La fondation de Carla, c’est du genre Cap Maigre...

mercredi 12 mai 2010
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La première dame devait cajoler « la France qui souffre ». Mais sa fondation fait surtout beaucoup de mousse avec peu de savon.

La presse unanime avait salué la nouvelle princesse de l’humanitaire.

L’UMP s’était extasiée.

Voilà un an, en avril 2009, la première dame de France, Carla Bruni-Sarkozy, créait sa fondation et affichait ses fortes ambitions :

« Nous allons soutenir des projets pour les sans-abri, le milieu carcéral et les handicapés ».

Quelques mois plus tard, la même s’indignait à la une de « Macadam », le journal des SDF :
« Il y a trop de bla-bla dans la philanthropie ! ».

Qu’on se le dise : avec ses Pièces jaunes, Bernadette pouvait se rhabiller.

Carla, elle, retrousserait ses manches Dior pour aller au chevet de « la France qui souffre » si chère à « Mon Mari ».

Et ce serait du sérieux !.

Depuis, sa fondation est régulièrement encensée par les gazettes Lagardère (« Match », « Elle ») et Dassault (« Le Figaro »).

Le 27 mars, « Madame Figaro » consacrait six pages à cette faramineuse entreprise de bonnes preuvres.

Et pourtant...

La Fondation Carla Bruni-Sarkozy, c’est d’abord un siège social.

Une simple plaque apposée dans l’entrée du 20 bis de la rue La Boétie, à Paris, à deux pas de l’UMP.

A l’étage, juste un petit bureau, loué dans les locaux d’une autre fondation (Sommer), qui se consacre aux animaux, avec laquelle les troupes de Carla partagent une salle de réunion.

Les troupes en question ?.

Une vraie « task force » humanitaire : deux salariées.

Une secrétaire et « la » responsable de la fondation, Cléa Martinet, une ex du cabinet de Michel Barnier.

Et Carla ne met quasiment jamais les pieds rue de La Boétie...

Mécénat au petit pied.

Côté statuts, c’est également du solide.

Un simple contrat sous seing privé, signé sur un coin de table, pas de structure juridique propre, pas de compte à la banque ni de comptes à publier :

La fondation de Carla, qui n’en est pas vraiment une (il faudrait un décret en Conseil d’Etat et tout le tintouin), est placée sous l’égide de la Fondation de France.

C’est cette dernière qui gère la paperasserie et l’oseille...

Son président, l’ex-Lagardère-boy Yves Sabouret, méritait bien une petite récompense pour ce service : il a élevé au rang de commandeur de la Légion d’honneur et décoré par Sarko.

Les caisses de la fondation, elles, ne sont pas complètement vides.

En tout et pour tout, quatre « grands » mécènes se sont manifestés.

D’abord, Carla elle-même, avec une mise de 200 000 euros.

La richissime Américaine Sheila Johnson, qui a fait fortune dans la télévision et s’occupe aujourd’hui de sport, a versé 150 000 euros.

Lancôme a ensuite promis 500 000 euros pour un an pendant trois ans.

Et, enfin, un requin de la finance new-yorkaise, John Paulson (1), 45e fortune mondiale (12 milliards de dollars), allonge la même somme.

Les sans-abri et les taulards peuvent se frotter les mains ?.

Pas tout à fait...

Balades avec Lancôme.

Pour l’instant, les malheureux n’ont pas vu la couleur d’un euro.

L’argent du sieur Paulson est destiné à financer des bourses d’échanges pour étudiants d’écoles d’art françaises et américaines.

Quand au reste, attachez vos ceintures :
le seul vrai programme lancé par Mère Carlita répond au chic nom de « Révélations Lancôme », on comment aider 170 gamins de lycées défavorisés à embrasser une carrière d’artiste.

Sur le site Internet de la fondation (payé par l’Elysée à hauteur de 50 000 euros), le programme est tonitruant :

« Découverte des métiers de la création », « organisation d’ateliers », « master-class »,« préparation aux concours », etc.

