Jolie Môme le procès

mardi 8 juin 2010
popularité : 4%

Camarades, ami(e)s, camarades,

Je ne vais pas faire un compte-rendu exhaustif car je sais que d’autres ont pris des notes précises alors que j’ai attendu dans la salle des Pas Perdus avant de témoigner, perdant ainsi une partie des débats et surtout, je préfère un témoignage à nouveau de ce que j’ai compris, ressenti, espéré tout au long de cette belle journée (météo et mobilisation devant le Palais de justice !). Bien entendu si je fais des citations, ce sera à partir de ma prise de note très précise (métier oblige !).

Vers 12h20, lorsque je sors du métro Cité, je vois sur l’esplanade l’estafette de la compagnie autour de laquelle s’affèrent pour en sortir banderoles et mégaphone, Loïc (c’est le plus grand donc on le voit en premier !) et les autres…

Le temps de commander un poulet frite collectif avec des camarades de LO et d’autres à la terrasse du bar où les « prévenus » se réconfortent arrivent les camarades de Continental, Philips et les autres…

Bref, on n’est pas tout seul : ils l’ont su et ils sont venus !
La queue interminable pour rentrer au Palais de justice permet tout à la fois de constater comment on traite les justiciables dans notre beau pays, la tension qui explose au moindre regard pour venir rappeler que lorsqu’on est pauvre et empêtré dans les labyrinthes judicio-économico-administratifs, on a du mal à garder son calme et, pour certains, la raison (engueulades, insultes raciales et mépris de classe ont animé la file d’attente !). Cela m’a permis aussi de rencontrer un spectateur des « Jolie Môme » (guide de haute montagne !) venu les soutenir et de trouver grâce à lui mon chemin dans ce Palais de justice, dédale encombré qui hésite entre la Cour des miracles et la gare futuriste.

J’en arrive au procès.

À l’abri des clameurs, la salle d’audience est petite et pire que mal insonorisée. J’ai pensé proposer à la greffière, qui a souffert tout au long de l’audience pour entendre les propos malgré les rappels gênés et courtois de la présidente pour que les témoins parlent fort et que le public fasse silence, de faire une action syndicale pour défendre ses conditions de travail et prévenir la souffrance et les maladies professionnelles !
Nous n’entendions pas les prises de parole devant le Palais de justice, mais nous savions qu’elle seraient nombreuses. La cinquantaine de camarades présents dans le tribunal pour soutenir Michel et Ludo comme les témoins, nous étions frustrés de ne pouvoir en être !

Mais, il y avait plus à plaindre que nous car, sur les bancs de l’accuseur public N° 1, je veux parler de François Chérèque, point de soutiens, point de témoins, point de Chérèque, point de Thomas… L’avocat seul avait fait le déplacement !

On ne se plaindra pas d’avoir échappé ainsi au service d’ordre musclé et nerveux de la CFDT qui avait tenté de nous intimider jusque dans le tribunal lors de la première instance, mais tout de même on aimerait bien un jour pouvoir regarder en face Chérèque et ses amis lors de nos témoignages !

Bien, que très seul, l’avocat de la CFDT n’en était pas moins droit dans ses bottes ! Droit dans ses bottes certes mais pour patauger dans des flaques de boue, la plus vaseuse étant celle du mépris et de la bêtise qui soutient que c’est la "femme de ménage de la présidente et la caissière de Prisunic qui paient le régime déficitaire des intermittents” .

Quant à l’avocat général (procureur), elle pataugeait dans la semoule en escarpins essayant péniblement de trouver une base juridique et une légitimité à la plainte de la CFDT...

Pour résumer ce qui fonde la haine de l’avocat et/ou de ses clients, je citerai en vrac mais dans l’ordre : « Tous les salariés subordonnés cotisent, mais les intermittents sont un cas particulier, ils touchent des indemnités plus longtemps » (…)« Leur régime est un régime préférentiel et leur combat corporatiste. Les peintres, les sculpteurs, les professions libérales n’en bénéficient pas »(…) « Ils se disent militants mais c’est une posture ».

Là, je vous avertis, vous allez vous tordre de rire… « La CFDT a sauvé l’intermittence…On est obligé de recadrer de temps en temps pour éponger le déficit », si, si !!!

« Nous ne cherchons pas à criminaliser ces actions, mais il y a des limites à respecter pour un groupuscule insaisissable » (en première instance, l’actualité le lui a permis à l’époque, il les a comparés à ceux de Tarnac).

Je passe sur la leçon qu’il a donnée sur les régimes généraux et les annexes : Jean Voirin secrétaire général de la Fédération du Spectacle de la CGT, venu témoigner et étant resté jusqu’au bout, a failli mourir étouffé de rire ou de rage !

Passons à la réquisition du procureur : « On ne discute pas sur la légitimité de l’action, ce n’est pas l’objet du propos » « La notion de domicile est large ». Oui en effet, comme le fera remarquer l’avoccate de Michel et Ludo, Maître Irène Terrel : « Parler de violation de domicile pour un local syndical lors d’une journée « portes ouvertes »… » Les rires ont couvert la fin de la phrase sans que la présidente ne pense à nous rappeler à l’ordre, sans doute prise aussi dans cet éclat sorti du cœur !

