Les demi-solde de la République

mardi 6 avril 2010
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Vouloir imposer à tout prix l’image d’une « vague rose » qui serait la caractéristique des dernières élections régionales relève davantage de l’usage de narcotique que de rigueur consciente.

Plus de la moitié du corps électoral, c’est-à-dire la majorité des inscrits, se refuse à apporter ses suffrages à une quelconque force politique de notre pays et l’on transformerait ce fait majeur en rêveries opiacées aux teintes attrayantes pour l’une d’entre elles !

Les prestidigitateurs ont également le pouvoir de produire des illusions de magie par manipulations et truquages de diverses nature. Et il en est de bons !

Mais là, il s’agit davantage de vessies et de lanternes, et le bon sens populaire ne s’y laisse pas prendre !

PRIVER A NOUVEAU LE PEUPLE DE SA VICTOIRE

D’autant que ce peuple que l’on voudrait ouvert à toutes les fantasmagories sait bien ce qu’il a fait une fois encore ! Une fois de plus.

Et, une fois de plus, on voudrait le priver de sa victoire !

Certes, chaque élection a ses caractéristiques et les motivations politiques varient avec chacune d’entre-elles, ce n’est pas là un fait nouveau.

Déjà, en 2004, un sondage « L’Humanité-CSA Opinion, posait la question suivante : « A qui faites-vous le plus confiance pour « mieux vivre ensemble » en France ? »

L’ensemble des Français répondaient ainsi, sachant que les interviewés ont pu donner deux réponses :
- A votre maire : 39
- Aux citoyens : 24
- Aux associations:20
- Au gouvernement : 16
- A votre conseiller général : 12
- A vos conseillers régionaux : 12
- A votre député:10
- A l’Union européennes : 9
- A l’ONU:3
- Aucune ( réponse non suggérée ) : 5
- Ne se prononcent pas : 2

Mais cette fois-ci, il n’y a pas besoin de photo pour percevoir la caractéristique principale de cette élection régionale.

LA CARACTERISTIQUE, L’ABSTENTION RECORD

Ainsi le quotidien « Sud-Ouest », le lundi 15 mars, annonçait en première page : « Abstention record ( 53% ) en France. »

Toutefois, l’abstention descend à 48,87% au second tour, soit une baisse de 5 points par rapport au premier tour.

Aux élections régionales de 2004, où la « majorité » avait déjà été victime d’un vote-sanction, l’abstention était de 38,3% contre 42% en 1998.

Ainsi, ce qui apparaît comme étant le plus conséquent à l’occasion de ces élections, et notamment si l’on considère le premier tour, c’est d’une part le niveau très élevé de l’abstention, et d’autre part la progression de cette abstention de 2004 à 2010, d’environ +15%, et qui devient ainsi majoritaire parmi les inscrits.

Aussi je pense que, si vague il y a, il ne peut s’agir que de celle-là. Il n’est besoin d’aucun artifice, de quelque nature que ce soit, pour la mettre en évidence.

EN RECHERCHER LA SIGNIFICATION PROFONDE

Dès lors, toutefois, ce qu’il convient de rechercher, c’est le sens profond de cette abstention majoritaire, sinon majeure.

Et cette recherche pourrait être facilitée si l’on se remémore une certain nombre de faits qui vont dans le même sens, différents votes ces dernières années, plusieurs enquêtes d’opinion notamment que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer en différents articles.

De même, si l’on observe et constate que le phénomène abstentionniste s’accroît d’élections en élections dans le temps long, et qu’en conséquence il n’a rien de passager ou d’accidentel, et doit dès lors être appréhendé comme tel, c’est-à-dire comme une réalité durable dont le poids augmente, de même que les causes qui le produisent.

DE L’OFFRE POLITIQUE AUX DEMI-SOLDE

La première idée qui se présente en l’occurrence c’est que ce que d’aucuns n’ont pas hésité à appeler « l’offre politique », comme si on était là à un quelconque marché, ce qui est en conséquence très valorisant, ne répond pas à la « demande », pour en rester au niveau de la « marchandisation », comme il apparaît que ce serait de droit en régime capitaliste !

De fait, il est devenu commun de considérer que « la politique » et « les politiques » se sont quelque peu dé-crédibilisés, « démonétisés’, si on souhaite en rester à une certaine logique.

En un autre temps, on eut pu les considérer dignes de la demi-solde !

