A PROPOS DE LA DICTATURE DU PROLETARIAT

( réponse à une amie )
dimanche 27 juin 2010
popularité : 4%

Vous m’avez reproché de vous répondre par des textes, mais moi je vous demande expressément de me faire parvenir les textes de Marx qui permettraient d’étayer ce que vous dites à son sujet.

Je trouve dans l’introduction d’un de vos textes le paragraphe suivant :

« Selon Marx la démocratie n’est qu’une revendication transitoire, puisque la »dictature du prolétariat« doit la remplacer, et plus tard l’abolition de l’Etat doit remplacer la dictature ; les gens sauront se gouverner par eux-mêmes ( sauf qu’ils n’auront jamais appris ). Nous allons ici exposer le point de vue de Marx après cette introduction. »

 
Je lis, avec intérêt d’ailleurs, la suite de l’article, je constate que vous faites dire beaucoup de choses à Marx, mais que nulle part ce que vous lui faites dire n’est étayé par une quelconque citation.

Je suis d’ailleurs assez stupéfait par cette pratique : le commencement de toute démonstration consiste à fournir les preuves de ce que l’on avance, il ne peut être question de procéder seulement par affirmations : Marx a dit ceci, Lénine a dit cela, Bakounine autre chose encore...

Moi je souhaite, j’exige même, que vous donniez les textes auxquels vous faites allusion, ou au moins les références qui permettraient de le retrouver.

Donc, j’attends les textes qui vous permettent d’affirmer que la « dictature du prolétariat » est un concept central dans l’oeuvre de Marx, et si vous ne le faites pas, je continuerai d’affirmer que ce concept est au contraire tout à fait marginal dans cette oeuvre.

Je vous ai déjà indiqué que Souvarine, par exemple, parle de l’emploi de « dictature du prolétariat » à seulement trois reprises.

Isabelle Garo, responsable du projet GEME d’édition complète des oeuvres de Marx qui comptera 160 volumes, parle elle de l’emploi à 3 ou 4 reprises dans les oeuvres destinées à devenir publiques quand Marx les écrit, et du même nombre s’agissant de sa correspondance...

Aussi, si vous considérez que Souvarine, Isabelle Garo ou moi-même sommes dans l’erreur, merci de m’indiquer les textes précis, les citations précises qui conforteraient votre thèse qui serait sans consistance dans le cas contraire.

Par contre, oui, Lénine fait de la dictature du prolétariat un concept central, et notamment dès l’Etat et la Révolution daté de 1918, et l’on conçoit très bien quelles peuvent être les raisons qui suscitent cette « révision », sinon le « travestissement » majeur des concepts de Marx qui sont, d’une part le « dépérissement de l’Etat », et d’autre part « l’appropriation sociale ou collective » des grands moyens de production, d’échanges, établissements financiers...

En conséquence, SVP, il convient de rendre aux uns et aux autres ce qui leur est dû, et non continuer à se situer dans l’immense tromperie qui a consisté à présenter la trilogie « Marx-Lénine-Staline » comme des penseurs se situant dans un même courant de pensée, et donc dans une continuité assumée, alors qu’il y a entre leurs oeuvres des ruptures fortes dans les concepts employés, des ruptures allant jusqu’à nier complètement la signification réelle des concepts de Marx par ses « successeurs ».

Vous tentez aussi, assez interrogativement d’ailleurs, de me présenter comme l’unique dépositaire de ce constat.

Assez interrogativement, car ils sont nombreux les responsables politiques communistes de tous pays qui ont porté ces critiques dans tout le 20e siècle et qui ont été exclus pour ces raisons des partis communistes affiliés à l’Internationale communiste, la 3e Internationale.

