Les femmes sont de plus en plus nombreuses à émigrer seules

jeudi 8 avril 2010
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Qui sont ces femmes qui constituent la moitié des 214 millions de migrants dans le monde ? Quels sont leurs parcours, leurs aspirations ? Même si le regroupement familial demeure un motif important de déplacement, la migration des femmes s’opère de plus en plus en solo. Telle est l’observation qui ressort non pas des chiffres, très rares sur cet aspect de la migration, mais des études sociologiques.

Selon les Nations unies, les femmes représenteront 49 % des migrants en 2010, contre 49,4 % en 2000. C’est en Europe que leur part est la plus élevée (52,3 %), suivie de l’Océanie (51,2 %) et du continent américain et des Caraïbes (50,1 %). En Afrique en revanche, la migration concerne en majorité les hommes - les femmes ne sont que 46,8 % -, comme en Asie (44,6 %) où il existe cependant de fortes disparités : plus de 70 % des migrants en Indonésie sont des femmes.

Trait commun à toutes ces femmes, leur migration, assure Mme Roulleau-Berger, témoigne d’une conquête de leur autonomie. Même si les raisons économiques sont assurément à la base de leur départ, « le désir de se réaliser » n’est jamais très loin. « Ces femmes en migration ont décidé de partir pour accéder au »gouvernement d’elles-mêmes« », assure la sociologue, en reprenant une expression du philosophe Michel Foucault.

Leur position sur le marché du travail dépend de leur capacité à parler ou pas la langue du pays d’accueil. « Si elles se trouvent en insécurité linguistique, la première étape sera très souvent de travailler dans une enclave ethnique. » Toutes les communautés possèdent l’équivalent de leur « Chinatown » qui distribue le travail dans les entreprises contrôlées par la diaspora, dans le textile ou la restauration.

La « niche ethnique » constitue un pas de plus vers l’intégration. Contrairement aux enclaves, les employeurs sont des nationaux et les populations étrangères y sont mixées entre différentes nationalités et origines, comme dans les entreprises de nettoyage.

« Les employeurs contribuent à la formation de niches ethniques et pluriethniques en favorisant l’embauche de femmes en migration originaires d’un même pays », écrit Mme Roulleau-Berger. Parfois avec des raisonnements à la limite du racisme. « Je me suis retrouvé avec cinquante Laotiennes et quinze Françaises. Alors pourquoi ça a bien marché ? Parce que je pense que les Asiatiques ont une culture de l’entreprise, de la famille, une culture de la qualité (...). Tout ce dont on a besoin, ces gens l’ont en eux (...). Elles sont contentes aussi car je paye à la pièce. Donc, certaines emportent leurs pièces à la maison et elles continuent de les faire le soir », raconte ce patron d’une entreprise de produits pharmaceutiques de Marseille.

DES COMMERÇANTES

Entre les femmes sans papiers, en grande insécurité sociale, celles recrutées dans les services d’aide à la personne (garde d’enfants, soins aux personnes âgées, etc.) dont l’Europe vieillissante a besoin et les femmes très qualifiées qui composent une partie des élites internationales, la sociologue fait également apparaître des commerçantes qui traversent la planète.

A l’image de ces Africaines qui font du commerce de bijoux ou de vêtements qu’elles vont chercher en Arabie saoudite et en Italie et viennent revendre en France ou au Sénégal, ces migrantes « fabriquent de la globalisation et à d’autres moments en sont l’objet », commente la sociologue.

Comme la Sénégalaise Tyffanie : « J’ai commencé à faire des économies pour faire du commerce de produits cosmétiques que nous exportons au Sénégal. Nous les achetons en Italie, aux Etats-Unis et récemment nous avons commencé la vente de bijoux fantaisie que nous achetons en Chine (...). Je voyage beaucoup et je travaille avec d’autres gens, des Sénégalais et d’autres nationalités qui sont sur place dans les pays où je vais, cela facilite mes voyages et mes déplacements pour l’achat de marchandises. »

Ces « entreprises ethniques » ne peuvent en effet fonctionner sans des réseaux de ce genre, typiques d’une « mondialisation par le bas » et dont les femmes disposent dans leur pays d’origine. Un capital qui, à défaut d’être sonnant et trébuchant, n’en est pas moins fondamental.

Par Brigitte Perucca dans Le Monde du 07/04/2010

Transmis par Linsay



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