Dominique de Villepin : Saint Dominique, comédien et martyr.

samedi 6 février 2010
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Relaxé dans l’affaire Clearstream, il prend l’appel du Parquet comme un appel du destin qui le missionne pour abattre Sarko en 2012.

SARKO rêvait de pendre Villepin à un croc de boucher, c’était un croc d’opérette.

Les deux hommes sont désormais dans l’étau d’une guerre des tranchées.

Ce sera sanglant jusqu’en 2012.

Villepin relaxé, Sarko n’est pas relax.

Il avait pris tous les risques pour que les juges exécutent l’ancien Premier ministre accusé de complicité de dénonciation calomnieuse dans l’affaire Clearstream.

Il s’était porté partie civile alors que, chef de l’Etat, il est garant de l’indépendance de la justice ; il avait déclaré les accusés « coupables » alors que le procès n’avait pas débuté.

Il a risqué sa réputation parce que Villepin le valait bien : il ne s’était refusé aucune bassesse pour lui disputer les dépouilles du chiraquisme.

Las, son avocat n’a pas été à la hauteur.

Tout Herzog qu’il est, il n’a pu offrir l’Annapurna à Sarko le jour de ses 55 ans, lui apporter la tête de son ennemi sur une pique, comme il l’avait promis.

Au contraire, voici l’ancien Premier ministre honoré par la « haine » du monarque.

Poussé vers une candidature présidentielle qui pourrait remettre en cause la stratégie de rasssemblement au premier tour du Président.

Sarko, qui se targue d’être un fin politique, a réussi le prodige de rallumer cette guerre des chefs à droite sans laquelle la gauche n’a jamais gagné l’Elysée.

Les socialistes commencent à recouvrer le moral, qui ont désormais pour Villepin les yeux de Chimène.

François Hollande l’a déjà invité à se produire avec lui chez Drucker.

Coulé par le contrat première embauche, avocat d’affaires novice (toque C1203 ), poète plus médit que maudit, romancier plus négligé qu’apprécié, l’ancien Premier ministre n’était plus rien, il retrouve une utilité.

Il se rêvait Napoléon, il émerge en poil à gratter de « Naboléon ».

On a les rôles qu’on mérite.

L’homme est habité.

Avant même d’être en appel, il se prenait pour de Gaulle.

Il admet qu’il n’est pas un mec drôle mais il a son grain de folie.

Il ne s’encombre guère des conventions hors la poésie, et depuis que son frère aîné est mort dans ses bras au sortir de l’adolescence il n’a peur de rien.

Il ose tout, et c’est à ça qu’on le reconnait.

Ne prétend-il pas s’être nommé lui-même Premier ministre en mai 2005 :
« C’était physique, j’ai violé Chirac » ?

On comprend que Bernadette ne l’ait jamais apprécié...

Villepin a au moins une vertu.

Il est un formidable révélateur, au sens chimique du terme, de la folie du Président.

Il a appuyé sur tous les points faibles de Sarko : il l’a qualifié de « nain », il a joué de ses malheurs avec Cécilia - « Un homme qui ne peut garder sa femme, ne peut pas garder la France » -, il a abusé des cabinets noirs en disciple de Fouché, il s’est déguisé en Ursula Andress sur une plage de La Baule, il a décrit la France en situation « prérévolutionnaire », moqué le retour dans l’Otan, sifflé le plan de relance, critiqué la réforme constitutionnelle...

Sarko a ployé sous le poids de ces affronts, colérique et revanchard.

Lui aussi a un grain.

« Plus il y a de fous, moins il y a de riz », disait Coluche.

« Naboléon » aurait été dans la raison, il serait sorti depuis longtemps de ce duel d’égo.

Il aurait évité au procureur Marin cet appel téléphoné, applaudi par une Carla qui, d’ordinaire, est plus du genre à fumer la moquette qu’à cirer le Parquet.

Elu président, Sarko a eu mille occasions d’embrasser celui qui l’a ramené en Chiraquie après ses années balladuriennes, ce permanenté qui n’a jamais osé se frotter au suffrage universel mais a conseillé une dissolution, cet adepte de la « verticalité » qui a pris la tribune de l’ONU pour le trampoline de son destin,.

Sarko pouvait l’étouffer, car Villepin a une tare : il est sensible à la flatterie.

« Je ne veux pas que les Français me voient comme le tenancier d’une petite entreprise d’opposition », chantait-il en août 2008.

Il venait alors de rencontrer par deux fois le chef de l’Etat, qui l’avait dépêché à l’enterrement du poète palestinien Mahmoud Darwich.

Villepin a pris cette invitation au voyage pour une main tendue.

Il se voyait déjà tête de liste aux européennes, il a écopé d’un renvoi en correctionnelle.

Sarko s’est joué de lui.

Il ne résiste jamais au plaisir d’humilier, il manque aussi de hauteur d’âme.

Sarko a joué, il a perdu.

« J’ai fait une grande faute ; l’ayant conduit au point de mécontentement où il était arrivé, je devais ou l’enfermer, ou le tenir toujours à mes côtés », disait Napoléon de Talleyrand à propos de ce 28 janvier 1809 où il l’avait traité de « merde dans un bas de soie ».

Talleyrand s’est vengé cinq ans plus tard par un 18-Brumaire à l’envers.

Villepin, exégète de la période, est désormais gonflé à la même haine fébrile.

"L’appel de Sarko est une grosse erreur politique.

Il dope notre club qui va compter 16 000 membres, il divise sa majorité, il valorise Villepin« , assène l’ancienne ministre Brigitte Girardin, qui a mission de rassembler les partisans de l’ancien Premier ministre. »Il me hait donc je suis".

Sarko a rendu service à son meilleur ennemi.

Il l’a sauvé de l’oubli, de l’ennui, de la banalité.

Villepin se croit aujourd’hui dans la peau d’un résistant, d’un chef de réseau menacé par la gestapo élyséenne, rien de moins.

Heureux les simples d’esprit, le costume de Jean Moulin leur est ouvert.

Saint Villepin comédien et martyr du sarkozysme.

Aux innocents, les mains pleines ?.

« Jure-moi sur la tête de ta fille que tu ne savais pas que j’étais sur les listings de Cleartream », lui a un jour demandé l’un de ses amis qui était lui aussi celui de Sarko.

Villepin n’a jamais juré.

Pas complètement fou...

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 03/02/2010

Transmis par Linsay.



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