Parmi eux, il y a notamment de nombreux « conseillistes », courant dont vous vous réclamez, et dont vous semblez vouloir nier l’existence plutôt que de la mettre en valeur pour renforcer ce courant porteur, à mon avis, d’un avenir pour le mouvement communiste, certainement même le seul avenir possible, mais ce n’est pas moi seul qui en déciderait, mais l’ensemble des communistes qui souhaiteront donner un contenu véritable, non pas à une suite à ce qui aurait échoué, mais à un retour aux sources du mouvement qui conservent leur valeur puisqu’elles n’ont pas été expérimentées jusqu’alors, contrairement à leurs travestissements.

Et donc, SVP encore, ne dites pas que je ne réponds pas à votre questionnement, et interrogez-vous plutôt sur les raisons qu’ont les classes dominantes de brouiller les données à loisir, et à laisser entendre que c’est effectivement le communisme qui a échoué et non son travestissement, et cela notamment dans une période où le système capitaliste est en crise dans tous ses aspects, non seulement dans le mode de production, mais également dans toutes les superstructures qui le codifient et le développaient jusqu’alors.

C’est la première fois d’ailleurs que le capitalisme se trouve confronté à une crise de cette ampleur, c’est la première fois que l’on va dans la production vers une diminution aussi considérable du travail humain contraint, voire vers sa suppression totale au profit du temps libre et de libres activités avec la mise en oeuvre de l’automation et de l’informatisation généralisées.

C’est donc aussi la première fois que le capitalisme est confronté à ce dilemme existentiel : comment produire du profit ( plus-value ), et donc du capital, s’il n’y a plus de travail humain contraint, ou si, dans un premier temps, ce travail contraint diminue considérablement. Marx avait en son temps bien expliqué ce qu’il appelait une tautologie : il n’y a pas de travail salarié sans capital, de même qu’il n’y a pas de capital sans travail salarié.

Ainsi donc le capitalisme serait dans cette situation inédite où il ne perdrait plus seulement son âme, mais toute sa réalité, et cela dans la conséquence même de la mise en oeuvre de ses principes d’exploitation et d’aliénation !

Il apparait assez bien qu’il ait besoin dans cette épreuve de tous les concours et de tous les secours. Aussi, je vous remercie de considérer qu’il serait sage, sinon opportun, de ne pas vous précipiter dans ses bras pour lui apporter des raisons qui justifieraient sa perduration. Il serait manifestement plus raisonnable qu’au lieu de ressasser des oppositions plus ou moins affirmées, sinon tout simplement des concurrences, de mettre à l’ordre du jour la recherche d’affinités et de concordances qui peuvent être nécessaires, sinon indispensables, pour mener enfin le combat de la fin avec l’ennemi de classe, le capitaliste et son système, le capitalisme.

Pour ma part, je considère la diversité des approches et des opinions comme une valeur positive contre tous les centralismes et tous les monolithismes dont le mouvement ouvrier a beaucoup souffert. Dois-je vous rappeler à nouveau que je ne suis membre d’aucun parti, ni d’aucune organisation, même si je me pense profondément communiste.

J’ai quitté le PCF en 2006 après 53 années d’appartenance. Je pense savoir ce dont je parle. Depuis, j’ai accepté quelques invitations à participer à diverses manifestations politiques d’autres organisations où j’ai eu l’assurance de pouvoir m’exprimer librement. Et j’ai même accepté de dialoguer avec vous.

J’essaie de jouer un rôle positif à la mesure des moyens dont je dispose.

Avec un certain nombre d’autres communistes, « encartés » ou non, j’ai lancé un appel en faveur de la tenue d’Assises du communisme qui se fixeraient l’objectif de réunifier la famille communiste autour des grands principes d’un communisme du 21e siècle et d’une formation ou organisation communiste nouvelle qui émanerait du peuple et des objectifs qu’il se fixe de transformation de la société, une formation ou organisation dont les communistes, tous les communistes, seraient enfin les maîtres et les dirigeants. La porte serait ouverte en permanence... quelle que soit l’étape dans laquelle on se situe.

Cordialement,
M. 



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur