Jean-Luc Mélenchon : le ronchon flingueur.

mercredi 27 octobre 2010
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Le canard n’y va pas de main morte dans ce procès au vitriol d’un homme à qui il est reproché davantage de gêner le PS que de vouloir aspirer le PCF. Il manque aussi dans ce portrait un passage sur Mélenchon voulant faire alliance avec Cohn-Bendit mais peut être cela ne gênait-il pas le journaliste ?

L’ancien PS monté au Front veut mettre les « élites » dehors et s’installer, lui, à l’Elysée. S’il tire sur tout ce qui bouge, il préfère faire le carton sur DSK et les médias.

« Un grand intellectuel, un militant acharné, un homme d’Etat », dit de lui l’une de ses bonnes amies.

Et quel courage !

Enfin un politique qui ne plie pas devant les plumitifs, se refuse aux courbettes devant la « cléricature médiatique », à la génuflexion devant les « médiacrates ».

En clair, le Franc-Comtois Mélenchon a dans le collimateur tous ceux qui lui coupent le sifflet ou ne lui donnent pas assez la parole, ça fait du monde.

Seul contre tous, il tient tête au système médiatique vendu aux « élites ».

Mais, défaut dans la cuirasse, il a un petit faible pour Drucker, dont il sera l’invité en novembre.

Il a aussi régalé « Voici » au printemps, qui le « bluffe » pour sa « manière de traiter les interviews politiques », autrement plus fouillées, il est vrai, que dans « Oups », autre journal pipole.

Mélenchon cultive un petit côté fleur bleue.

Quand le support est à sa hauteur, il sait se retenir.

Il s’est fait la main sur une femme, Arlette Chabot, « gourou de l’info à la mine sucrée » qui se comportait « de façon très méprisante à son égard ».

Puis, au printemps, il a tapé sur Félix Briaud, étudiant en journalisme, qui l’interrogeait sur la réouverture des maisons closes.

Le Mélenchon-chon flingueur ne s’est pas déculotté :

« Vos sujets de merde, vous allez les faire avec des gens qui veulent répondre à la merde ».

Et de marquer l’insolent à la culotte :

« Tu fermes ta petite bouche, tu me parles de politique, moi je te parle de ton métier pourri ».

La leçon à la « petite cervelle » a fait le tour du Net pour ses vertus pédagogiques.

Mélenchon n’est pas pour rien un ancien ministre délégué à la Formation professionnelle.

Question rééducation, il connaît les camps et le comment.

Surtout en journalisme :

« J’y aurais passé ma vie si j’avais eu le bonheur d’être embauché », a confié l’ancien pigiste de la catholique « Voix du Jura ».

Un mois après l’altercation, il se réjouissait de ses bienfaits :

« En voulant me lyncher, les médias se sont tirés une balle dans le pied puisque l’enquête d’opinion que »Paris Match« publie cette semaine indique que j’ai gagné deux points ».

Si un coup de sang avec un apprenti journaliste lui vaut deux points dans les sondages, alors combien lui rapportera une bonne polémique avec un présentateur vedette !.

Sitôt dit, sitôt fait, pour toucher le jackpot dans les courbes d’opinion Mélenchon vient de cogner David Pujadas, coupable de n’avoir pas posé les bonnes questions à un syndicaliste.

Un présentateur du 20 heures traité de « salaud », de « laquais », de « larbin » des puissants, cela dénote une vraie richesse de vocabulaire.

Le député européen a des lettres.

Il se prend pour Jaurès, a fréquenté le trotskisme et parle couramment stalinien.

Du coup, il a trouvé son public.

Tapie l’a applaudi.

« J’aime bien Mélenchon parce qu’il pense comme moi ».

L’un est au Parti de gauche, l’autre au Parti radical de gauche, le signe d’une certaine connivence même si l’un est plus radical que l’autre.
ça fait plaisir de savoir que Mélenchon a un ami riche de 210 millions d’euros qu’il pourra taper en cas de besoin.
Avec Tapie, il a aussi en commun d’être apprécié de Sarko.
Le Président aime tout ce qui peut aider à affaiblir la candidature PS à la présidentielle de 2012.

Mélenchon est un bon client, il ne s’en cache pas :

« Mon intention est de battre les socialistes. Je pense qu’ils ne sont pas bons, qu’ils ne savent pas ce qu’il faut faire ».

Sarko se repasse le propos en boucle.

Ce qui est sympa avec Mélenchon, c’est qu’il ne s’encombre pas de nuance.

DSK, dit-il par exemple, « est en train de ratisser les Grecs, d’affamer les Hongrois et de torturer les Roumains ».

Sa candidature serait « un désastre moral ».

Il disait aussi pis que pendre de Jospin en 1997 jusqu’à ce que celui-ci le nomme ministre délégué.

On n’a pas trouvé alors meilleur thuriféraire.

A force d’avoir soutenu tous les pontes du PS, Fabius contre Jospin, Rocard contre Fabius, Emmanuelli contre Jospin, Fabius contre Hollande, Mélenchon a fini par s’exclure du mouvement.

Aujourd’hui, il est à son compte et ambitionne de représenter le Front de gauche à la présidentielle.

Les communistes résistent qui gardent un Auvergnat en réserve en la personne d’André Chassaigne.

Mélenchon contrôle.

Un Auvergnat ça va, c’est quand il y en a beaucoup que ça pose problème.

Il croit en son destin de candidat :

« Je m’en sens capable. Dans la crise, c’est l’heure des personnes qui ont du caractère, pas des fromages pasteurisés ou des poissons lyophilisés ».

Candidat donc des fromages qui puent, Mélenchon se veut du bon côté , celui du peuple contre les élites (a-t-on jamais vu un candidat défendre l’inverse ?).

Il a un programme, « Qu’ils s’en aillent tous » (1), importé de la gauche argentine des années 2000.

Mélenchon veut mettre tout le monde à la rue (les patrons, les financiers, les journalistes, les footballeurs) et lui à l’Elysée.

Simple comme du Arlette, la gouaille d’Arletty en plus, Jean-François Kahn, spécialiste ès « troisièmes hommes », le défend en disant qu’il y a 30% de vrai dans ce qu’il dit, ce qui laisse tout de même 70% de conneries.

Alain Duhamel le conspue en le traitant de « populiste écarlate ».

Mélenchon assume : il veut rendre la parole au peuple, mais pas jusqu’à le laisser décider de sa candidature présidentielle.

Là il préfère un accord d’appareil, moins risqué :

« Les composantes du Front de gauche doivent s’accorder pour proposer une candidature commune. On ne s’en remet pas à je ne sais quelle démocratie directe ou à une assemblée générale des comités ».

L’élite du Front de gauche désignera son candidat, tant pis pour la masse.

Sacré Mélenchon, qui ne craint pas la contradiction, à la base, comme chacun sait, de la dialectique du maître et de l’esclave des médias qu’il est.

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 20/10/2010

Transmis par Linsay


(1) Flammarion, 144 p. , 10€



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