Pour sauver la Grèce, tout sauf le FMI

jeudi 11 février 2010
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Lors du sommet économique organisé le 11 février à Bruxelles, les dirigeants européens devraient annoncer un plan d’aide en faveur de la Grèce. Plusieurs options sont possibles.

Avec ses difficultés, la Grèce a commencé à entraîner le Portugal et l’Espagne dans la tourmente, déchaînant les spéculations sur une possible crise budgétaire dans ces pays et faisant peser une énorme pression sur les places boursières, les marchés de la dette publique et les gouvernements des pays les plus exposés. Mais le problème n’est pas seulement la Grèce, le Portugal, ni même l’Espagne, quatrième puissance économique de l’Union. L’enjeu est plus important. La crise grecque – et ses répliques le long de la Méditerranée – menace de se transformer en une tornade contre la dette souveraine qui pourrait finir par déstabiliser toute la zone euro, d’Helsinki à Tarifa.

Après avoir passé plusieurs semaines à nier la possibilité d’un défaut de paiement de la Grèce et à faire des déclarations tièdes qui ont enflammé les marchés, l’Union européenne (UE) se décide enfin à « concocter » un plan de sauvetage et à mettre fin aux paris de casino qui menacent les pays du Sud. [1] Comment va-t-elle procéder ? Cela ne va pas être simple.

Certains experts estiment qu’il est purement et simplement illégal que le sauvetage vienne de l’intérieur de la zone euro. Selon eux, c’est le Fonds monétaire international (FMI), le « pompier » habituel dans les crises de dette, qui doit prendre les rênes. « Mais le sauvetage, outre qu’il est nécessaire, est parfaitement légal », assure Paul De Grauwe, professeur d’économie à l’université de Louvain, en Belgique. La Grèce représente à peine 3 % du PIB de la zone euro, mais un défaut de paiement provoquerait une énorme secousse dans le système financier européen : une part importante des obligations d’Etat grecques sont détenues par les grandes banques européennes, déjà durement éprouvées par la crise des subprimes. L’effet de contagion serait très dangereux pour la dette publique d’autres pays, comme ont pu le constater l’Espagne et le Portugal.

Le traité de Maastricht interdit à la Banque centrale européenne (BCE) de jouer les sauveteurs et dit clairement qu’aucun pays ne peut être forcé à en secourir d’autres. Mais des Etats membres peuvent très bien décider librement de lancer une bouée de sauvetage financier à l’un de leurs partenaires dans des situations exceptionnelles et en échange de garanties : que la Grèce se serre la ceinture et procède à des ajustements douloureux. Ce que, en théorie, elle a déjà commencé à faire. [2]

Tout comme la Grèce et l’Espagne, l’Europe est confrontée à un grave problème de crédibilité. L’Union économique et monétaire (UEM) est remise en question comme « zone monétaire optimale », euphémisme qu’emploient les économistes pour dire qu’une zone qui confie sa politique monétaire à la BCE et où cohabitent des politiques de l’emploi et budgétaires très différentes ne peut pas fonctionner.

Jusqu’à présent, Bruxelles a joué au chat et à la souris. Elle a exigé de la Grèce un ajustement budgétaire draconien, une hausse des impôts, une baisse des salaires et une coupe franche dans les retraites. L’Espagne et le Portugal ont fait un pas dans la même direction. Mais les marchés n’ont pas entendu le message. « Maintenant, l’UE passe à l’action : il va probablement y avoir une déclaration d’intention claire, une stratégie de dissuasion pour obliger les spéculateurs à se retirer », explique De Grauwe.

Les solutions sont nombreuses : prêts bilatéraux, versement anticipé de subventions, intervention de la Banque européenne d’investissement (BEI), voire mise en place d’un nouveau mécanisme financier. On envisage même d’utiliser le fonds extraordinaire créé il y a quelques mois (avec l’accord explicite du FMI) pour aider les pays de l’Est. Ou de faire racheter la dette publique grecque par les banques centrales les plus puissantes, celle de l’Allemagne en tête. Le Royaume-Uni et la Suède (qui n’appartiennent pas à la zone euro et qui sont plus eurosceptiques que jamais) préfèrent l’’option FMI, mais ce serait une humiliation pour Bruxelles, une sorte de reconnaissance de l’échec de l’euro.

« S’il y a volonté politique, il y aura sauvetage », assure Brian Coulton, de l’agence de notation financière Fitch. Un autre problème apparaîtra alors : celui de l’« aléa moral » que pose le sauvetage de quelqu’un qui a agi de façon irresponsable [3]. Mais laisser tomber la Grèce comporte un énorme risque de contagion, la possibilité d’un Lehman Brothers à l’européenne. [4].

Par Claudi Pérez dans El País le 10/02/2010

Transmis par Linsay


[1Ce plan devrait être annoncé aujourd’hui jeudi 11 février à Bruxelles.

[2Selon le traité, « lorsqu’un Etat membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse en raison d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil [...] peut [lui] accorder, sous certaines conditions, une assistance financière communautaire ».

[3et qui se sent donc protégé des effets de ses propres imprudences

[4C’est la faillite de la banque américaine, en septembre 2008, qui a précipité la crise financière mondiale



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