Des présidentielles ? Pour quoi faire ?

lundi 17 mai 2010
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On le sait les organisations politiques songent déjà à 2012. Au sein du PCF un débat se profile : faut-il une candidature communiste ou une candidature du Front de gauche. Michel répond ici à quelqu’un qui l’interroge sur cette question stratégique...

Cher camarade,

Tes réflexions relatives à un « projet pour la désignation d’un candidat commun à l’élection présidentielle de 2012 », continuent de m’interroger fortement.

Non seulement parce que le fait de renoncer à présenter un candidat à ces élections au plus haut niveau irait dans le sens de la disparition historique du PCF : ne pas affronter en tant que force politique une élection de ce type témoignerait d’une volonté de renoncer définitivement à jouer un rôle majeur, sinon déterminant, dans la vie politique du pays.

L’IMPORTANCE D’UNE CANDIDATURE COMMUNISTE

Ce serait une confirmation pour lui-même, comme pour les électeurs qu’il représente habituellement, d’acceptation de ne plus jouer qu’un rôle marginal dans la société et sa vie politique.

Cela signifierait aussi l’acceptation du fait que le mouvement populaire ne disposerait plus d’une véritable et influente force politique pour faire valoir ses intérêts de classe.

Ce serait aussi un renoncement de fait à vouloir le changement de société mettant fin au système capitaliste.

On installerait ainsi la France et son peuple dans la perpétuation du système capitaliste alors que l’approfondissement de sa crise témoigne des difficultés profondes qu’il rencontre pour assurer aujourd’hui le développement de la société et le bien-être de ses membres.

Ce serait aujourd’hui l’assurance d’un recul général de la société.

En fait, si j’étais toujours membre du PCF, cela signifierait le maintien de fortes illusions sur la volonté des dirigeants du PCF d’assurer un avenir à ce parti.

Mais, tu le sais, j’ai démissionné du PCF en novembre 2006 après en avoir été membre pendant 53 ans. Je pense en conséquence que tu continues à me considérer comme communiste puisque tu me fais parvenir tes réflexions à cette occasion, comme à d’autres d’ailleurs, et que tu sollicites mes réactions.

L’EXPERIENCE DE MA VIE POLITIQUE

Je fais donc appel à l’expérience acquise au cours de ces 53 années et à des réflexions plus récentes que cette expérience a suscitée et qui font que je me sens bien de nouveau dans ma peau de communiste, d’une sorte de communisme nouveau, celui qui pourrait être dans ses grandes lignes celui du 21e siècle.

Il importe en effet de continuer à penser dans le mouvement de l’histoire et dans le mouvement de la société qui se poursuivent aujourd’hui dans la mise en oeuvre de nouvelles transformations, en fait d’une nouvelle révolution que certains qualifient d’informationnelle, en fait caractérisée par l’introduction grandissante de l’automation et de l’informatisation de tout le système de production..

LE CAPITALISME INCAPABLE DE DEVELOPPER LES POTENTIALITES DE LA SOCIETE

Le capitalisme s’avère incapable de développer toutes les potentialités induites par ces nouvelles capacités de production, et notamment celles qui permettraient aujourd’hui de diminuer considérablement le temps de travail, jusqu’à supprimer en tendance le travail humain contraint, au profit de l’accroissement du temps libre et d’activités humaines librement consenties et libératrices.

Le plus vieux rêve de l’humanité pourrait ainsi commencer à se préciser et à se concrétiser.

A contrario, le capitalisme brime l’extension de ces potentialités libératrices et approfondit au contraire l’exploitation pour faire face à la baisse tendancielle du taux de profit, sans d’ailleurs pouvoir y parvenir, sauf à procéder à d’immenses dévalorisations de capital, sous la forme de la suppression massives de capacités de production ou de la destruction pure et simple de capitaux sur les marchés financiers.

Tous les secteurs et tous les aspects de la vie de la société subissent alors cette volonté du capital de continuer à percevoir des taux de profit élevés par une diminution générale du pouvoir d’achat des salaires et retraites comme par des diminutions drastiques des moyens et des budgets affectés aux dépenses publiques nécessaires à la vie de la société et de l’ensemble de la population.

FAIRE PAYER LA CRISE AU PEUPLE

L’objectif est clair, il est d’essayer de faire payer les effets de la crise par l’ensemble de la population, à l’instar de ce qui est devenu évident en Grèce et se prépare dans les autres pays.

