Regards de juin 2010

jeudi 24 juin 2010
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LES BUDGETS NATIONAUX SOUS LA TUTELLE DE BRUXELLES

En annonçant une révision de ses prévisions de croissance pour 2011 dans la zone euro (1,2% contre 1,5%), le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a dû reconnaître que les plans d’austérité annoncés ou mis en œuvre par les gouvernements pour consolider leurs finances publiques avaient un impact négatif sur l’activité économique. Mais il s’est bien gardé de changer d’orientation et a chanté les louanges de l’euro qui bénéficie d’un « bilan exceptionnel » et constitue un « actif majeur pour les investisseurs étrangers et domestiques ».

C’est justement pour répondre aux intérêts de ces investisseurs et donner confiance aux marchés financiers que, sur proposition de la Commission européenne, le Conseil des 27 a décidé dès 2011 une surveillance préventive des budgets nationaux. Dès l’annonce de cette décision, le patronat européen, par la voix de « Business-Europe », a apporté son soutien aux efforts de Bruxelles et des 27 pour « renforcer la discipline budgétaire et la gouvernance économique ».

Le 18 juin, le Conseil des ministres des finances des 27 a pris les premières décisions et fixé les orientations de ce véritable contrôle budgétaire. Les Etats membres se sont mis d’accord sur un nouveau tour de vis budgétaire (baisse des salaires et des prestations sociales, réduction des dépenses publiques) assorti d’un durcissement du pacte de stabilité, notamment par le contrôle des budgets nationaux, avec de nouvelles sanctions plus contraignantes pour les pays considérés comme les plus « laxistes » qui pourraient être privés du droit de vote au Conseil. Ces sanctions pourront être financières mais aussi politiques, comme l’a proposé le président de la Banque d’Italie Mario Draghi, candidat à la succession de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE.

Chaque année au printemps, les Etats membres devraient soumettre les paramètres de leurs budgets à la Commission européenne. Ce sont donc la Commission européenne et le Conseil des finances qui procèderaient à l’examen préalable des budgets nationaux avant qu’ils soient présentés aux parlements nationaux. Au-delà d’une véritable purge sociale, c’est une nouvelle atteinte grave à la souveraineté populaire. Cette mise sous tutelle des budgets nationaux et l’indépendance totale de la Banque centrale européenne constituent une nouvelle avancée vers un système fédéral qui dépossède les peuples de leur pouvoir de décision. Les défenseurs de la Constitution européenne n’y trouvent rien à redire (« cela ne me choque pas » explique Daniel Cohn-Bendit dans « Libération ») et vont même jusqu’à s’en féliciter à l’instar du député PS Manuel Valls qui a jugé sur Radio J « incontestablement » nécessaire un contrôle des budgets nationaux par Bruxelles si on veut doter l’Europe « d’un véritable gouvernement politique, économique et monétaire ».

Dans les conditions actuelles, n’est-il pas illusoire de vouloir « changer l’Europe » dans le cadre des règles communautaires ? Il apparaît que la seule solution est, tout en contribuant au développement des luttes contre les politiques d’austérité, de préparer une sortie des institutions européennes. Il faut substituer au carcan économique, financier, de plus en plus politique, du Traité de Lisbonne, une coopération entre les Etats fondée sur le respect de l’indépendance nationale et de la souveraineté populaire.

DEUX POIDS, DEUX MESURES !

Sur proposition de la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne a décidé de suspendre l’aide communautaire au développement à Madagascar en raison de « l’absence de progrès démocratiques depuis l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoélina en mars 2009 ».

Cette décision entraîne la suspension de tout appui budgétaire et de l’affectation de nouveaux moyens financiers au titre du 10e Fonds européen de développement (FED). Cette information n’a pas été relayée par les principaux médias. Est-ce parce que certains journalistes auraient pu poser la question : pourquoi ces sanctions contre un pays qui est l’un des plus pauvres du monde alors que l’Union européenne se garde bien de prendre des sanctions contre les dictateurs africains arrivés au pouvoir par un coup d’Etat et à la suite d’élections frauduleuses ? Au contraire, ces chefs d’Etat, qui pillent sans vergogne les richesses de leur pays et maintiennent leur peuple dans la misère, ont été honorés par le président Sarkozy au récent Sommet France-Afrique à Nice. Ils sont même invités pour les cérémonies du 14 juillet à Paris. Une façon pour la puissance coloniale de renforcer ses liens de domination sur les ex-pays colonisés !

Le prétexte de « l’absence de progrès démocratiques » invoqué par l’Union européenne pour suspendre son aide à Madagascar ne pourrait-il pas être étendu à d’autres gouvernements qui bafouent délibérément les droits démocratiques et les libertés fondamentales, comme par exemple le Maroc ou la Tunisie..... Non seulement, ils ne sont pas sanctionnés mais ils bénéficient de faveurs spéciales de la part de l’Union européenne qui leur octroie un statut spécial avec des avantages supplémentaires. Une façon de les encourager à poursuivre leur politique !

La sanction infligée au pauvre Madagascar apparaît d’autant plus scandaleuse quand Israël, qui colonise, réprime et emprisonne en toute impunité, échappe à toute sanction. Cette politique du « deux poids, deux mesures » est intolérable !

L’EUROPE EN BREF....

. La commission de la santé de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 4 juin le rapport du travailliste britannique Paul Flynn qui accuse l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’avoir fait preuve d’un grave « manque de transparence » dans ses processus de décision concernant la pandémie de grippe A qui « a été largement surestimée par l’OMS ».

. D’après les chiffres du premier trimestre 2010, la barre des 23 millions de chômeurs dans l’Union européenne est franchie avec près de 10% de la population active ; le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé avec plus de 20%.

. Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, examine la possibilité d’accorder une plus grande marge de manœuvre aux Etats pour interdire la culture de semences OGM même quand elles sont autorisées sur le plan européen ; en réalité, son véritable objectif est d’obtenir en contrepartie une simplification du processus d’autorisation de nouveaux OGM et d’aboutir ainsi à leur développement (100.000 hectares seulement dans l’Union européenne contre plus de 130 millions dans le monde).

. C’est sur la base d’un arrêt de la Cour de justice européenne, au nom de l’égalité de traitement hommes-femmes, que la Commission européenne demande d’appliquer sans délai, que le gouvernement italien a décidé de relever l’âge de la retraite des femmes fonctionnaires de 61 à 65 ans au 1er janvier 2012. Celles-ci ne risquent pas de se retrouver dans la rue pour crier « Vive l’Europe sociale » !

Jean Paul Le Marec



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