Des chiffres et des hommes

mardi 5 octobre 2010
par  Charles Hoareau
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La désormais traditionnelle bataille de chiffres qui suit chaque manifestation de ce pays a donc connu un nouvel épisode ce 2 octobre. Episode prenant des allures cocasses du fait de l’attitude du ministère de l’intérieur.

Au soir du 23 septembre la dimension politique du chiffrage annoncé par le gouvernement était évidente : surtout prouver qu’il y avait moins de monde le 23 que le 7, que le mouvement était en baisse car de plus en plus de citoyens comprenaient les arguments du pouvoir (sic !). Donc selon une règle mathématique hasardeuse définie dans les bureaux du ministère avant même que les manifs n’aient démarré il fallait dire partout, ville par ville, qu’il y avait 3 à 5000 manifestants de moins. Sauf qu’à ce jeu-là on arrive à des invraisemblances qui sautent aux yeux et décrédibilisent les compteurs policiers.

Ainsi annoncer, le soir du 23, le même nombre de manifestants (21 000) à Caen, Rennes ou Marseille quel sens cela a-t-il ? Qui peut le croire ?

Mais puisque le ridicule ne tue plus, autant continuer.
Le 2 octobre, à 13h 30, avant même que la plupart des manifs n’aient débuté, notre impayable ministre de l’intérieur, annonçait qu’il y avait moins de manifestants que la semaine d’avant. Evidemment si on se met à compter les promeneurs ordinaires du samedi matin, on va avoir des chiffres incongrus...

En fin de journée nouvel assaut médiatique en comparant ce qui n’est pas comparable. Tout le monde le sait bien, d’ordinaire les manifestations du samedi sont plus militantes et donc plus restreintes que celles de grévistes en semaine qui veulent défiler en criant haut et fort les raisons de leur action.

Comparer l’affluence du 2 octobre à celle d’un 7 ou 23 septembre ne veut pas dire grand chose. Pas plus d’ailleurs qu’au printemps dernier quand le gouvernement nous avait fait le coup de comparer le 1er mai aux journées d’action de la période.
Si on veut comparer des éléments comparables il faut faire un parallèle avec un précédent samedi de manif.

A quand faut-il remonter pour avoir l’exemple de manifestations syndicales de grande ampleur le samedi : à 2003 ? A 1995 ? Etions-nous plus ou moins nombreux que ces années là ? En tout état de cause pour les habitués des manifs celles de ce 2 octobre étaient exceptionnelles par leur ampleur et leur détermination et devant cette réalité le gouvernement ne peut rester longtemps et sans dommage à faire la politique de l’autruche.

Son projet ne passe pas mais au delà c’est toute la politique « sociale » (on ne sait si ce mot a encore un sens en Sarkozie) que la France de celles et ceux qui se lèvent tôt et voudraient bien gagner plus, rejette.

Les choix et l’arrogance des nantis au pouvoir ne passent plus. C’est cela que des millions de gens de toutes conditions et de tous horizons ont dit dans la rue.

Si la démonstration est faite que les manifestations du week-end ne mobilisent pas plus de monde que celles de journées de grèves, elles ont montré qu’un public nouveau, différent des journées d’action, sortait dans la rue ce jour-là.

Si en soi elles ne bloquent pas l’économie - blocage ô combien nécessaire pour faire reculer ce gouvernement et imposer à la droite une défaite qu’elle n’a pas connue depuis longtemps - elles participent à la mobilisation générale et à l’expression du mécontentement.

Plutôt que de faire de pseudo calculs comparatifs le gouvernement ferait bien de mesurer une réalité qui s’impose à lui : les manifestants de ce samedi s’ajoutent à ceux des journées plus traditionnelles. La protestation s’élargit et fait descendre dans la rue des « non-habitués »...qui pourraient ne pas le rester longtemps !

Quand on atteint ce niveau et cette diversité ce ne sont plus ce que les commentateurs appellent « les bataillons syndicaux » qui défilent, mais tout un peuple.

L’exigence d’un changement complet de politique prend peuple et la bataille des retraites en est le catalyseur.

Changement de politique qu’il est de notre responsabilité, au coeur de ce combat, de formaliser, d’expliciter si nous ne voulons pas que cette exigence se fracasse sur le mur d’une alternance porteuse de désillusions, mais au contraire devienne véritable alternative porteuse de vraies ruptures libératrices.

N’avions-nous pas écrit ici même processus révolutionnaire ?



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