Le procureur toujours marchant sur des œufs : « Oui, il s’agissait d’un contexte revendicatif, mais la loi s’applique à tous les contextes dont il faut bien sûr tenir compte… Quelle peine ? on est dans le symbole, mais il y a la manière de mener le combat, on peut ne pas apprécier ce type d’action… Quelle peine ? bien évidemment symbolique, amende, sursis, vous apprécierez Madame la Présidente ». Bref, le bâton est merdeux, je le relance, faites-en ce que vous pourrez, ce que vous voudrez ! Elle se rassied dans son fauteuil où elle tente de disparaître pendant la plaidoirie brillante de Me Irène Terrel.

Irène Terrel nous a offert un moment précieux qui, de la leçon de droit à celle de philosophie du droit, avec fermeté, humour et sérénité (celle que donne la légitimité du combat pour l’émancipation et pour des valeurs universelles) nous a tous confirmés dans notre dignité, notre fierté d’être de ceux qui, debout, ne se laissent ni intimider ni désespérer, ni soumettre.

Irène Terrel a rappelé que la personne morale habitant le domicile soi-disant violé, François Chérèque n’était pas là : « Domicile virtuel ! F. Chérèque pas là, le doigt cassé non plus et d’ailleurs on n’est pas accusé de cela ». Elle se retourne vers l’avocat de la CFDT, seul sur son banc, sans témoins : « Personne, il n’y a personne ! »

« Aucun sens éthique à votre saisine, madame la présidente. On est dans le symbole dit madame l’Avocat Général, oui c’est un procès politique, un procès incongru ; On accuse deux personne sur plus de cent présentes lors des faits. Pourquoi Prieur et Roger ? Michel Roger, on veut le faire passer pour un meneur car il a accepté de lire un tract. Mais il est acteur, c’est son métier… Il appelle au calme aux nervis qui s’en prennent à une jeune fille, cela aussi ça ferait de lui un meneur. ! Peut-être qu’il est un meneur parce qu’il porte un chapeau ? Quant à Monsieur Prieur c’est choquant ! C’est parce qu’il a écrit un article sur un site d’information alternatif. Il s’est dénoncé lui-même quand il a su qu’on cherchait un certain Ludo. Il est allé à la police dire : « Je suis l’auteur de cet article, c’est mon pseudonyme ». Il aurait pu ne pas le faire. Je viens de gagner un procès contre la CFDT qui s’en est pris à un autre site d’information : Indymédia. La CFDT fait des procès à tour de bras, mais M. Chérèque n’est jamais là, ni lui ni personne de la CFDT ! C’est un maniaque du judiciaire. Il faut que la CFDT fasse une psychothérapie quand elle parle de menaces, si elle a peur de quelques intermittents qui sont venus pour dialoguer avec Madame Thomas qui a signé des accords en leur nom.

L’occupation est en train de devenir, ici, une violation de domicile ; hélas on est plus dans les années 70 où la CFDT participait à ce genre d’actions. Mais des occupations, il y en a encore tous les jours et parfois avec la CFDT. L’occupation est un outil de lutte et je rappelle que les chômeurs n’ont pas la possibilité de faire grève. Il n’y a pas eu de dégradation ni de violation de domicile mais une entrée de 100 personnes un jour de « portes ouvertes ». Ce jour a été choisi justement pour cela car, en principe, la CFDT est un bunker avec de nombreuses caméras et des services d’ordre. Mais les intermittents ne souhaitaient pas de violence (…)Madame la Présidente, on veut vous faire jouer un mauvais rôle, la volonté de la CFDT est bien de criminaliser l’action revendicative. Et ce mépris que l’on entend dans la plaidoirie de mon confrère est une façon de discréditer ces gens… Le délit n’est donc pas matérialisé, ni matériel, ni intentionnel ».

Un grand moment aussi lorsque Maître Terrel évoque les rapports de police !

« C’est assez rare pour le noter, les rapports de police, tous, confortent les prévenus » « Cette procédure est un abus du droit, un étirement jusqu’à l’impossible de la violation de domicile. Madame, vous êtes garante des libertés individuelles et publiques. L’aspect symbolique est important, c’est choquant de parler de « corporatisme » alors qu’ils sont solidaires de tant de luttes et de précaires, qu’ils jouent dans les prisons, partout où l’on a besoin de leur soutien. Ils n’ont pas le droit de grève, il ne leur reste que les occupations. Madame la Présidente, refusez ce rôle délétère de confondre une occupation avec la violation de domicile. Relaxez-les avec l’outil juridique qui est un rempart contre les abus de droit. »

Maître Terrel finira par la lecture d’un article de l’hebdomadaire « Politis » (attention, il risque d’être poursuivi par Chérèque !) et du jugement du 29 janvier 2010 qui relaxe Indymédia en faisant une très belle analyse de « la polémique de la CFDT » en la replaçant au niveau de l’histoire du mouvement ouvrier et revendicatif.

On espère qu’Irène Terrel nous confiera ces lignes magnifiques qui pourraient encore servir dans le climat actuel propice à de nombreuses luttes qui risquent d’être là encore criminalisées.



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur