Jean Ferrat, le camarade poète est mort

dimanche 14 mars 2010
par  Charles Hoareau
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Ce soir toutes celles et tous ceux dont tant de manifs ont été accompagnées de ses chansons sont tristes.

Il est parti le compagnon, le camarade, le poète du peuple des militants, celui qui avait chanté
"En groupe, en ligue, en procession
Et même seul à l’occasion (...)
Je suis de ceux qui manifestent"

celui qui avait fait d’une ouvrière de Créteil « la môme » que tout un pays pouvait « aimer à perdre la raison » sans que l’argent ou la gloire ne puisse rien rajouter,

celui qui m’avait appris l’histoire du « Potemkine » le soir où des enfants la chantèrent avec tant d’émotion sur la scène de fortune d’une salle qui réunissait tout un quartier populaire vibrant dans la pénombre à l’unisson de ses artistes d’un moment inoubliable,

celui qui, malgré la censure, était entré dans le cœur des familles pendues à leur poste de radio et complètement envahies par « Nuits et brouillards ».
Celui-là est parti ce jour qui n’est pas « couleur d’orange ».

Le vieux Luis, dont je me demandais si là bas en Espagne il avait connu ses deux fils, ne pouvait retenir ses larmes à chaque fois qu’il entendait « Maria ».

La presse dit à juste titre que Jean Ferrat était le dernier des grands (Brel, Ferre, Brassens pour lequel il avait d’ailleurs écrit une belle chanson).

Parmi celles et ceux qui aujourd’hui unanimement l’honorent, il y en a dont je ne peux m’empêcher d’avoir des doutes sur leur sincérité, eux qui se moquaient de nos rassemblements populaires « avec merguez frites et la sempiternelle chanson »Camarade« de Jean Ferrat ».

Qu’un président, « Pinochet en puissance » en soit réduit, pour ne pas être en décalage avec l’opinion, à rendre aujourd’hui hommage à l’auteur du « bruit des bottes » chanson qui avec des années d’avance préfigurait ce que nous vivons aujourd’hui est significatif de cette hypocrisie là.

Jean Ferrat n’était pas un chanteur consensuel et ne cherchait pas à l’être. [1]
Celui qui « ne chantait pas pour passer le temps » s’affrontait avec ses textes à la droite sous toutes ses formes (« La boldochévique la bonne tisane du bourgeois », « Pauvres petits cons », « le sabre et le goupillon ») et ne craignait pas de fustiger les partisans d’un Vietnam colonisé et par là même les partisans de toutes les guerres coloniales.

Les guerres du mensonge les guerres coloniales
C’est vous et vos pareils qui en êtes tuteurs
Quand vous les approuviez à longueur de journal
Votre plume signait trente années de malheur(...)

Votre cause déjà sentait la pourriture
Et c’est ce fumet-là que vous trouvez plaisant

Ah monsieur d’Ormesson
Vous osez déclarer
Qu’un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh

Allongés sur les rails nous arrêtions les trains
Pour vous et vos pareils nous étions la vermine
Sur qui vos policiers pouvaient taper sans frein

Avec des textes pareils nous avions le sentiment d’entendre à la radio ce que nous aurions voulu dire et qui nous faisait nous révolter.

On ne va pas vous parler de « Ma France » ou de « La montagne » tant a été dit et écrit sur ces deux chansons.
L’heure pour nous non plus n’est pas à une biographie complète et savante.

Nous voulions simplement vous dire un peu de notre émotion quand Linsay m’a alerté pour qu’on rende sur Rouge Midi l’hommage qu’il méritait.

Dans ces temps troublés et incertains où tant de repères sont brouillés comment ne pas finir par cet « Epilogue » écrit par Aragon et chanté par notre camarade...

Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n’aurez rien appris de nos illusions, rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi, vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule. A votre front je vois le pli des habitudes

Songez qu’on arrête jamais de se battre et qu’avoir vaincu n’est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l’homme de l’homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d’épouvantables
Car il n’est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien


[1On peut lire aussi sur Rouge Midi sa réponse à une attaque hallucinante.



Commentaires

mardi 11 mai 2010 à 13h02
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lundi 15 mars 2010 à 00h33 - par  Bernard
dimanche 14 mars 2010 à 18h50
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dimanche 14 mars 2010 à 14h35 - par  Jean Claude Labranche

Ce soir, j’aime la marine, Potemkine

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