Les nouveaux surendettés gavent les banques.

vendredi 18 décembre 2009
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Taux d’intérêt maquillés, chantage au crédit renouvelable, rachat de crédit hors de prix : les nouveaux pauvres sont des proies faciles.

L’ARGENT, ça peut être simple comme un coup de fil, ou une signature au bas d’un formulaire, coloré.

Un prêt de 5 000 euros sous trois jours, avec un premier remboursement après les fêtes ?

Tentant, non ?.

Erreur !.

D’abord endetté, puis surendetté, le consommateur qui s’enfonce n’a plus d’autre salut que de déposer un dossier devant une commission départementale de surendettement.

En espérant un moratoire, voire un effacement total de l’ardoise, comme le prévoit la loi Borloo.

Alors que les rues s’illuminent pour Noël, la Banque de France vient de rendre public son baromètre trimestriel.

Avec ce chiffre : une augmentation annuelle de 18% du nombre de dossiers naufragés déposés entre janvier et septembre.

Explosion aussi des sommes empruntées, puisque le montant moyen des dettes a progressé de 16%, les portant à 41 685 euros.

Du boulot en perspective pour les 1 500 employés de la Banque centrale affectés à la gestion de ce fléau.

Virus mutant.

D’habitude, le surendettement frappait l’acheteur compulsif.
Celui qui collectionne les petites cartes magiques aux couleurs de la Fnac, d’Auchan ou des Galeries Lafayette. Autant de pièges.

Télé, ordinateur, mobilier, le consommateur peut remplir son appartement sans douleur. Il paiera plus tard.
Ce surendetté, dit « actif », est aujourd’hui marginalisé.
« Moins de un sur dix », confie l’un des responsables d’une commission de surendettement d’Île-de France.

Car, désormais, la majorité des ménages en difficulté est composée de « passifs », contraints d’emprunter pour acheter des produits de première nécessité.

Cette nouvelle « clientèle » se divise en deux catégories.

Les accidentés de la vie, d’abord.

« Un divorce, la perte d’un emploi ou le décès du conjoint, et tout peut basculer », constate un autre responsable de commission.

Expliquant aussi que deux ans de moratoire de créances sont souvent suffisants pour que ces surendettés se remettent à flot.

« Revolving » sur la tempe.

La deuxième catégorie est celle des travailleurs pauvres.

« On voit débarquer des gens que l’on ne voyait pas il y a quinze ans : smicards à temps partiel qui doivent payer un loyer de 500 euros, intermittents du spectacle, agents hospitaliers, retraités », raconte un membre de la commission parisienne.
Et de s’insurger : « Beaucoup de personnes âgées doivent prendre un crédit pour soigner leurs dents ».

Mais l’endettement ne fait pas que des malheureux.

A côté des pages de pub pour la fameuse pierre du Nord, dont le magnétisme « peut apporter réussite, amitié, amour, chance et bonheur », les organismes de crédit inondent les magazines populaires de leurs réclames.

Le lecteur voit l’appât, pas l’hameçon.

Un exemple au hasard : dans le supplément « TV Magazine » du « Parisien », Médiatis annonce un taux d’intérêt de 3,5% à 8,90%.
Mais, sur le site médiatis.fr, la fourchette a fait un bond : entre 3,9 et 9,1%.
Sans compter que le taux minimal est caché à quelques clics de là : 5,9% annuels pour un prêt qui sur ce site s’obstine à ne pas être inférieur à deux ans.

Et, comme si cela ne suffisait pas, les organismes prêteurs sortent leur fameux crédit « revolving » - qui se renouvelle automatiquement -, véritable pompe à phynances pour laquelle certains banquiers n’annoncent que des taux mensuels ridiculement faibles.

Mais, multiplié par douze, le pourcentage flirte avec le taux d’usure maximal autorisé par la loi.

Pour le consommateur, ce n’est pas un cadeau.
Pour le prêteur, c’est une aubaine.

Or,depuis quelques mois, les banquiers poussent des cris d’endettés.

L’accumulation des « incidents de remboursement » plomberait dangereusement leurs comptes.
Inutile de sortir les mouchoirs.

Entre autres pleureurs, Laser-Cofinoga, l’un des géants du marché, a vu son résultat brut augmenter de 21,3% sur un an, au 30 juin 2009.

Ce nouveau pauvre a même distribué 86,5 millions de dividendes.

Requins ou vautours ?

Quand le surendetté est cuit à coeur, les marchands de crédits arrivent comme le Messie pour proposer « rachat » ou « rééchelonnement » de la dette.
Leur boulot : reprendre tous les crédits du « malade » et n’en proposer qu’un, rééchelonnement sur huit ou dix ans.

« Le client voit qu’il aura des mensualités moins élevées et il tombe dans la trappe », dit un banquier anonyme.

Dans tout crédit, les intérêts sont remboursés d’abord. Avant son « rééchelonnement », le consommateur n’avait souvent payé que les intérêts. Après cette opération, il va lui falloir payer de nouveaux intérêts.

« On voit des gens qui en prennent pour dix ans, alors qu’il ne leur restait que une ou deux traite à payer », s’offusque ce même banquier.

Ces petits arrangements s’opèrent d’ailleurs souvent en famille. Exemples ?
Un client étouffé par une série de crédits à la BNP, par le biais de filiales comme Cetelem ou Laser-Cofinoga, peut demander un rachat de créance à Médiatis..., lui-même filiale de Laser-Cofinoga, donc de la BNP.

Mais ces subtilités ne figurent jamais dans les pages de pub des magazines populaires.

Même en petites lettres, et on se demande bien pourquoi...

Par Alain Guédé dans Le Canard enchaîné du 09/12/2009

Transmis par Linsay.



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