Une nouvelle génération de partis communistes !

mardi 15 juin 2010
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Dans un récent article, intitulé :« Peu importent les marteaux et les faucilles », je citais Mansoor Hekmat qui, dans une interview de l’automne 1989 relative au communisme ouvrier, répondait à des critiques :
« Bien sûr, ma discussion peut être accusée de bien des choses, y compris de la « primauté du mouvement sur la théorie », ou « d’économisme », ou encore de surévaluer la « spontanéité » par rapport à la « conscience ».
« Je crois que toutes ces caractérisations, plus encore que ce qu’elles nous disent sur nos conceptions et nos défauts, trahissent le schématisme de la pensée de nos critiques potentiels".

QUEL MOUVEMENT ?

« La question principale, c’est : « quel mouvement ? ».
« Le point central, c’est que toutes les tendances du socialisme existant, peu importent les marteaux et les faucilles qu’ils mettent sur leurs affiches, ou le nom de Marx ou de Lénine qu’ils ont aux lèvres, ont en général été les mouvements sociaux de classes désenchantées, à la recherche de réformes, de changements non-socialistes.
« La question de la relation entre la théorie et l’action politique des partis dans ce mouvement, leurs priorités respectives et ainsi de suite, ne peuvent être débattues qu’au sein de ces traditions elles-mêmes.
« Notre argumentation appartient à un autre mouvement, qui a existé, qui existe à l’écart de ce socialisme non-ouvrier, avec sa propre théorie et sa propre pratique.

« C’est un fait que, dans ce mouvement, c’est-à-dire le communisme-ouvrier, la théorie et le mouvement ne sont pas séparables comme deux choses indépendantes.
« La question de la primauté de la théorie sur le mouvement, et vice-versa, n’a pas de sens dans notre système de pensée.
« Ce sont deux niveaux de manifestation d’un même mouvement social.
« Selon moi, quiconque lit Le Manifeste du parti communiste attentivement comprend que c’est le manifeste du mouvement ouvrier, ce n’est pas l’esquisse d’une sociologie scientifique qui devrait être enseignée, élaborée ou transformées en son propre sujet, indépendamment de ce mouvement ouvrier. »

LE MANIFESTE DU MOUVEMENT OUVRIER

Et, quelques lignes plus loin, Mansoor Hekmat poursuit :
« Le marxisme ne peut être compris et étudié comme théorie en tant que telle.
« Les polémiques internes, les interprétations divergentes et parfois conflictuelles de la théorie surviennent seulement quand différentes tendances sociales l’emploient pour répondre à leurs problèmes particuliers.
 Par exemple, la théorie marxiste a proposé son propre point de vue sur la révolution communiste, les conditions de sa réalisation et ses tâches.
« Mais la problématique du « socialisme dans un seul pays » a émergé dans le contexte de la controverse historique et sociale entre les tendances réelles de la révolution russe sur le développement de l’Union soviétique.

« Dans le Capital, Marx a clairement expliqué la relation entre les prix et la valeur dans la société capitaliste.
« Mais le « problème de la transformation » est devenu un problème théorique seulement dans ce contexte historique et social spécifique, et pour une force sociale particulière.
« La même chose est arrivée à la thèse de la dictature du prolétariat, sur la question de l’interaction entre infrastructures et superstructures, sur le socialisme et le marché, …
« Chacune a été la source d’une polémique majeure, prolongée, au sein de la soi-disant tradition marxiste et ne peut être discutée sans prendre en compte les intérêts sociaux sous-jacents, sans reconnaître quelle lutte sociale objective est en jeu. »

L’APTITUDE A SE SAISIR DU CONCRET ET DU NOUVEAU

Je suis confus d’avoir dû faire une si longue citation pour en arriver à reconnaitre chez Mansoor Hekmat une maîtrise assez exceptionnelle de l’apport de Marx à la réflexion théorique et pratique indispensable au mouvement révolutionnaire.

L’essentiel n’est pas en effet dans la répétition de formules qui n’ont de sens que dans une ou des situations concrètes et dans l’étude concrète de ces situations concrètes, des contradictions concrètes qui y sont à l’oeuvre, de la connaissance nécessaire des modalités diverses des évolutions possibles selon les comportements des forces ou mouvements concrets qui y sont à l’oeuvre.

Dit autrement, il est justement indispensable de sortir des raisonnements mécaniques privilégiant la connaissance acquise dans l’étude de faits anciens qui ne peut que masquer l’apparition de faits, de caractères nouveaux qui ont comme conséquence le surgissement de nouvelles situations nouvelles avec leurs propres contradictions à l’oeuvre.
En conséquence de quoi, nulle part et en aucune circonstance, il n’est possible de penser et élaborer sans l’aptitude à se saisir du nouveau que comporte toujours une situation et qui fait qu’elle n’est jamais entièrement, ni même partiellement comparable à d’autres situations déjà connues et analysées.