Après l’Empire napoléonien et ses guerres qui avaient entraîné un développement considérable de l’armée ( La Grande Armée ), la restauration monarchique ne tergiverse pas : l’ordonnance du 12 mai 1814 supprime une centaine de régiments, en traînant ainsi une importante réduction du nombre d’officiers. Une grande partie d’entre-eux sont mis en « demi-solde », en fait en solde considérablement réduite, souvent bien plus de la moitié ;

Dans son ouvrage « Les Demi-solde » Jean Vidalenc, après plusieurs études statistiques, conclut surtout à leur rapide reclassement social et professionnel.

Mais, aujourd’hui, tout le monde sait comment ces situations ont pu être dépassées dans le domaine qui nous intéresse.

LE REFLET DE TOUT UN SYSTEME

Et on aurait certainement tort d’en rester à cette appréciation qualitative qui, dans l’ensemble, ne peut être reportée à chaque individu singulier, mais est plutôt le reflet du fonctionnement de toute une société, de tout un système qui détermine en dernier ressort tout le constitutionnel, l’institutionnel, le juridique, le politique et la politique...

Un système et une société en crise ne peuvent laisser intacte toute cette représentation !

Récemment, j’ai attiré l’attention sur une brochure du PCF dont le texte, élaboré sous la responsabilité de Patrice Cohen-Seat par le collectif de travail « Pour une République Démocratique Moderne », a été présenté au Conseil National du PCF du 16 juin 2001, et celui-ci a décidé de le publier et de le soumettre au débat de tous les communistes comme de toutes celles et de tous ceux qui veulent contribuer à l’élaboration d’un nouveau projet communiste.

A toute fin utile, je rappelle qu’un certain nombre de communistes dont je suis, toujours membres ou non du PCF, ont initié en 2007, après les élections présidentielles, un Appel pour des Assises du communisme visant à élaborer un communisme pour le 21e siècle et l’organisation politique qui y correspond par la réunification de toute la famille communiste aujourd’hui dispersée.

L’INSATISFACTION CROISSANTE DU PEUPLE

Il m’apparait en effet que ce qui était à l’ordre du jour en 2001 le demeure, et même certainement davantage encore après ces dernières élections.

La crise du capitalisme qui s’est développée depuis, l’insatisfaction croissante du peuple français, laquelle ne se mesure pas seulement à l’aune des abstentions électorales, mais aussi à celle des luttes économiques et sociales, en a rendu l’opportunité plus pressante, plus exigeante.
C’est d’ailleurs ce que soulignait l’introduction au texte de la brochure qui soulignait que, dans les années quatre-vingt dix, les communistes se sont engagés dans une voie radicalement inédite, après avoir longtemps considéré que le « changement » devait résulter d’une action transformatrice de l’Etat.

La nouveauté radicale consistait a contrario à « fonder la transformation sociale sur la politisation et la mobilisation du mouvement populaire lui-même, sur le développement concret des droits et des pouvoirs des citoyens dans tous les domaines de la vie sociale. »

LE DEVELOPPEMENT PERMANENT DE LA DEMOCRATIE

Le développement permanent de la démocratie devenait le moteur de la transformation révolutionnaire de la société.

« Il s’agit, poursuivait le texte de l’introduction, d’une orientation stratégique fondamentale, rompant avec une conception historique du communisme, mais aussi avec les formes traditionnellement délégataires de la démocratie.

« Beaucoup de réflexions, beaucoup d’expériences ont fait suite à ce choix « d’un nouvel âge de la démocratie ». Après le 30e congrès, les communistes ont décidé, sur ces bases, de travailler un projet d’une « République démocratique moderne », axe essentiel d’un nouveau projet communiste.

« Il s’agit d’une tâche considérable qui doit être poursuivie en permanence en fonction des expériences sociales et des élaborations politiques qu’elles rendront possibles. »

CHANGER LE SYSTEME DE POUVOIRS

En octobre 2005 ( L’Humanité du 6 octobre 2005 ), Patrice Cohen-Seat intitulait son article : « Changer le système de pouvoirs pour changer de politique. »

« Depuis plus de vingt-cinq ans, y disait-il, les Françaises et les Français « sortent les sortants » à chaque élection nationale. Ils manifestent leur mécontentement et leur demande d’une autre politique.

« La question est de savoir pourquoi, alors qu’il y a cette demande politique, il semble impossible d’y répondre...

