La confiscation du pouvoir et des richesses

jeudi 11 novembre 2010
popularité : 4%

“Comment un pays qui possède un potentiel humain magnifique, un territoire gigantesque, une histoire millénaire et de fantastiques ressources naturelles, peut, près de 50 années après son indépendance, compter près de la moitié de la population au dessous du seuil de pauvreté et, parallèlement une caste de nouveaux riches issus du cercle du pouvoir ?”

C’est ainsi qu’une série de journalistes, d’intellectuels, mais aussi de simples témoins de la longue dérive du maître de l’Algérie, décrivent l’imposture du pouvoir et de son Président Abdelaziz Bouteflika.

Le printemps berbère (1980), mais surtout les émeutes de la faim de 1988, où la jeunesse s’est massivement levée contre la confiscation du pouvoir par une caste militaro-étatique ont contraint Chadli Bendjedid, alors président de la République algérienne, à accorder le multipartisme et une véritable ouverture démocratique, dans laquelle s’est engouffrée la mouvance islamiste. La suspension des élections législatives en décembre 1991, qui donnaient gagnant le FIS (Front Islamique du Salut) et qui partagea les diverses forces démocratiques, plongea le pays dans la guerre civile.

L’Algérie fut alors précipitée dans le chaos. Meurtres, massacres, embuscades, règlements de compte, les années noires coûtèrent la vie à près de 200 000 personnes. De cette épouvantable tuerie se dégagea toutefois la réaffirmation de la nouvelle constitution, affirmant certains principes démocratiques, le pluralisme politique et la fin de la présidence vie. …Et puis vint Boutéflika. Élu en 1999, il tenait sa revanche. Écarté du pouvoir après la mort de Boumédienne en 1979, il n’avait eu de cesse de ruminer cette humiliation tout en maintenant de loin ses réseaux. La démission d’Amine Zéroual lui ouvrait enfin les portes de la reconquête.

Chadli qui l’avait écarté du pouvoir et avait cédé aux émeutiers de 1988, en accordant le multipartisme, n’était plus qu’un vieux souvenir. Le référendum sur la “concorde civile” fut la première mesure pour réintégrer les islamistes dans le jeu politique et museler toute opposition démocratique. Derrière cet unanimisme de façade, Boutéflika a réanimé ses réseaux de corruption pour s’accaparer la rente pétrolière au détriment du développement du pays, mais surtout d’une population plongée dans la misère. En modifiant la constitution de 1989, imposant que le président ne puisse briguer plus de deux mandats, Boutéflika a obtenu de devenir président à vie avec des scores aux élections pires que ceux des pires dictateurs africains.

Alors que l’espoir démocratique semble se refermer, d’autant que l’Occident et la France en particuliers accompagnent cette dérive oligarchique, mouvements degrève et émeutes rythment la quotidien d’un pays dont la jeunesse, très majoritaire, n’a pas renoncé à faire entendre sa voix. Et puis il y a les “Harragas” qui, chaque jour, au risque de leur vie, passent d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

“Notre ami Boutéflika” [1], livre collectif sous la direction de Mohamed Benchicou, journaliste du “Matin”, emprisonné durant plus de deux ans pour avoir dénoncé la corruption qui gangrène l’Algérie, démontre la “Kleptocratie” qui a vérouillé le pouvoir et s’est accaparé les richesses d’un pays promis à un bel avenir, mais dont le peuple crève de ses dirigeants corrompus.

Les émeutes de 1988 et la constitution de 1989 avaient fait naître un vrai espoir. La nuit du terrorisme et l’effrayante guerre civile ont jeté un voile noir sur l’Algérie. Et pourtant, la rente pétrolière ne pourra sans cesse être confisquée par une oligarchie aujourd’hui dirigée par une poignée de vieillards accrochés à des privilèges qui ruinent leur pays et désespère une jeunesse partagée entre découragement et révolte.


Une conférence débat se tient le samedi 13 novembre, en présence de Djilali HADJADJ, président de l’association de lutte contre contre la corruption en Algérie. (voir Agenda)

Les illustrations sont extraites du livre


[1Notre ami Bouteflika, ouvrage collectif sous la direction de Mohamed BENCHICOU ;. Édition Riveneuve. Prix 20 €.



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur