La classe ouvrière n’a pas besoin d’être maternée !

lundi 26 avril 2010
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Une affirmation, qui pourrait être considérée comme une évidence, peut-elle être posée comme telle au début d’un raisonnement que l’on se propose de tenir ?

Ainsi en serait-il du besoin d’une organisation révolutionnaire !

Et d’une organisation révolutionnaire qui ne serait pas définie.

Et quand les organisations qui se voulaient révolutionnaires se sont succédées dans l’histoire dans des conceptions différentes et avec des expérimentations qui n’ont pas été toutes concluantes, c’est le moins que l’on puisse demander

LES PRINCIPES ? DES SUCCES, DES ERREURS, DES ECHECS

L’affirmation n’a-t-elle pas besoin d’une démonstration préalable et rigoureuse ?

On bien existerait-il quelque part quelque livre « sacré », sinon « consacré », dont le contenu serait immortel et pourrait subir sans dommages les aléas de l’histoire ?

Et cela alors même que l’histoire elle-même est controversée, qu’elle est la démonstration qu’un certain nombre de principes, affirmés comme intangibles, n’ont en fait conduit qu’à l’échec du modèle de société qu’ils étaient sensés justifier.

La poursuite du débat, dès lors que l’on souhaite lui donner quelque rigueur, exige que ces principes, que l’on peut considérer être le fondement de l’échec, soient expressément mis en évidence.

LA TRILOGIE, MARX, LENINE, STALINE

Le débat exige aussi que soit également nommé le, ou les, promoteurs de ces principes.

Dans ce qui a été ma formation initiale au sein du PCF, il m’a été présenté une trilogie de promoteurs : Marx-Engels, Lénine, Staline, complétés par les expériences d’un « fils du peuple » qui occupait alors une grande place dans la formation des militants.

Le temps n’allait pas tarder pour moi à commencer à comprendre que les choses étaient en fait beaucoup plus compliquées.

Staline a commencé à être présenté, malgré les réticences de responsables du PCF, et notamment celles du « fils du peuple », qui s’est toujours fait le défenseur intransigeant de la personnalité et de l’oeuvre de Staline, qu’il s’agisse de son acceptation du partage de l’Europe et de son interdiction stricte pour le PCF d’initier la révolution en France, ou de sa négation, toute aussi stricte, de la réalité du rapport Khrouchtchev relatif aux déviances tragiques du personnage.

DES AVANCEES ET DES RECULS

Mais la vie a été la plus forte et la réalité des faits reprochés a fini par s’établir, encore que certains essaient toujours de nier ce qu’il n’est plus possible de l’être...et même si quelquefois encore on peut être horrifié par cet établissement des faits.

Et le travail s’est engagé, dans les contradictions toutefois, avec des avancées et des reculs, et pouvait-il en être autrement, sur la conception d’un « socialisme aux couleurs de la France » qui permettait sans doute quelques avancées démocratiques, mais demeurait encore enfermé dans les limites du travail de Lénine sur les concepts de Marx, travail qui les a souvent modifiés, et quelquefois jusqu’à leur faire dire le contraire de ce que pensait et écrivait Marx.

Il en est ainsi, notamment, du concept de « dictature du prolétariat », tout à fait marginal chez Marx, qui ne l’emploie que trois ou quatre fois dans ses oeuvres rendues publiques, et trois ou quatre fois supplémentaires également dans sa correspondance privée.

Aussi, personne ne me fera dire que ce concept ainsi utilisé dans une oeuvre qui compterait quelque 160 volumes avec sa dernière édition, serait pour lui un concept central.

LENINE ET L’ETATISME

Et c’est pourtant Lénine qui théorisera pour en faire un concept de premier plan, un concept central, avec les conséquences, à la fois théoriques et concrètes, sur la conception de l’Etat, conception qui imprégnera toute la pratique politique, et également jusqu’à sa conception du « parti révolutionnaire ».

Et je dois dire que, pour ma part, ce sont ces conceptions « étatistes » qui ont dominé chez moi dans les conceptions que je pouvais avoir d’une société nouvelle qui se délivrerait de la domination du capital et au moyen du modèle d’organisation révolutionnaire qui était nécessaire pour y parvenir.

Et ces conceptions ont continué à s’imposer chez moi jusqu’à ces derniers temps et notamment jusqu’à ce que je prenne la décision de quitter le PCF en novembre 2006 pour des motivations plus immédiates que j’ai déjà dites.

