Grippe A : L’Etat paye les labos mais pas les infirmières

mardi 16 mars 2010
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Les laboratoires pharmaceutiques ont largement profité de la campagne de vaccination contre la grippe A. Les infirmières, en revanche, peuvent toujours se brosser : nombreux sont les personnels mobilisés dans les centres de vaccination et qui n’ont toujours pas été payés.

Pour se remplir les poches grâce à la grippe A, mieux vaut être actionnaire de Sanofi Aventis qu’infirmière. Marianne2 avait déjà pointé les conditions dans lesquelles les soignants, notamment les étudiants infirmiers, avaient été désignés d’office comme « volontaires » pour administrer le vaccin dans les centres.

Parfois exploités, ces personnels n’ont, en plus, toujours pas été indemnisés alors que la campagne de vaccination est terminée depuis un mois. Selon nos informations, 50% des vacations effectuées par les étudiants infirmiers et en médecine dans les centres de vaccination n’ont toujours pas été payées à ce jour.

Et pour les personnels médicaux lésés, difficile de savoir à qui s’adresser, le processus de rémunération étant particulièrement complexe : chaque type de personnel a son payeur, le tout contrôlé par les préfectures. Le ministère de la Santé préfère s’en remettre aux administrations locales pour gérer tout ce foutoir.

50% des vacations des étudiants non payées

Premiers concernés, les médecins et infirmiers salariés ainsi que les étudiants en médecine et en soins infirmiers. Ceux-là sont payés par leurs établissements de rattachement, les hôpitaux publics principalement.

Pour les autres, c’est plus compliqué. Les médecins du travail, les personnels de santé du Conseil Général, du ministère de la Défense, de l’Education nationale, des centres de santé et les médecins-conseils sont payés par leurs employeurs respectifs. Ces employeurs sont ensuite remboursés par l’Assurance maladie. Les médecins et infirmiers libéraux sont pour leur part indemnisés directement par l’Assurance maladie.

Enfin, les médecins et infirmières retraités sont rétribués par l’Eprus (Etablissement de Préparation et de Réponses aux Urgences Sanitaires ), établissement créé en 2007 pour gérer les crises sanitaires.

Mais les personnels ne sont pas payés en fin de mois comme n’importe quel salarié. Cela passe par une procédure quasi kafkaïenne. Dans un premier temps, les personnels et les centres de vaccination transmettent les états de service aux préfectures de départements pour un contrôle a priori. Puis, ces dernières valident et transfèrent les dossiers aux organismes payeurs qui versent ensuite les indemnités. Et c’est là que tout se complique.

Nous avons relevé plusieurs cas où les dossiers n’ont été transmis aux préfectures par les centres de vaccination qu’il y a quelques semaines. C’est le cas dans le Gard. Le Midi Libre avait fait état d’indemnités non versées notamment pour les centres d’Alès ou de la Grande Combe-Saint Ambroix.

Face à ces plaintes, la préfecture s’est contentée de répondre à Marianne2 : « Les états de services n’ont été transmis à la préfecture qu’après la période de vaccination, soit début février. Tous les dossiers ont été transmis aux différents financeurs à la mi-février. ». Conclusion, c’est la faute aux autres.

Dans le Var, une large part des personnels médicaux du Centre de Brignoles se plaignent aussi de ne pas avoir reçu leur dû. Contactée, la préfecture du Var fait la même réponse que son homologue du Gard et dit avoir envoyé les dossiers aux payeurs « en février » pour paiement « fin mars » pour les soignants relevant des hôpitaux. Au plan national, Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (CFE-CGC) évoque même des paiements « fin avril ».

Pour les retraités relevant de l’Eprus, la préfecture du Var nous oppose des « difficultés juridiques » vu la relative jeunesse de l’Etablissement. Le même problème s’est posé en Seine-Maritime. Exemple avec Andrée, infirmière coordinatrice ayant effectué plus de 130 heures entre novembre et janvier et qui n’a toujours pas été payée soit un dû supérieur à 1842,10 €, le salaire horaire pour les retraités étant de 14,17 €. Ses autres collègues du centre de vaccination où elle travaillait sont dans le même cas.

Administration grippée

Autre cause invoquée, le calendrier. La campagne ayant été lancée en novembre, les payeurs ont dû se débrouiller avec les fonds de tiroir budgétaires. Il a fallu attendre 2010 et le vote de nouveaux budgets pour pouvoir débloquer les situations.

Et chacun se renvoie la balle. Au ministère de la Santé, pas de réaction officielle. L’Eprus renvoie quant à lui… vers le ministère de la Santé. Les DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) renvoient vers les préfectures. Ces dernières ont dû parfois gérer les dossiers avec les moyens du bord sans fonctionnaires ni heures supplémentaires. « D’autres dossiers ont dû être repoussés », nous dit-on la préfecture du Var.

Pour aggraver ce maelström, les DDASS sont en pleine restructuration depuis le 1er janvier. En effet, dans le cadre de la réforme de l’Etat (et des économies budgétaires), leurs attributions sont en voie d’être éclatées entre les futures Agences régionales de Santé et les Directions Départementales de la Cohésion Sociale. Ce qui complique encore plus les procédures administratives.

Une affaire qui s’ajoute aux multiples polémiques dont la campagne contre la grippe A fait déjà l’objet. Pour démêler tout ça, une commission d’enquête parlementaire sera prochainement mise en place.

En attendant, les infirmiers peuvent toujours se brosser.

Par Tefy Andriamanana dans Marianne le 13/03/2010

Transmis par Linsay



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