Les voleurs d’enfance

jeudi 16 mars 2006
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Depuis toujours, on nous effrayait avec les voleurs d’enfants

Depuis quelques années on justifie les guerres préventives

Aujourd’hui il nous faut redouter les voleurs d’enfance, oui j’ai bien dit « les voleurs d’enfance » et lutter contre les camisoles préventives.

Les « voleurs d’enfance » sont ceux qui comme des experts de l’INSERM préconisent le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge. Cette étude commandée à l’INSERM par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs indépendants est parue en septembre 2005.

Pas étonnant ensuite que le gouvernement prépare un plan de prévention de la délinquance qui prône également une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance.

Le rapport d’expertise recommande aux professionnels de l’enfance de repérer des « facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité ». Par exemple pour de jeunes enfants on note des « traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » . On trouve aussi la notion
« d’héritabilité (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste également sur le dépistage à 36 mois des signes d’ : « indocilité, hétéroagressivité, de faible contrôle émotionnel, d’impulsivité, d’indice de moralité bas ».

En fait il s’agit bien de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères des classifications cliniques anglo-saxonnes des troubles mentaux (le DSM IV) pour qui le concept de « troubles de conduite » s’exprimerait « par une palette de comportements très divers, qui vont des crises de colère et de désobéissance répétées de l’enfant difficile aux agressions graves comme le viol, les coups et blessures et le vol du délinquant. Sa caractéristique majeure est une atteinte aux droits d’autrui et aux normes sociales ».

Cette approche déterministe, réductionniste, interpréte la moindre bêtise d’enfant comme un symptôme d’une maladie mentale qu’il faudra soigner. Le rapport prétend qu’à partir de six ans, l’administration de médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs devrait permettre de venir à bout des plus récalcitrants. On se demande si les lobbys des laboratoires et de la recherche pharmaceutiques ne sont pas derrière la porte !

En effet, l’expertise de l’INSERM, médicalise des phénomènes d’ordre éducatif, psychologique et social, et permet la confusion entre malaise social, souffrance psychique, voire maladie héréditaire. Cela rappelle les théories médicales déterministes de la fin du XIXe siècle sur le criminel-né ou le monde d’Orwell.

Vous pensez que j’exagère ? Une autre citation de cette étude peut vous convaincre du contraire ou vous donner envie d’aller consulter sur internet le rapport et peut-être même de signer la pétition lancée par de très nombreux pédiatres, pédopsychiatres et autres professionnels de l’enfance : extrait : « dépister dès les trois premières années de leur vie les enfants dont l’« instabilité émotionnelle (impulsivité, intolérance aux frustrations, non maîtrise de notre langue) (va) engendrer cette violence et venir alimenter les faits de délinquance ».

Médicaliser la délinquance, ou simplement la résistance à l’ordre établi c’est ce qu’ont fait toutes les dérives totalitaires. Or nous savons que la délinquance est d’abord une question sociale. Si la société et le politique renoncent à la penser et à mettre en Å“uvre des politiques responsables en se dédouanant sur la seule responsabilité de l’individu on peut légitimement s’inquiéter de l’avenir de nos démocraties.

Pourtant nos sociétés n’ignorent pas que l’individu se construit en tant que sujet en s’opposant et en désobéissant. C’est bien dans l’apprentissage de la liberté et de ses limites, que se construit l’individu, la personnalité singulière de chacun.

Laisserons nous voler l’enfance de nos enfants par peur, par facilité, par soumission à l’offensive idéologique d’origine outre-atlantique et à l’idéologie sécuritaire ?
Laisserons-nous passer la camisole chimique aux générations futures par impuissance à construire une société où l’éducation, la culture et l’écoute de la souffrance sociale ou psychique seraient la priorité ?

Lévinass écrivait que la responsabilité rend insomniaque, il est encore tant de se poser ces questions et de les poser à notre société toute entière !

Signer la pétition*
qui bat tous les records de signatures dans ce domaine depuis celle sur l’IVG il y a plus de 30 ans !!!

* le lien marche ce coup-ci



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