De fait, en quittant le PCF, je suis demeuré communiste, j’ai ainsi fait la preuve concrète de ce que l’on pouvait être communiste sans appartenir à quelque organisation révolutionnaire que ce soit !

LIRE OU RELIRE MARX

En quittant le PCF, j’ai également voulu comprendre ma propre histoire, et ce besoin m’a conduit à un retour aux sources, aux origines, c’est-à-dire, en fait et pour l’essentiel jusqu’à aujourd’hui, à Marx.

J’ai donc lu, ou relu, Marx et, en fait, j’ai découvert un Marx que je ne connaissais pas, un Marx anti-étatiste, un Marx qui disait qu’il fallait « briser l’Etat ».

Par exemple, et aussi entre autres, j’ai découvert le Marx qui écrit dans ses « Manuscrits sur la Commune de 1871 » :

« Ce ne fut donc pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’Etat, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale.

PAR LE PEUPLE ET POUR LE PEUPLE

« Ce fut une révolution contre l’Etat lui-même, cet avorton surnaturel de la société ; ce fut la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale.

« Ce ne fut pas une révolution faite pour transférer ce pouvoir d’une fraction des classes dominantes à une autre, mais une révolution pour briser cet horrible appareil même de la domination de classe. »

Et Marx poursuit :

« La Commune se débarrasse totalement de la hiérarchie politique et remplace les maîtres hautains du peuple par des serviteurs révocables, remplace une responsabilité illusoire par une responsabilité véritable, puisque ces mandataires agissent constamment sous le contrôle du peuple. Ils sont payés comme des ouvriers qualifiés... »

DES CONCEPTS ANTI-ETATISTES

Ma re-lecture de Marx, pour me résumer, m’a ainsi conduit à retenir deux concepts essentiels, concepts fortement travestis après lui, concepts fortement anti-étatistes puisqu’ils concernaient tout aussi bien la propriété, à savoir l’appropriation sociale et non l’étatisation des moyens de production, et le dépérissement de l’Etat opposé à sa perpétuation, voire à l’hyper-étatisation qui a pu s’établir dans certaines sociétés se disant communistes.

Bien évidemment, cela n’a rien à voir avec la dictature du prolétariat, même quand elle se voulait provisoire, et en est sa négation explicite et concrète.

Tout le monde peut comprendre le bouleversement qui fut le mien à ces découvertes.

Mais aussi le soulagement profond qui fut également mien : je pouvais continuer à me dire communiste en épousant le communisme nouveau que je découvrais.

En découvrant aussi qu’une organisation politique pouvait de même se dire communiste dans le temps d’aujourd’hui, sans avoir à se social-démocratiser, et sans se condamner à gérer la capitalisme en ne visant, et encore, que sa « moralisation », conformément aux souhaits irréalisables et irréalistes du Président de la République !

LE PEUPLE PREND EN MAIN LA DIRECTION EFFECTIVE...

Bien évidemment, ces découvertes ne pouvaient , et ne peuvent rester sans conséquences, à la fois théoriques et concrètes, sur la conception même de « l’organisation révolutionnaire ».

Dans « Les Manuscrits de la Commune » que j’ai déjà cités, Marx écrit :

« Le fait que la révolution est faite au nom et dans l’intérêt déclaré des masses populaires, c’est-à-dire des masses productives, c’est un trait que cette révolution a en commun avec toutes celles qui l’ont précédée.

« Le trait nouveau, c’est que le peuple, après le premier soulèvement, ne s’est pas désarmé et n’a pas remis son pouvoir entre les mains des saltimbanques républicains des classes dirigeantes ;

« C’est que, par la formation de la Commune, il a pris dans ses propres mains la direction effective de sa révolution et a trouvé en même temps, en cas de succès, le moyen de la maintenir entre les mains du peuple lui-même, en remplaçant l’appareil d’Etat, l’appareil gouvernemental des classes dominantes, par son appareil gouvernemental à lui. »

Ainsi, selon Marx lui-même, le peuple « a pris dans ses propres mains la direction effective de sa révolution... »

Je pense que la phrase de Marx ne laisse pas beaucoup de place à d’autres affirmations aussi significatives que celle-là. Aussi exclusives d’autres directions quelles qu’elles soient.