Cet apport de Mansoor Hekmat est effectivement bien précieux et il est utile de l’observer à l’oeuvre dans l’analyse à laquelle il procède.

LE SOCIALISME, MOUVEMENT SOCIAL EXISTANT...

Il en est ainsi quand il souligne le caractère social objectif du socialisme ouvrier :
« Un point essentiel, dit-il, sur lequel nous avons constamment mis l’accent dans les débats de ces dernières années, c’est que le socialisme ouvrier est un mouvement social qui existe de façon indépendante, et non un produit dérivé de l’activité de marxistes ou de communistes.
« C’est un mouvement né de l’histoire et qui se poursuit.
« La lutte contre la capitalisme, pour le remplacer par le socialisme au moyen d’une révolution ouvrière, est une conception vivante, fermement établie au sein de la classe ouvrière – c’est une tradition de lutte vivante.
« La théorie, la conscience de ce mouvement peut, à une période donnée, être adaptée ou inadaptée, vraie ou fausse.
« Quoiqu’il en soit, il existe toujours un courant au sein du mouvement de la classe ouvrière qui aspire et essaye constamment de pousser la classe tout entière dans cette direction socialiste.

...QUI PREND FORME DANS LA LUTTE REELLE

Pour Mansoor Hekmat en effet, un de ses aspects distinctif, c’est de voir le socialisme, le communisme, le parti communiste-ouvrier, comme quelque chose qui prend forme dans le contexte de la lutte réelle, objective, de la classe ouvrière.

« Le socialisme, dit-il, n’est pas un modèle, une utopie, ou un dessein fondamental pour la société, qui se contenterait de nous attendre, nous socialistes, pour le mettre en oeuvre.

« Ce n’est pas un objectif arbitraire ou une prescription importée du royaume de la raison dans celui de la pratique.

« Le socialisme est, d’abord et avant tout, un cadre pour une certaine lutte sociale qui existe inévitablement et indépendamment de la présence ou de l’absence d’un parti ; c’est un mouvement social qui s’est poursuivi tout au long des 19e et 20e siècles, et qui est, encore aujourd’hui, clairement observable. »

L’OBJECTIF DE CE SOCIALISME

Pour Mansoor Hekmat, l’internationalisme est aussi une autre caractéristique de la tradition de son socialisme...

Mais quel est l’objectif de ce socialisme ?

On sait, dit-il, qu’il a été défini et interprété de bien des façons.
Mais, ajoute-t-il, « nous sommes l’un des rares courants qui mette l’accent sur le fait que le socialisme doit être identifié avec l’abolition du travail salarié et l’instauration de l’égalité économique entre les personnes.
« Cela signifie l’égalité de statut des personnes dans la production sociale.
« Cela nous distingue clairement de tous les courants qui identifient le socialisme avec la planification d’Etat, avec l’industrialisation ou la redistribution des richesses.
« Nous maintenons que le socialisme requiert l’abolition du travail salarié et la transformation des outils de travail, des moyens de production, en propriété commune de la société...
« Le bien-être social et la sécurité économique des personnes ne peuvent être que le résultat d’une telle révolution dans les fondations économiques de la société.

UN POINT DE VUE MARXISTE CRITIQUE SUR LE MONDE

Le socialisme est aussi un point de vue marxiste critique sur le monde.
Le parti a été créé dans la tradition marxiste, et en défense de Marx.
« Le communisme-ouvrier, dit Mansoor Hekmat, selon moi, ne peut aller bien loin sans le marxisme.
« Défendre Marx et le marxisme, comme critique sociale, est un trait distinctif de notre tradition.
« Il y a des gens qui, aujourd’hui, voudraient bien maintenir leurs partis de gauche pour rester sur la scène politique en tant que socialistes, mais, en même temps, reconnaissent que pour le faire, ils doivent d’abord réviser ou modifier le marxisme.
« Par exemple, essayer d’assembler « démocratie » et « marché » avec le marxisme et le socialisme.
« Pour autant que cela nous concerne, il s’agit d’absurdités sans intérêt.
« Je crois que la plupart de ceux qui abandonnent le marxisme sont des gens qui l’ont d’abord accepté, non comme un point de vue critique, éclairant, mais comme une école de pensée à la mode qui s’est imposée à eux. »

LES CAUSES HISTORIQUES DE L’ECHEC DU COMMUNISME

Tout communiste, selon Mansoor Hekmat, devrait pouvoir répondre à la question : qu’est-ce qui est arrivé au communisme ?

