’aggraver : le médecin chef en ayant la haute main sur les personnels (affectations, notation, nombre), voudra toujours aller au plus économique pour avoir la meilleure budgétisation possible. C’est la fin de l’infirmière qui connait son service et ses malades, affectée sur un poste différent à chaque vacation pour pallier au manque d’effectifs. En ce sens, on peut dire que les intérêts des usagers et des personnels se rejoignent. La sérénité est une composante essentielle du soin.

RM : Cette politique du moindre coût risque-t-elle de déboucher sur des plans sociaux ?

Pas à proprement parler, mais des suppressions de postes sont prévues par les non-remplacements des départs et c’est loin d’être négligeable : 300 administratifs et médico-techniques et 40 technicien(ne)s de laboratoire. C’est une exigence de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation qui tient les cordons de la bourse et qui n’aidera lâ€ËÅ“AP-HM que si celle-ci réalise 40 millions d’économies qui correspondent à son déficit. Avec les pertes qui vont s’accentuer au fur et à mesure de la globalisation de la T2A, tout le monde sait que l’AP-HM ne peut que s’enfoncer de plus en plus (actuellement 76% d’endettement).
C’est mal parti pour l’emploi à Marseille où l’AP-HM avec la Ville est le plus gros employeur.

RM : Qu’est-ce qui peut faire obstacle à une telle politique ?

En 1999, la CGT, des CIQ, des élus et de nombreux usagers avaient déjà fait reculer ces plans par une importante mobilisation, mais l’époque était différente et les enjeux sont plus importants aujourd’hui. Le plan Juppé de 1996 a créé les ARH mises en place sous Jospin et a donc permis le démantellement du système de santé public par une austérité systématique. En 2002, Jean-François Mattéi, alors ministre de la santé, a concocté le Plan Hôpital 2007 qui débute la privatisation de ce système (création des pôles, de la T2A, des groupements de coopération sanitaire,etc...). Le projet d’établissement de l’AP-HM n’est que l’application locale du plan hôpital 2007. Et lorsque l’inévitable se sera produit avec une telle politique, à savoir l’effondrement financier total, il ne restera plus qu’à brader l’établissement à des repreneurs privés comme la très puissante Générale de Santé. N’oublions pas que l’OMC et la Commission Européenne ont déjà planifié la privatisation des systèmes de santé.

L’affaire est donc d’importance, mais pour se battre contre, les alliés ne sont pas nombreux (dans les syndicats des personnels, seuls SUD et la CGT sont en opposition totale) et nous ne pouvons guère nous fier à un hypothétique changement politique en 2007 dont rien ne garantit qu’il reviendrait sur toutes ces mesures, d’autant plus qu’à la vitesse où vont les choses, en ... 2007 il n’y aura plus rien à défendre.

RM : De là l’idée d’un Collectif ?

Ca nous a semblé la forme la plus appropriée pour informer la population qui seule pourra faire échec à tous ces plans par la mobilisation. Pour cela nous essayons de regrouper toutes les forces qui ont la volonté de changer le cours des choses pour l’hôpital : outre nos deux syndicats, les organisations politiques [dont Rouges Vifs NDLR], les associations et tous les usagers qui le veulent.
Ca part aussi de l’idée que l’hôpital public n’appartient pas aux professionnels qui y travaillent, fussent-ils des professeurs agrégés mais à toute la population qui l’a financé au fil des générations, et donc sa défense doit être menée par la population et bien entendu par les agents hospitaliers. A travers cette bataille se posera inévitablement la revendication d’une gestion démocratisée (ou socialisée) du système de santé.
Notre espoir c’est que le travail du Collectif permette une mobilisation massive.



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article de La Marseillaise

Commentaires

jeudi 7 décembre 2006 à 21h01
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mercredi 6 décembre 2006 à 18h48 - par  PLATINE

BONSOIR JE VIENS DE LIRE VOTRE ARTICLE QUI ETAIT TRES INTERESSANT MAIS QUI M A FAIT TRES PEUR CAR JE SUIS UNE NOUVELLE AIDE SOIGNANTE ET MARDI 12 DECEMBRE J AI RENDEZ VOUS AVEC SAINTE MARGUERITE ET MAINTENANT JE ME FAIT BEAUCOUP DE SOUCIS CAR JE NE SAIS PAS A QUOI M ATTENDRE POUR MON AVENIR J ETAIT TOUT CONTENT DE RENTRER DANS UNE TEL STRUCTURE MAIS LA JE NE SAIS PAS QUOI FAIRE CAR JE VAIS ME RETROUVER SUREMENT DANS DES SERVICES LOURDS ET SUREMENT AVEC PAS GRAND MONDE POUR TRAVAILER . JE VOUS REMERCIE DE BIEN VOULOIR ME REPONDRE POUR ME DONNER DES CONSEILS.

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