Et nous sommes tous à même de constater qu’il ne s’agit pas là d’extorquer seulement quelques picaillons de façon indolore, et notamment aux plus pauvres, dont on sait qu’ils ont peu, sinon pas de richesse, mais qu’ils sont encore et toujours les plus nombreux.

Il est évident que, dans ces conditions, et en dépit de l’augmentation conséquente de la productivité, c’est la voie de l’appauvrissement général et généralisé qui est choisie par le capital pour faire face à ses difficultés, et c’est le contraire qui apparaitrait étonnant.

En d’autres termes si, en d’autres temps, il a été possible au mouvement populaire d’obtenir des avancées sociales conséquentes, y compris spectaculaires à certaines époques, il n’en est plus de même aujourd’hui.

Les possibilités dont a pu disposer le capital à une époque pour acheter la paix sociale se sont taries. La disparition progressive du travail humain dans la production avec l’introduction de l’automation et de l’informatisation conduit inexorablement le capitalisme à l’impasse quels que soient les artifices auxquels il peut encore recourir, ces artifices conduisant plutôt à l’aggravation de sa crise.

LA FIN DES ILLUSIONS

Aussi, les illusions qui pourraient perdurer dans certaines couches sociales dans les possibilités du capitalisme de retrouver les chemins d’une profitabilité permettant à nouveau le développement du bien-être dans la société apparaissent-elles n’avoir plus aucun fondement.

Voici venu le temps de la fin des illusions et des croyances dans une quelconque possibilité pour le capitalisme et son système d’assurer la poursuite du progrès humain.

Et, de fait, nous voyons fleurir différentes variantes de théories qui toutes conduisent sous des motivations diverses, à préconiser des formes de décroissance alors même que les conditions minimales de survie ne sont pas assurées à des milliards d’êtres humains sur notre planète.

Certes, en aucune façon, il ne peut être question de continuer à produire à n’importe quelles conditions, et qu’en soient les effets sur l’homme et la nature dont le sort est lié, si donc il importe toujours d’en finir avec le productivisme capitaliste, ce qu’il apparaît aujourd’hui indispensable pour l’avenir de l’espèce humaine, c’est d’en finir avec le capitalisme lui-même.

L’intéressant, parce que porteur d’avenir, c’est que cette négativité du capitalisme lui-même commence à être reconnue par la très grande majorité des populations, au moins dans notre pays.

LE CAPITALISME EST NEGATIF POUR LA MAJORITE

L’enquête SOFRES que j’évoque souvent portant à 72% la reconnaissance par les citoyens de notre pays de cette négativité est loin aujourd’hui d’être la seule. Et elle ne concerne plus seulement les fondements économiques et sociaux.

Je dis à nouveau, parce que les idées anciennes ont du mal à s’effacer dans les consciences au profit des idées nouvelles, on disait d’ailleurs un temps que la conscience retarde toujours sur la réalité, qu’il y a dans cette prise de conscience aujourd’hui de la négativité du capitalisme un précédent historique, c’est-à-dire que jamais, ni nulle part, cette prise de conscience n’a été aussi forte.

Je parle bien évidemment de toute la période historique concernée par la domination du capitalisme sur les sociétés, non seulement d’Europe mais du monde entier, y compris pendant les périodes révolutionnaires qui ont existé dans cette période historique.

C’est aussi considérer que les périodes historiques considérées peuvent avoir des caractéristiques différentes, et quelque fois fort différentes.

Les peuples, les mouvements populaires, sont capables de création, sinon qui ferait l’histoire ?

L’HISTOIRE SE FAIT TOUJOURS DANS DES CONDITIONS NOUVELLES

Et l’histoire ne se fait jamais dans les mêmes situations, dans les mêmes conditions.

Il est d’ailleurs rare, sinon inexistant, de constater ou de vivre des conditions historiques identiques sinon comparables.

Ne dit-on pas que l’histoire ne repasse jamais les plats, ou les mêmes plats !

Par exemple, qui aurait pu penser que la « droite » et les communistes gouverneraient ensemble en France et que cette période historique serait également celle où les acquis sociaux et sociétaux seraient également les plus importants des plus de deux siècles qui courent de 1789 à 2010 ?

Je pense, bien évidemment, à la période de la Libération, où l’effet des décisions prises alors a marqué et continue de marquer notre civilisation.

