Jean-Louis Bianco : crise d’ego ou de Sego.

lundi 13 septembre 2010
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Collaborateur historique de Mitterrand et dernier soutien de Royal, ce « grand boy-scout » du PS se prend à rêver de se présenter à son compte.

COUP de tonnerre : le 26 août, à la veille de l’université d’été du PS à La Rochelle, Jean-Louis Bianco, 67 ans, le plus fidèle lieutenant de « Ségo », annonce envisager de se présenter à la primaire socialiste, publiant à l’appui un bouquin intitulé « Si j’étais président : que faire en 2012 ? » (Albin Michel).

En promettant « du sang et des larmes » aux Français, des choix très « durs », mais aussi des « idées nouvelles » et une « méthode radicalement différente ».

« Je suis Jean-Louis Bianco », lance-t-il.

Ou bien :

« Elle c’est elle, moi, c’est moi. »

Quelle mouche égotiste pique soudain cet éternel et très apprécié numéro deux jugé « charmant », « intelligent », « compétent » et « plein d’humour » par ses camarades socialistes ?.

Comme codirecteur de campagne de Ségolène Royal en 2007, il est réputé avoir « lesté » la candidate de son expérience d’ex-secrétaire général de l’Elysée sous Mitterrand de 1982 à 1991, poste où il se vante d’avoir été nommé le plus jeune et avoir duré le plus longtemps...

« Bianco est l’un des rares qu’elle écoutait quand elle avait envie d’écouter », témoigne une ex-conseillère, qui s’interroge aujourd’hui :

« Il s’ennuie peut-être dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, qu’il dirige depuis 1998 ».

Autre fidèle de Royal, la maire du IVe arrondissement de Paris Dominique Bertinotti fait partie des mitterrandistes ayant rompu avec Fabius en 2005 sur l’Europe.

Elle hasarde :« C’est peut-être l’effet Obama ! ».

Comprendre : un inconnu peut connaître une ascension foudroyante.

Sauf que Bianco n’est pas noir et n’a ni l’âge, ni le charisme, ni le parcours du président américain !.

A La Rochelle, Bianco a cultivé l’ambiguïté : il n’« exclut pas » de se présenter tout en restant fidèle à celle qui « a tout pour être la meilleure candidate ».

Il l’attaque : « Elle apparaît toujours dans le conflit, trop clivante ».

Mais il participe au dîner des proches de Royal le vendredi 27 et a été la vedette le lendemain du banquet des militants du courant de Ségolène, dont il est le dirigeant de fait depuis la scission avec Peillon en novembre 2009.

A un assistant parlementaire il déclare :

« Si Moscovici y va, pourquoi pas moi ? »

Mosco qui a annoncé n’être candidat que si DSK ne se présente pas, récuse agacé, le parallèle

"Entre nous, il y a la différence entre quelqu’un qui pourrait être candidat, moi, et quelqu’un qui aurait pu l’être, lui !.
Bianco qui a quinze ans de plus que moi, a eu son heure il y a vingt ans quand on parlait de lui pour Matignon...."
.

C’est d’ailleurs un point qu’il souligne dans son livre.

Mitterrand a songé à lui comme Premier ministre : Bianco a été invité à deux déjeuners de postulants à la fonction par le Président qui faisait « languir les prétendants » :

En 1983 avec Fabius et Delors, et en mai 1988 avec Rocard et Bérégovoy...

« Un de ses plus proches amis, Charles Salzmann, m’avait confié, dès la fin 1982, que François Mitterrand pensait que je pouvais être un jour Premier ministre ».

Cet énarque qui a raté Normale Sup et voulait être chercheur, ce supertechno discret et dévoué qui se présente en anti-Guéant, serait-il un faux modeste frustré de n’avoir fait carrière ministérielle ?.

Dans son livre, il explique qu’il a aussi failli devenir ministre de l’Education nationale en 1984, après les manifs sur l’école privée, et en 1991 à la place de Jospin, qui s’est accroché à son poste.

Avant de devenir, cette année-là, ministre des Affaires sociales sous Cresson, puis ministre des Transports sous Bérégovoy....

Battu aux cantonales en 1992, Bianco, pas téméraire, ne se présente pas aux législatives de 1993, mais se fait élire conseiller général l’année suivante et député lors de la dissolution de 1997.

Or, en cinq ans, Jospin ne lui propose aucun poste de ministre.

Blessure d’ego : Bianco explique dans son livre qu’il n’était pas « demandeur », mais que son nom a été évoqué pour le Quai d’Orsay à la place de Védrine, puis à l’occasion de divers remaniements...

"Faux, rétorque un ministre de l’époque.
Aux Affaires étrangères, Jospin voulait Védrine, pour qui il a du respect intellectuel. Et il trouvait que Bianco n’était pas assez énergique"
.

Bianco préfère évoquer une possible « jalousie » de Jospin...

En 2012, Bianco, qui aura alors 69 ans, pourra-t-il assouvir sa frustration si la gauche gagne ?.

« Ceux qui se déclarent candidats aujourd’hui, comme Valls, Mosco et maintenant Bianco, se placent bien sûr dans la chasse aux postes de ministres », explique un député et ancien secrétaire national du PS.

Et de compléter :

« D’après les thèmes de rigueur budgétaire et fiscale qu’il développe dans son livre, Bianco prépare peut-être aussi son ralliement à François Hollande si Ségolène ne se présente pas ».

Hollande est d’ailleurs le seul des prétendants, hormis Royal , que Bianco n’égratigne pas dans son livre.

Mais c’est la partie consacrée aux années 1980 sous Mitterrand à l’Elysée qui est la plus intéressante du livre.

Bianco y défend le défunt président, son grand héros, jusqu’à l’aveuglement.

Sur le Rwanda, les écoutes, la stratégie favorisant le FN, et même sur la Francisque.

Et il multiplie les anecdotes, en particulier sur la cohabitation.

Mitterrand critique ainsi devant Chirac le choix de Pasqua comme ministre de l’Intérieur en 1986 :

« Non seulement il va m’espionner, mais il va vous espionner... et c’est tout juste s’il ne va pas s’espionner lui-même » !.

Quand aux « idées nouvelles » défendues dans le livre, pour quelques propositions audacieuses, il y a beaucoup d’« eau tiède standard » qui provient du robinet programmatique du PS, note un économiste proche du parti.

Y compris la mesure révolutionnaire consistant à remplacer certaines cotisations sociales par « une augmentation de TVA, sauf sur les produits de première nécessité ».

C’est exactement la fameuse « TVA sociale » dont l’annonce prématurée par Borloo a fait reculer la droite entre les deux tours des législatives de 2007 !

Ça promet...

« Ce que j’aime le plus : la politique locale », lâche imprudemment Bianco.

Le livre pourrait s’intituler

« Si j’étais président... » du conseil général !.

Mais il l’est déjà !.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 01/09/2010

Transmis par Linsay



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