Interview d’Aliou N’Diaye

jeudi 18 février 2010
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Au plan international les syndicats affiliés aux centrales mondiales (FSM ou CSI) se regroupent par branches professionnelles dans des UIS (Union Internationale des Syndicats).
Les 16 et 17 janvier derniers s’est tenue à Dakar sous l’égide de l’UISTAACT [1] affiliée à la FSM la conférence africaine des travailleurs de l’agriculture et de l’alimentation sur laquelle nous reviendrons.
A quelques jours de celle-ci Aliou N’Diaye Secrétaire général du SNTIA [2] a donné une interview Champs syndicaux journal de la FNAF [3] CGT, fédération française membre de cette UIS

CHAMPS SYNDICAUX : La crise mondiale du capitalisme a fortement touché l’Afrique. Quelles sont tes appréciations de syndicaliste ?

ALIOU N’DIAYE  : La crise alimentaire mondiale en 2007 et 2008 a replacé l’agriculture et la souveraineté alimentaire au premier plan de l’agenda des rencontres internationales. Son ampleur et son incidence au plan humain, particulièrement en Afrique, et les émeutes qu’elle a suscitées, ont fini de convaincre les pays développés de l’urgence à redéfinir la politique de lutte pour l’éradication de la faim dans le monde. Mais cette opportunité n’a pas été utilisée pour redéfinir le rôle et la place des organisations syndicales, en vue d’une implication plus significative de leur part dans la prise en charge des politiques et des programmes de lutte contre la faim. C’est pour cette raison que les gouvernements, les investisseurs multilatéraux et du secteur privé se sont placés au centre du débat, avec la conviction qu’ils étaient les seuls détenteurs de solutions de sortie de cette crise grave. Mais les victimes de celle-ci, que sont les travailleurs salariés des pays développés comme en développement, et le monde rural des pays pauvres, ont été royalement ignorés des rencontres de recherche de solutions à la crise alimentaire mondiale.

CHAMPS SYNDICAUX : Quelles sont les conséquences de situations si dramatiques et les ripostes à organiser ?

ALIOU N’DIAYE  : Les ruraux subissent, comme les travailleurs salariés, une attaque en règle contre leur emploi, leur salaire et leur sécurité sociale. La crise du pouvoir d’achat et de la sécurité sociale est devenue la cause fondamentale de la crise mondiale actuelle, traduite en termes de récession économique mondiale sous la forme d’une crise alimentaire, énergétique et financière. Les salariés et leurs organisations syndicales, les paysans et leurs organisations professionnelles sont devenus les principaux protagonistes, dans tous les pays du monde, de la recherche de solutions à la crise. Une sortie de crise en leur faveur dépend donc essentiellement de leur prise de conscience de cette réalité et de leur volonté de trouver les ripostes les plus appropriées face au capital privé, aux États du capitalisme libéral et aux bailleurs de fonds multilatéraux. La décision que le G20 vient de prendre, de dégager vingt milliards de dollars sur trois ans pour aider l’agriculture dans les pays pauvres s’inscrit toujours dans la politique de l’offre en produits alimentaires, alors qu’il s’agit de mettre en œuvre des politiques de relance de la demande en termes d’emplois, de salaires décents, de prix rémunérateurs pour les producteurs ruraux et de sécurité sociale adéquate.

CHAMPS SYNDICAUX : Comment conçois-tu les actions syndicales à mener ?

ALIOU N’DIAYE  : Dans ces conditions, la lutte du mouvement syndical pour la défense du pouvoir d’achat et sa valorisation passe par la lutte contre le train de vie dispendieux de nos gouvernants, leur gestion gabegique et patrimoniale de la chose publique, le rapatriement des dépôts des avoirs des nationaux dans les paradis fiscaux, et par la fin du pillage de nos ressources foncières, halieutiques, minières et forestières. Cette lutte exigerait la mise en œuvre d’une politique d’allègement de la fiscalité sur les salaires pour améliorer les revenus des travailleurs et sur les produits énergétiques et les céréales importées pour baisser les coûts des facteurs techniques de production et les prix à la consommation. Elle devrait en outre créer les conditions permettant de mettre fin à l’exportation de nos matières premières et de nos produits bruts, pour les transformer sur place en produits finis. Cela permettrait de créer de nouveaux emplois et d’utiliser la valeur ajoutée industrielle ainsi obtenue pour améliorer de façon durable les prix versés aux producteurs ruraux. Cette stratégie de sortie de crise par la demande devrait, dans le milieu syndical, être principalement portée par les travailleurs des industries alimentaires et agricoles, pour construire les alliances nécessaires avec les organisations professionnelles des ruraux et favoriser l’émergence d’une véritable intégration entre l’agriculture et l’industrie comme base de la modernisation de notre économie.

CHAMPS SYNDICAUX : Le mouvement syndical doit-il être complètement investi dans les luttes ?

ALIOU N’DIAYE  : Oui, l’envergure de cette lutte impose au mouvement syndical de construire une large convergence avec la lutte des organisations de la société civile de développement, de défense des droits humains et les organisations consuméristes, pour créer un vaste mouvement des forces vives de nos nations, capable d’imposer à nos gouvernements cette politique de sortie de crise par la demande. Cette lutte des forces vives, à la tête de laquelle se trouve le mouvement syndical dans les pays pauvres, devrait aussi s’appuyer sur les luttes transnationales du mouvement syndical des pays développés dans le cadre d’un nouvel internationalisme pour faire prévaloir son option au plan mondial.


[1Union Internationale des Syndicats de l’Agriculture, de l’Alimentation, du Commerce, de l’industrie Textile et similaires

[2syndicat des travailleurs des industries alimentaires du Sénégal

[3Fédération nationale agroalimentaire et forestière



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