Sur le terrain, il a démarré en trombe : le mois dernier, un architecte-designer d’établissements huppés, Patrick Jouin, est allé expliquer son métier à une classe de terminale à Dreux.

C’est déjà très impressionnant.

Mais il y a mieux : une sortie de lycéens a aussi été organisée dans les musées parisiens.

Le genre de journée que tous les bahuts montent sans fondation, avec juste un bus et une quête auprès des parents d’élèves.

Soyons justes et complets, les centaines de milliers d’euros de la fondation accomplissent d’autres miracles.

Une dizaine d’associations, qui développent des activités en milieu rural et dans les quartiers, ont aussi reçu un petit chèque de Carla, entre 7 000 et 28 000 euros.

Le département de la Creuse n’aurait pas fait mieux.

Et notre bienfaitrice nationale ne ménage pas non plus sa peine pour arpenter l’arrière-pays, à la rencontre des miséreux.

Un déplacement a particulièrement marqué l’action de la première dame de France :
au mois de février dernier, elle s’est rendue - par le train , s’il vous plait -en Anjou, et y a rencontré des bénévoles auquels elle a versé 7 000 euros pour lutter contre l’illetrisme dans une usine.

Une visite express de deux heures, un quart de page dans l’édition locale d’« Ouest France ».

Tremblez, Bernadette Chirac, Bill Clinton et Bill Gates !.

« Carla, c’est surtout l’ambassadrice, explique Cléa Martinet. Quand elle se déplace, on ne prévient pas la presse, pour éviter la cohue des journalistes. »

Et surtout, éviter les fous rire ?.

Raid sur la banlieue.

Parfois, la visite est plus médiatisée, comme le 24 novembre, quand Sarko, avant les régionales, est allé faire un grand numéro séculaire en Seine-Saint-Denis.

Surprise : deux jours plus tard, Carla déboulait dans une école de Bondy.

Un conseiller de l’Elysée l’avoue au « Canard » :
"Le projet était dans l’air depuis plusieurs semaines.

La visite du Président a tout précipité.

C’était l’occasion...".

Aux mauvais esprits qui prétendent que la fondation de Madame sert surtout Monsieur, Cléa Martinet le jure :
« Carla a envie de continuer la fondation quand son mari aura quitté l’Elysée ».

On la croit sur parole, même si ses financements sont assurés jusqu’en 2012.

Difficile d’imaginer que Mère Carlita pratique le « bla-bla dans la philanthropie »...

Par Hervé Liffran et Christophe Nobili dans Le Canard enchaîné du 21/04/2010

Transmis par Linsay


(1). Un bienfaiteur de choix.

Lors du dernier voyage du couple élyséen à New York, fin mars, Carla a déniché un nouveau donateur pour sa fondation.
Il s’agit de John Paulson, un grand philanthrope, pas vraiment désintéressé : il vient de se lancer dans les affaires, en Europe, et il a pris, à Noël, 2% du capital de Renault.
Si ça peut mettre un peu d’huile dans le moteur de son business...

Paulson, alias le « sultan des subprimes », est aussi tout un symbole.

Patron d’un des plus gros fonds spéculatifs américains, il est l’homme que tous les financiers de la planète vénéraient pour avoir anticipé la crise et parié sur la dégringolade de l’immobilier.

Résultat, son fonds s’est goinfré de 15 milliards de dommars, dont 6 pour lui seul en 2007-2008.

Bref, l’archétype du profiteur de la crise qui incarne tout ce que Sarko dénonce dans sa croisade pour moraliser le capitalisme mondial...

Gag : ce milliardaire est, depuis quelques jours au coeur du scandale Goldman Sachs, la banque américaine accusée d’avoir sciemment vendu des actifs pourris à ses clients et favorisé, notamment, l’enrichissement de Paulson.

Sarko va sûrement s’en indigner



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