Alerte à la sécurité alimentaire dans l’est du Sahel

lundi 8 février 2010
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La situation alimentaire dans le Sahel, où 300 000 enfants meurent déjà chaque année de malnutrition, suscite un nombre croissant d’inquiétudes.

L’année écoulée ayant été marquée par un fort déficit pluviométrique, les productions céréalières 2009-2010 de plusieurs pays ont été sérieusement amputées : - 34 % au Tchad, - 26 % au Niger et - 10 % au Burkina Faso, selon une note interne de deux agences onusiennes, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le Mali et le Sénégal s’en sortent cependant bien mieux, avec des productions céréalières respectivement en hausse de 13 % et 7 %.

« Les indicateurs disponibles concourent à montrer l’existence d’un risque imminent d’insécurité alimentaire élevé pour les ménages vulnérables de l’est du Sahel », jugent le PAM et la FAO. Un constat partagé, fin janvier devant des journalistes à Dakar, par le responsable Afrique de l’Ouest de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) : « Nous sommes déjà dans ce qui ressemble à une période (...) de difficulté extrême pour les populations les plus désavantagées. »

Au Niger, un rapport gouvernemental vient d’ailleurs de reconnaître que 20 % de la population, soit 2,7 millions de personnes, nécessite « un appui urgent dans le court et moyen termes », soit presque trois fois plus que les années précédentes. Quelque 5,1 millions d’autres Nigériens, soit 38,2 % de la population, sont « dans une situation de vulnérabilité modérée ». Une reconnaissance officielle qui représente déjà, selon plusieurs ONG, une réelle avancée : en 2005, dans les mois précédents la famine qu’avait subie le pays, Niamey avait longtemps minoré les alertes des organisations humanitaires et sous-estimé la crise.

FORTE AUGMENTATION DES PRIX

Sur le terrain, certains paysans du Niger sont ainsi déjà entrés en « période de soudure », ce laps de temps entre l’épuisement des réserves et la nouvelle récolte. « C’est excessivement tôt, explique, sous couvert d’anonymat, un membre d’une grande ONG présent sur place. Normalement, pour les plus vulnérables, la période de soudure débute en avril-mai, pour des récoltes ayant lieu fin septembre-début octobre. » A fin décembre 2009, les stocks alimentaires de l’ensemble des ménages du pays ne leur permettaient de couvrir leurs besoins, en moyenne, que pour 2,8 mois.

En temps normal, les populations les plus vulnérables se fournissent en denrées sur les marchés locaux durant la période de soudure. Mais les prix des aliments y ont fortement augmenté récemment : sur le marché de Niamey, le kilo de mil se vendait ainsi aux alentours de 220 francs CFA fin 2009, contre environ 170 francs CFA en moyenne lors des cinq dernières années, selon FewsNet, le réseau d’alerte alimentaire des Etats-Unis.

« Face à cette situation, la population devient plus mobile et se déplace notamment vers les centres urbains pour y trouver du travail, note Olivier Longué, directeur général d’Action contre la faim Madrid, la branche de l’ONG opérant au Niger. Dans de grandes villes, les salaires les plus bas ont ainsi reculé de 10 % à 15 %. »

Si la situation est également préoccupante dans certaines régions du Mali, au nord-est du Burkina Faso, et que l’état de la Mauritanie reste flou en raison de faibles statistiques, certains jugent le Tchad « très affecté » : une étude réalisée par Action contre la faim dans la région du Kanem (est du pays) rapporte ainsi un taux de malnutrition aiguë de 26,9 %, le seuil d’urgence étant habituellement fixé à 15 %. Dans ce pays, les stocks nationaux de sécurité de mil ne s’élèvent ainsi qu’à 9 000 tonnes, soit environ un quart du niveau désiré : un montant jugé « particulièrement faible » par la FAO et le PAM.

Dans ces pays du Sahel, la situation peut toutefois être encore renversée, selon plusieurs ONG, à condition de détecter de façon précoce les personnes atteintes de malnutrition et de dégager des fonds supplémentaires pour l’aide alimentaire, ce qui permettrait aux paysans de reconstituer des stocks. Mais, comme le juge un humanitaire, « nous sommes passés de l’alerte précoce à l’alerte ».

Par Clément Lacombe source Le Monde 06/02/2010

Transmis par Linsay



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