« La réalité est qu’il y a aujourd’hui un divorce entre le peuple, qui veut une autre politique, et les classes sociales à qui le système institutionnel donne l’essentiel des pouvoirs.

« Et qu’il ne peut donc pas y avoir de véritable changement de politique sans un changement corrélatif de pouvoirs, pour donner au peuple les moyens de se faire entendre et d’imposer des choix conformes à ses intérêts et à ses attentes. »

L’ORIGINE DU BLOCAGE

« L’origine de ce blocage, poursuivait Cohen-Seat, tient à mon avis à deux caractéristiques essentielles de notre système de pouvoirs.

« La première touche à la sphère des pouvoirs « privés ».

« Depuis l’affirmation par les constituants de 1789 du caractère « inviolable et sacré » du droit de propriété, le capital s’est arrogé celui de décider souverainement de tout dans l’entreprise.

« Comme si cette institution sociale qui rassemble du capital, du travail, des filières de production, de l’investissement public sous de très nombreuses formes ( formation, infrastructures, etc...) ne devait relever que de ses choix et donc de ses intérêts à lui...

« Le second aspect du problème est que notre système politique permet au peuple de dire « stop ou encore » tous les cinq ans, mais que son pouvoir se limite en gros à ça.

« Non seulement, il ne peut entre-temps que subir, comme le montre la situation actuelle où une politique désavouée continue imperturbablement à se mettre en oeuvre.

« Mais même au moment des élections, le peuple ne peut que choisir entre des « offres politiques » qui sont concoctées en dehors de lui. »

AU CAPITAL LA PART DU LION

Cohen-Seat considère qu’au fond la situation politique actuelle du blocage et la « crise du politique » dont on nous parle si souvent viennent de là :

« Le système de pouvoirs dans notre société donne la part du lion au capital et à des couches sociales supérieures ( y compris dans les médias, le cas du référendum l’a montré spectaculairement ) qui lui sont objectivement liées.

« Et le peuple, dans ses conditions, ne peut tout simplement se faire entendre...

« Et il n’y a donc qu’une solution pour sortir de cette crise et rendre possible un véritable changement de politique : donner beaucoup plus de pouvoirs réels aux citoyennes et aux citoyens, aux salariés, aux élus et aux collectivités publiques

ROMPRE AVEC LES INSTITUTIONS ACTUELLES

« Cela exige, continue Cohen-Seat, évidemment de rompre avec des institutions qui poussent à outrance la concentration de tous les pouvoirs dans l’exécutif.

« Cela passe par une véritable démocratisation des institutions européennes qui ont aujourd’hui des pouvoirs considérables.

« Cela implique d’ouvrir le dossier de la démocratie à l’entreprise, qui doit enfin cesser d’être considérée comme la seule « propriété » du capital qui pourrait y décider de tout.

« Mais il faut aussi aller vers de profondes transformations de nos institutions.

« Comme il y a cent cinquante ans, elles continuent d’organiser une démocratie délégataire qui limite considérablement le pouvoir du peuple.

« Les citoyennes et les citoyens français formés et informés d’aujourd’hui ont parfaitement les capacités d’exercer en permanence d’importants pouvoirs politiques.

« Et ils, elles, aspirent à le faire. »

AUJOURDHUI COMME HIER, L’EXIGENCE DU DEBAT

Je reproduis ces extraits de l’article de Patrice Cohen-Seat en toute connaissance de ses prises de position politiques ultérieures à celles-là.

Je considère aussi que nombre des propositions formulées expriment des limites qui peuvent compromettre les changements politiques nécessaires.

Je suis en désaccord avec d’autres, Europe par exemple où la prise de position du peuple français de 2005, que ce peuple n’a jamais remise en cause, doit être respectée, sauf à cautionner le coup d’Etat de Nicolas Sarkozy.

Mais, avec la brochure « Pour une démocratisation permanente de la République, éléments pour un projet communiste du 21e siècle », il s’agit de l’ouverture d’un débat.

Et il m’apparait qu’après ces élections régionales, de même qu’après d’autres consultations de ces dernières années, l’exigence d’un débat à ce niveau d’objectif est devenue pressante, urgente même...

Non vraiment la République n’a pas besoin de demi-solde pour être gouvernée, le peuple porteur de la souveraineté qui est la sienne devrait y suffire !

Texte de la brochure en document joint à l’article



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