La lutte contre le CPE vue d’Europe

jeudi 30 mars 2006
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Transmis par Dominique Serra

D’Allemagne : Heureusement que les Français sont là !

Les défenseurs du libéralisme expliquent que la contestation a des origines
spécifiquement françaises. Ce n’est pas faux : mener une
politique de l’emploi sans dialogue social ni débat parlementaire est
spécifiquement français et autoritaire.

Mais cela ne peut faire oublier que les Français se battent non seulement
contre la méthode, mais aussi contre le contenu. En ce sens,
ils s’opposent à une politique européenne qui redistribue de bas en haut,
annihile les conquêtes sociales et vide de sa substance le droit
du travail.

Alors que les changements de régime en Allemagne sont le fruit de guerres
perdues ou de Mur effondré, les Français, eux, les provoquent.
Dans les phases critiques, ils se souviennent des luttes passées. Le seul
fait qu’ils aient le courage de partir seuls à la bataille mérite
l’admiration.
S’ils n’existaient pas, il faudrait les inventer. Dommage qu’ils soient
encore isolés.

Dorothea Hahn
Die Tageszeitung

De Grèce : Grâce à vous, étudiants français...

Dominique de Villepin a son sosie ici, en Grèce. La mesure proposée en
France, qui favorise les licenciements non motivés, a été votée par
l’Assemblée nationale grecque à l’été 2005. Personne n’a alors réagi, mais
la précarité était installée.

Aujourd’hui, les étudiants français envoient un message qui traverse les
frontières et s’adresse à nos dirigeants qui prévoient de mettre
en oeuvre une politique de rigueur néolibérale.
Pour les étudiants grecs, le climat social justifie une contestation
générale. Les jeunes veulent s’appuyer sur l’initiative française pour
demander le retrait des mesures draconiennes de diminution du coût des
heures supplémentaires et d’extension des horaires de travail
qui ont précédé la réforme. Les étudiants ont déserté les universités ces
jours derniers, et un appel à manifester a été lancé pour le 23 mars.

Grâce au message des Français, les jeunes Grecs se sentent prêts à lutter à
leur tour contre les manigances des politiques sur le plan social.
Le gouvernement grec craint à présent une grande mobilisation des
travailleurs et des étudiants. Il a d’ailleurs pris ses distances avec
M. Kyriakopoulos, le président des industriels de Grèce, qui a provoqué un
tollé en apportant son soutien au Premier ministre français,
ce qui lui vaut depuis le surnom d’« Odysseas de Villepin ». Plus qu’une
inquiétude pour la précarité, les étudiants grecs se mobilisent pour
leur avenir. Ils envisagent même de porter l’affaire devant l’Union
européenne et demandent pour cela le soutien des autres pays européens.

Christos Mega
Eleftherotypia

D’Espagne : Trahison

Les derniers événements viennent confirmer les pires soupçons que l’on avait
sur l’étape finale de la présidence de Chirac. Une étape qui a
débuté par l’immense fiasco du rejet de la Constitution européenne, s’est
poursuivie avec la vague de violence dans les banlieues à
l’automne dernier et commence maintenant à ressembler à une agonie.

Chirac a entraîné Villepin dans ses contradictions. En tentant de faire
passer une loi qui facilite soi-disant l’accès des moins de 26 ans au
premier emploi mais permet aux employeurs de licencier sans motif, le
président et le Premier ministre trahissent, aux yeux de larges pans de
la population, un modèle social français dont ils disaient vouloir assurer
la défense et la continuité.

El Païs

Du Portugal : Tant de motifs pour aller crier dans la rue

La jeune psychologue portugaise Joana Amaral Dias, choquée par le mépris
dans lequel on tient les jeunes, se place résolument dans leur camp.

Crédits étudiants, tarifs réduits, Carte jeunes... une kyrielle de
privilèges ! Pour les partisans du marché, le torrent humain qui a investi
les rues françaises ne comprend pas que le CPE, qui permet le licenciement
sans motif des moins de 26 ans pendant leurs deux premières
années de travail, est une aubaine. C’est la solution au chômage des jeunes.

Et les commentateurs n’ont pas manqué qui ont devisé sur l’utopie et
l’ignorance de ces Français : s’ils lisaient les journaux, ils verraient
que, sans le CPE, ils n’auront pas de travail du tout, ils comprendraient
qu’on va combattre le chômage en créant plus de chômage.
Ces partisans du CPE ne doivent pas avoir lu, cependant, les divers rapports
montrant que cette mesure ne fera qu’augmenter le chômage des
jeunes et ne contribuera d’aucune façon à en combattre les causes. Et, quand
ils les ont lus, ils en concluent qu’on devrait l’appliquer à
tous. Tous, jeunes et vieux, devraient être sujets au licenciement non
motivé. Au moins les choses seraient claires...

Ce que les anti-CPE contestent, c’est cette scission entre les âges qui
n’octroie de droits qu’aux plus de 26 ans. Mais leur contestation est
aussi une lutte contre la légitimation du fossé entre les générations,
contre la précarisation du travail, contre la discrimination et
l’individualisme. Le CPE ne valorise ni le mérite ni l’efficacité. Il s’en
remet au libre-arbitre d’un quelconque patron. Cette vague de
contestation s’appuie, évidemment, sur un questionnement social de fond,
plus ample. C’est l’exclusivité du marché que l’on interroge ici ;
et ce sont de nouveaux intérêts publics qui se dessinent.

C’est bien pour cela que l’alliance des jeunes et des syndicats a pu jouer
et que la
solidarité a pu s’opposer à cette mesure de capitalisme sauvage. Le CPE est
une attaque contre les attentes des jeunes, contre la possibilité de
voir leurs projets se réaliser. Bien sûr, ceux qui - beaucoup sont d’anciens
soixante-huitards - applaudissent au CPE diront que les jeunes
sont d’irresponsables enfants gâtés : ils restent chez leurs parents jusqu’à
30 ans, n’ont d’enfants qu’après 35 ans, etc.
Franchement, ça donne envie de sortir dans la rue et de crier.

Joana Amaral Dias
Diario de Noticias



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