QUAND CERTAINES CONDITIONS SONT REALISEES

D’ailleurs, Marx est amené à préciser ses propos en relation avec ce qui peut exister alors comme organisations politiques :

« Tous les fondateurs de sectes socialistes appartiennent à une période où la classe ouvrière elle-même n’était pas suffisamment entraînée et organisée par le développement même de la société capitaliste pour faire sur la scène mondiale une entrée historique, à une période où, d’ailleurs, les conditions matérielles de son émancipation n’étaient pas suffisamment mûres dans le vieux monde lui-même.

« Sa misère existait, mais les conditions de son propre mouvement n’existaient pas encore. »

Ce qui suit me semble de la plus grande importance :

« Les fondateurs de sectes utopistes, tout en annonçant, par leur critique de la société de leur temps, le but du mouvement social, l’abolition du salariat et de toutes les conditions économiques de domination de classe, ne trouvaient ni dans la société même les conditions matérielles de sa transformation, ni dans la classe ouvrière le pouvoir organisé et la conscience du mouvement.

« Ils essayaient de palier les conditions historiques du mouvement par des tableaux et des plans chimériques d’une nouvelle société ; en propager l’idée leur paraissait le véritable moyen de salut. »

C’EST LA CLASSE OUVRIERE QUI LE DECOUVRE

Et Marx met en évidence ce qui change :

« A partir du moment où le mouvement de la classe ouvrière devint une réalité, les chimères utopiques s’évanouirent non point parce que la classe ouvrière avait abandonné le but indiqué par ces utopistes, mais parce qu’elle avait découvert les moyens réels d’en faire une réalité. »

Cette longue citation de Marx est en même temps extrêmement riche, et elle devrait à mon avis figurer dans tous les textes qui voudraient justifier à tout prix la nécessité d’un apport extérieur à la classe ouvrière elle-même pour qu’elle puisse jouer son rôle historique.

Pour Marx, c’est la classe ouvrière elle-même qui découvre les moyens de faire une réalité des chimères utopistes.

Ainsi donc, de la même façon, aujourd’hui, c’est la classe ouvrière, disons la grande masse des salariés très largement dominante dans la population active, qui découvre elle-même à 72% que le capitalisme est négatif, ce qui est pour moi, je me répète, un précédent historique mondial.

Et je pose la question : si ce n’était pas eux, classe ouvrière ou salariés, qui parvenaient à cette conclusion sans appel, qui donc leur aurait apporté cet enseignement majeur, cette conscience de la négativité du capitalisme, alors même que le nom même de capitalisme avait disparu de l’usage des principales forces politiques au profit de celui de libéralisme, beaucoup plus enfumé, et qu’il a fallu que ce soit le Président de la République lui-même qui rappelle la réalité de ce capitalisme en se prononçant pour sa « moralisation », laquelle « moralisation » demeure aujourd’hui l’objectif indépassable et indépassé de la quasi-totalité des forces politiques.

DES FORCES POLITIQUES DEPHASEES

Forces politiques qui continuent à ne pas se remettre en cause, mais le peuvent-elles aujourd’hui quand le mouvement de la vie et de la réalité, en fait le développement et l’approfondissement de la crise du capitalisme, fait la démonstration qu’elles appartiennent à un monde et à une société dépassés, qui vont disparaître, et elles, forces politiques, avec eux.

Mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire, et dans l’histoire même des révolutions, qu’un tel déphasage apparaît sans que d’ailleurs les forces politiques aient la conscience de cette réalité, à moins qu’elles aient choisi, en toute connaissance et conscience, de passer entières, armes et bagages, tout confondu, dans la gestion des derniers moments de la société capitaliste.

DES MASSES REVOLUTIONNAIRES

En tout cas, on vérifie à cette lecture de Marx que lorsqu’il considère que « ce sont les masses qui font l’histoire », c’est qu’il conçoit aussi que ce sont des masses qui sont révolutionnaires.

Et que l’on n’a pas besoin qu’on le leur révèle : non, elles n’ont pas besoin d’être plus ou moins « maternées », ou au contraire « violentées » quand on sait qu’il peut y avoir de mauvais parents !

Le texte de Marx que je viens d’utiliser largement n’est pas une source unique, il convient de poursuivre l’inventaire.

Nous aurons donc l’occasion d’y revenir.



Commentaires

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lundi 10 mai 2010 à 06h31 - par  Michel Peyret
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mardi 4 mai 2010 à 00h52 - par  Michel CONNANGLE
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vendredi 30 avril 2010 à 17h42 - par  denis

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