« Nous disons que ce qui, en pratique, est arrivé à son terme mortel, est un autre mouvement social de classe, un mouvement qui n’a aucun rapport de parenté – excepté le non – avec le socialisme, avec le marxisme, et avec le mouvement social de la classe ouvrière.
« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est la défaite d’un certain mouvement social pseudo-socialiste qui a émergé au 20e siècle et a été représenté par les partis dirigeants du bloc de l’Est et ses divers surgeons pseudo-socialistes – soutiens ou critiques du courant principal – en dehors de ce bloc.
« En effet, cet effondrement requiert en lui-même une analyse précise.
« Mais nous devons expliquer pourquoi jusqu’ici, de manière distincte de ce bloc, le mouvement de la classe ouvrière a été inefficace...
« Il y bien longtemps que nous avons été défaits là-bas, que nous avons été forcés à l’isolement, et que nous avons perdu la vaste influence que nous avions au sein du mouvement ouvrier et dans la politique internationale...
« Alors, si on nous demande aujourd’hui pourquoi le communisme n’a été atteint nulle part un siècle et demi après Marx, notre réponse sera que la bourgeoisie nous a infligé une sérieuse défaite à la suite de la révolution de 1917 ; une défaite dont nous ne sommes pas encore remis.
« C’était donc la montée, et non la chute, du bloc de l’Est qui a amené la défaite du communisme ouvrier...
« La victoire du socialisme n’est pas un résultat inévitable et prédéterminé...

LA CAUSE DE LA SURVIE DE LA BARBARIE CAPITALISTE JUSQUICI

Pour Mansoor Hekmat, l’issue est le destin d’un mouvement défini : le mouvement socialiste de la classe ouvrière.

« La cause de l’état actuel des choses, la cause de la survie de la barbarie capitaliste jusqu’ici est que ce mouvement a été défait à un tournant critique de l’histoire contemporaine.
« Nous avons été défaits dans l’expérience de l’Union soviétique, une défaite qui a conditionné le destin du monde pour plusieurs décennies.
« Nous n’étions pas représentés de manière adéquate, ni politiquement, ni intellectuellement, dans les controverses fatales qui ont eu lieu dans les années 1920, dans l’évolution post-révolutionnaire de l’économie soviétique.
« Nous n’étions pas préparés à l’avance pour ce défi.
« Aucun des leaders du mouvement socialiste de la classe ouvrière russe n’est entré dans cette période avec une vision économique claire, et de ce fait, aucune résistance n’a été organisée, du point de vue du communisme ouvrier, contre l’avancée du nationalisme et de la vision économique bourgeoise...
« Nous n’avons pas réussi à conserver notre classe sous notre propre bannière.
« Ainsi, nous avons manqué, en pratique, à une étape décisive et en regard de la question cardinale de l’ère post-révolutionnaire, c’est-à-dire la question du contenu économique de la révolution d’octobre, d’un drapeau, ou d’un programme indépendant. »

LES RELATIONS ENTRE LE PARTI ET LA CLASSE

Aujourd’hui, considère Mansoor Hekmat, notre parti est celui d’une certaine tradition de lutte au sein de la classe ouvrière elle-même.

« Sa relation avec la classe ouvrière est ainsi basée sur la relation de cette tendance au sein de la classe toute entière.
« Cela signifie, premièrement, que ce n’est pas un parti formé par un groupe de réformateurs sociaux pour le salut de la classe ouvrière, mais formé par une partie, une tendance au sein de la classe ouvrière elle-même avec pour objectif d’unifier et de mener la classe tout entière vers ses objectifs de classe.
« Deuxièmement, il est donc clair que le parti communiste ouvrier n’est pas un parti de « tous les travailleurs » indépendamment de leurs objectifs politiques et sociaux...
« En d’autres mots, ce n’est ni un parti dérivé d’idées préconçues ou d’une théorie qui devrait maintenant être implanté dans la classe ouvrière, ni un parti de tous les travailleurs indépendamment de leur perspective sociale.
« C’est un parti de travailleurs socialistes qui, développent une critique fondamentale et complète du système actuel... »

LE MOUVEMENT DES CONSEILS

Mansoor Hekmat se revendique de la tradition des conseils comme principale forme d’organisation et d’action directe des masses ouvrières.
« Si, dit-il, le mouvement des conseils est établi lui-même de façon suffisamment ferme pour être capable de prendre en charge les aspects des luttes défensives qui sont à présent organisées par les syndicats, alors il peut être correct de demander aux travailleurs de quitter les syndicats et de rejoindre les conseils et le mouvement des conseils...
« Nous nous efforçons de construire et renforcer le mouvement des conseils au sein de la classe ouvrière.
« Et avec nos progrès, nous appelons les travailleurs à rejoindre cette alternative.
« Nous reconnaissons la valeur des syndicats pour les luttes ouvrières en l’absence de conseils forts et d’un mouvement des conseils, mais nous n’abandonnons pas nos vues critiques et indépendantes vis-à-vis des syndicats. »

( Ces extraits proviennent d’un discours de Mansoor Hekmat à la première conférence des cadres du Parti communiste-ouvrier d’Iran en mai 1992, discours reproduit par « La Bataille socialiste » sous le titre : « Les caractéristiques fondamentales du Parti communiste-ouvrier )



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