Catherine Ashton : la novice-présidente

mercredi 6 janvier 2010
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Nouveau visage pâle de la diplomatie européenne, cette lady, nommée numéro deux de la Commission, a pour principale qualité de ne rien connaître à son nouveau job.

Who is he ?

Qui est-elle ?

Même dans son pays d’origine, la Grande-Bretagne, lady Catherine Ashton, 53 ans, malgré ses tenues roses, mauves ou à ramages, est quasi inconnue.

Moins connue même que son mari, un journaliste proche de Blair devenu gourou des sondages

Pourtant cette obscure commissaire au Commerce extérieur depuis à peine un an, jamais ministre, sans aucune expérience diplomatique, se retrouve haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.

Numéro deux de la Commission chargée de donner enfin un visage à l’Europe sur la scène internationale, et de mettre sur pied un corps diplomatique européen de quelque 10 000 fonctionnaires, avec un budget de 8 milliards d’euros.

Une tâche de titan !.

« Pour vous donner la mesure de ma surprise, je n’ai pas préparé de discours écrit (...), je ne sais pas quoi dire », a-t-elle expliqué le jour de son parachutage de dernière minute, le 19 novembre.

Exit pour ce poste Elisabeth Guigou, proposée par le Parti socialiste européen (PSE), tout comme l’ex-Premier ministre italien Massimo D’Alema ou l’actuel ministre des Affaires étrangères britannique David Milliband, tous trois autrement qualifiés, Guigou explique aujourd’hui :
« Cette nomination ne fait pas d’ombre aux chefs d’Etat et de gouvernement. Certains grands pays craignent en outre de nommer des nationaux sur ce poste qui peut mettre en porte à faux leur propre diplomatie ».

Suivez son regard bleu...

Plus ironique encore : c’est une Britannique qui hérite du poste alors que « les Anglais ont lutté à mort contre la création d’un ministre des Affaires étrangères européen : c’est d’ailleurs à cause d’eux qu’elle n’a pas le titre de ministre », explique l’eurodéputée PSE Pervenche Bérès.

« C’est aberrant d’avoir donné ce poste à l’Angleterre », s’indigne en chœur Daniel Cohn-Bendit, qui voit dans sa seule nationalité un « handicap » et craint de voir Ashton « dominée par Gordon Brown » et « encadrée par les grands pays, avec des Sarkozy à droite, des Merkel au centre »...

Mais à celle qui se dit « très intelligente » et veut être « jugée sur ce qu’elle fera » il laisse sa chance : « Elle peut créer la surprise. A l’inverse de Kouchner, qui avait la crédibilité mais dont toutes les qualités ont disparu depuis qu’il est ministre... ».

Petite-fille de mineur (« Le Monde », 10/12), la « baroness » Ashton, après divers postes dans le secteur social en Angleterre, dont six ans à la tête d’une œuvre du prince Charles, ne doit son anoblissement en 1999 qu’au désir de Tony Blair de la faire entrer à la Chambre des lords.

Ce qui lui a évité de se faire élire mais lui a barré de ce fait la porte des ministères pleins.

Enchaînant du coup les postes de sous-secrétaire d’Etat à l’Education ou à la Justice, elle est nommée en 2007 présidente de la Chambre des lords, chargée de « vendre » à ses « pairs à vie » le traité de Lisbonne.

Son seul fait d’armes politique et européen, jusqu’alors.

Vu ses origines plébéiennes, lady Ashton ne se la joue pas aristo : « Appelez-loi Cathy ! », lance-t-elle aux parlementaires européens à son arrivée à Bruxelles comme commisaire au Commerce extérieur, fin 2008.

« Sensible à ses origines modestes », l’eurodéputé PSE Kader Arif vante une « femme charmeuse » qui aime la France, ses vins, sa « bonne bouffe » et qui comprend le français. Mais elle ne lie pas toujours commerce et droits de l’homme.

Lors de son audition préliminaire, le 2 décembre, elle n’a été jugée convaincante que pour rembarrer les attaques des ultra-conservateurs britanniques sur son passé de militante et trésorière d’une organisation pour le désarmement nucléaire entre 1977 et 1983, qu’ils accusent d’avoir été financée en sous-main par l’URSS... en citant à l’appui, tout de même, l’enquête d’un dissident russe.

« Elle apprend vite », la défend son entourage.

Lors de ce premier oral, elle a pourtant commis quelques gaffes gênantes.

A la question de savoir qui représentera désormais l’Europe à l’ONU, elle répond que c’est le président Van Rompuy... alors que le traité de Lisbonne stipule que c’est le service diplomatique européen, c’est-à-dire elle-même !

Après ce galop d’essai décevant, Catherine Ashton sait qu’elle ne pourra plus bénéficier de l’indulgence des députés lors de l’audition formelle du 11 janvier qui doit l’investir définitivement.

Dans cette épreuve, elle peut au moins compter sur le soutien du président de la Commission, Barroso, qui a couvé son ascension, mais qui « lui a déjà coupé les ailes, en rognant son vaste portefeuille avec son accord », selon la députée européenne allemande des Verts Franziska Brantner.

Le commissaire français sortant Jacques Barrot ( PPE) la défend :
« J’aime bien cette femme intelligente, agréable, modeste, toujours de bonne humeur. »

Mais confirme : « L’avantage d’Ashton, c’est qu’elle va s’entendre avec Barroso. Le danger, pour lui, c’était une forte personnalité qui aurait risqué de lui voler la vedette. Ashton est une bonne négociatrice qui ne cherchera pas à tout prix la lumière... »

Et l’ex-ministre de Giscard et de Chirac de s’emporter contre les « procès d’intention » :
« Qui sait, elle se révélera peut-être une nouvelle Hillary Clinton ! ».

La presse britannique est moins optimiste.

Selon le « Financial Times » (20/11), « cette amatrice de l’émission télé »Le facteur X« évoque plutôt »le facteur Zzzz«  !. »The Economist« (28/11) regrette qu’on ait  »choisi [Ashton et Van Rompuy ] pour leur caractère inoffensif, leur inexpérience (...)- tout sauf leurs compétences".

Verdict complété par l’eurodéputé PS Harlem Désir, pourtant de son camp :
"Elle est le symbole d’une politique étrangère européenne minimaliste.

On est en passe de créer un ministère des Affaires étrangères européen mais sans ministre à sa tête...".

Ainsi habillée pour l’hiver, il ne reste plus à la « baroness » qu’à ashtonner le monde !.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 16/12/2009

Transmis par Linsay.



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