Et, évidemment encore, penserait-on que pourrait survenir une autre période historique et révolutionnaire identique ?

Ne serait-ce que parce qu’elle a déjà eu lieu.

Et aussi, et peut-être surtout, et sans exclure d’autres raisons, parce que le capitalisme avait encore un avenir en France et ailleurs, n’avait pas encore développé en son système toutes les capacités qu’il était en mesure de développer, et qu’il avait besoin pour cela que le peuple français « retrousse ses manches », toutes raisons qui n’apparaissent plus être d’actualité ainsi que je l’ai montré ci-dessus à propos de la reconnaissance, très généralisée aujourd’hui, de sa négativité.

Il me semble cependant n’être pas encore parvenu à exprimer tout le contenu de cette négativité dans les formes dans lesquelles elle s’exprime aujourd’hui.

UNE NEGATIVITE GENERALISEE

Il m’apparaît que les abstentions aux dernières élections, la répétition du phénomène et sa croissance au fil des diverses élections, par exemple depuis 1979 pour les élections européennes, le fait que ces abstentions soient devenues majoritaires en absolu, ajoute une dimension considérable à la crise du système capitaliste, une dimension politique indéniablement, mais aussi institutionnelle et constitutionnelle, sinon juridique entre autres aspects relatifs aux superstructures, par exemple la crise de l’école, la violence, l’insécurité...qui font qu’au total c’est l’ensemble du système et de la société qui sont en crise !

Aussi penser que l’on pourrait améliorer le système capitaliste dans ses aspects économiques et sociaux sans trouver une solution à l’ensemble des manifestations de sa crise dans toute la société accroît-il l’impossibilité de penser qu’il pourrait se révolutionner lui-même suffisamment pour empêcher, pour rendre vaine la nécessité du changement de société et de système, l’engagement du processus de construction de la société communiste dont j’ai montré à différentes reprises que des éléments existaient déjà et qu’ils ne demandaient qu’à s’affirmer et grandir.

Aussi envisager la prochaine élection présidentielle comme tu souhaites le faire sans tenir compte de ces nouveaux et importants aspects m’apparait quelque peu problématique.

LA PRESIDENTIELLE DANS CETTE SITUATION NOUVELLE

Alors que tous les aspects, économiques, sociaux, politiques, institutionnels, juridiques, constitutionnels, apparaissent en crise, envisager cette élection en quelque sorte dans une sorte de statu quo qui l’installerait purement et simplement dans le prolongement des précédentes m’apparaît quelque peu irrationnel.

D’autant que, pour ma part, et je pense aussi pour la tienne, cette élection présidentielle a toujours posé problème.

Je suppose bien évidemment que, comme moi, tu te souviens que le PCF avait appelé à voter « non » en 1958 au référendum sur cette Constitution de la 5e République, et qu’il avait également appelé à voter « non » au référendum qui visait en 1962 à ajouter l’élection du président de la république au suffrage universel contrairement aux principes républicains et contrairement à la pratique de la majorité des pays où c’est le premier ministre qui représente la société.

Certes, il nous a fallu depuis respecter l’opinion majoritairement exprimée alors par le peuple français.

PRENDRE LE TEMPS D’UNE REFLEXION APPROPRIEE

Cependant, nous sommes aujourd’hui dans une situation nouvelle, je crois l’avoir montré, avec le rejet fort, et y compris institutionnel et constitutionnel, majoritairement exprimé notamment par les abstentionnistes, et d’autres votants ont pu exprimer les mêmes préoccupations au sujet des institutions de la 5 eme république et exprimé, indépendamment des autres aspects de la crise, qu’elles ont fait leur temps.

Aussi, l’ensemble de cette situation, nouvelle pour l’essentiel, mérite-t-elle une réflexion appropriée avant quelque décision que ce soit.

Pour ma part, je me conçois mal participer à un nouveau scrutin présidentiel, si aucun changement constitutionnel profond n’intervenait d’ici à ces élections.

Si tel était le cas, je concevrai un candidat qui dirait : « Votez pour moi parce je suis contre ces élections », et qui expliquerait les raisons de son opposition.

En l’absence d’un tel candidat, je m’inspirerai d’une réflexion que l’on me rapportait récemment : « Il y a le droit au travail, et il y a le droit de grève ; il y a le droit de vote et il y a le droit à la grève du vote ! »



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