Les ambiguïtés d’un 14 juillet africain

dimanche 11 juillet 2010
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Jean-Christophe Rufin [1] a stigmatisé, dans Le Monde du 7 juillet, le pilotage par l’Elysée de la politique africaine et l’influence des réseaux de lobbying stipendiés par les régimes du continent.

De fait, la date, tout autant que la forme, retenue par Paris pour célébrer les indépendances traduit une conception archaïque et inadaptée de la relation avec l’ancien empire français. Ce 14 juillet africain reflète l’ambivalence, voire les impasses de la politique française à l’égard de l’Afrique.

Il est vrai que célébrer les indépendances africaines alors qu’un préfet, Claude Guéant, préside aux « affaires africaines » à l’Elysée et que la France continue - discrètement mais fermement - d’exprimer ses préférences à propos des successions présidentielles dans ses anciennes colonies ne manque pas de piquant.

Sur les Champs-Élysée, le 14 juillet, défilera une unité de l’armée de chaque pays concerné, aujourd’hui souverain. La veille, un « déjeuner de travail » réunira autour de Nicolas Sarkozy douze des chefs d’Etat en question. En Afrique même, cette commémoration est contestée : au nom de quoi l’ancien colonisateur fêterait-il la libération de peuples qu’il a longtemps tenus sous son joug ?

Tout se passe en effet comme si Paris considérait le jubilé comme un événement français. C’est en tout cas ce que suggère l’attitude de M. Sarkozy, qui n’a assisté à aucune des cérémonies organisées par les Etats africains.

Jacques Toubon, chargé d’organiser le cinquantenaire, répond que les indépendances africaines appartiennent à l’histoire de France, que la République doit rendre hommage à l’apport des Africains (hommes politiques, soldats) à la démocratie en France. Et que la force du lien France-Afrique est l’un des éléments de l’intégration des Français d’origine africaine.

Pourtant, le 14-Juillet symbolise la fête. Or que fête-t-on ? A l’évidence, le bilan de ce demi-siècle d’indépendance pour les peuples concernés n’est glorieux ni pour la France ni pour les Etats africains. Rend-on hommage aux sacrifices des tirailleurs coloniaux des deux guerres mondiales ? Pas de quoi pavoiser non plus, puisqu’il a fallu la récente décision du Conseil constitutionnel pour que le principe de l’égalité des pensions des anciens soldats africains et français soit enfin reconnue. Quant au défilé sous l’Arc de triomphe d’armées africaines dont certaines ont participé récemment à de sanglantes répressions, il apparaît pour le moins ambigu.

A l’heure où tous les pays développés et émergents font les doux yeux à l’Afrique, la France aurait gagné, au contraire, à saisir l’occasion du cinquantenaire pour affirmer sa rupture définitive avec le post-colonialisme et considérer enfin ses anciennes possessions comme des partenaires et non comme des obligés. En un mot, normaliser sa relation avec l’Afrique.

Source Le Monde le 08/07/2010

Transmis par Linsay


[1ancien ambassadeur de France à Dakar



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