La nouvelle idylle Moscou-Pékin.

vendredi 2 juin 2006
popularité : 4%

Au delà des désaccords que l’on peut avoir avec l’auteur sur un certain nombre de points en particulier sa lecture de l’histoire ou les brevets de démocratie qu’il décerne,l’article n’est pas sans faire penser à l’analyse du livre « Les Etats Unis de mal empire » sur les difficultés que rencontrent les USA pour asseoir leur hégémonie.

Tout en se disant d’Europe, la Russie ne perd pas de vue sa « vocation eurasiatique », un thème récurrent dans le discourt de l’élite au pouvoir, attachée à l’idée de restaurer la puissance perdue.

Forte de sa nouvelle stabilité économique, grisée par son rôle de fournisseur incontournable d’énergie, la Fédération russe ambitionne de devenir l’un des principaux décideurs du XXIe siècle, un acteur-clé capable de contrer l’hégémonie américaine, selon le dessein esquissé pour elle par le Kremlin.

Héritière de la « grande culture des steppes » (l’expression, citée par le président russe, est de l’anthropologiste Lev Goumilev, 1912-1992), la Russie à vocation à devenir un « pont entre deux grandes civilisations, l’européenne et l’asiatique », comme l’a rappelé Vladimir Poutine.

« L’eurasianisme est la seule base possible pour un renouveau du pays », a réitéré à son tour Nikolaï Spasski, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité.

C’est mû par cette priorité que Moscou s’efforce de consolider ses relations avec Pékin, son ennemi d’hier, avec lequel les relations n’ont jamais été aussi bonnes.

Une fois les différends frontaliers réglés - le tracé des 4 300 kilomètres de frontière commune a été défini à 97%-, la coopération énergétique lancée - avec l’oléoduc Asie-Pacifique dont la construction a commencé-, la Chine et la Russie renforcent leur partenariat stratégique.

Avec le prochain sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OSC), le 15 juin à Pékin, l’occasion est toute trouvée.Forum régional de lutte contre le terrorisme à sa création, en 1996, l’organisation, composée de six Etats (Chine, Russie,Tazakhstan,Tadjikistan,Ouzbékistan,et Kirgghizstan), veut se muer en une alliance politico-militaire susceptible de faire contrepoids aus Etats-Unis et à l’Otan dans la région. Le 15 juin à Pékin, l’OSC changera de visage.

Selon la réforme annoncée, elle va se concentrer sur la défense des intérêts nationaux de ses Etats membres, en premier lieu ceux des deux ex-empires, poids lourds de l’Organisation.

« En pleine maturité », selon Sergueï Lavrov, le numéro un de la diplomatie russe, l’Organisation de Shangaï sera bientôt dotée d’une mission permanente d’observation des élections, une sorte d’alternative à celle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont les conclusions sont décriées par la Russie comme « biaisées » et par trop « politisisées ».

La coopération militaire sera renforcée. Des manoeuvres conjointes sont prévues en 2007, comme celles organisées en août 2005 entre la Russie et la Chine dans le cadre de l’OSC.

Désormais, les armées des six Etats membres devront « aider les Etats voisins à arrêter, voire annihiler, des groupes armés importants » a précisé Sergueï Ivanov, le ministre de la défense.

Mais le temps fort du sommet de Pékin pourrait être la visite du président Mahmoud Ahmadinejad, convié à y participer au moment ou la résolution de la crise du nucléaire iranien est dans l’impasse.

Dotée, depuis 2005, d’un statut d’observateur au sein de l’Organisation -tout comme l’Inde, la Mongolie et le Pakistan-, la République islamique pourrait, à cette occasion, se voir offrir un statut de membre à part entière.

Annoncée en avril par Zhang Deguang, le secrétaire général de l’OSC, cette éventualité est vue d’un bon oeil par certains experts russes.

« C’est le moment d’accepter l’Iran dans l’OSC ; sur fond de tensions croissantes, alors que la communauté internationale est incapable de gérer la crise, son adhésion sera une protection solide face à une éventuelle attaque et réduira la pression exercée par les Etats-Unis et leurs alliés », a confié Radjab Safarov, directeur du centre d’études de l’Iran contemporain à l’agence Interfax.

Sergueï Karaganov, qui dirige le Conseil de politique étrangère et de défense, a estimé que cette « carotte » pourrait apaiser l’Iran, en quête de garanties pour sa sécurité.

Si M.Ahmadinejad n’a pas encore confirmé sa participation, le rendez-vous de Pékin intervient en plein bouleversement des équilibres géostratégiques mondiaux, sur fond de lutte contre les nouvelles menaces (prolifération nucléaire, terrorisme).

ACTEUR MAJEUR DE L’ « OPEP NUCLEAIRE ».

Pour Moscou et Pékin, unies dans une même approche du dossier nucléaire iranien, l’OSC est le meilleur tremplin au service de leurs appétits.

Puissance émergente, la Chine cherche à assouvir ses besoins en énergie pour nourrir sa croissance économique ; puissance déclinante - avec une population en recul de 700 000 personnes chaque année-, la Russie veut restaurer sa grandeur perdue.

Vu de la forteresse du Kremlin, la création de ce nouveau bloc est une réponse à la tentative d’hégémonie du « CAMARADE LOUP AMERICAIN », selon l’expression utilisée par M. Poutine dans son adresse à la nation.

Le coup de froid qui plane en ce moment sur les relations russo- américaines n’a guère contribué à rehausser en Russie l’image de l’OTAN,irrémédiablement perçue comme le bloc adverse.

L’alliance atlantique mène « des préparatifs pour l’encerclement total de la Russie et la perte de sa souveraineté », a récemment affirmé Alexandre Soljenitsyne, l’écrivain du Goulag. « OTAN ! Gestapo ! », scandaient les jeunes nationalistes qui ont interrompu récemment un séminaire organisé par l’Alliance à Moscou.

En se posant en acteur majeur de cette « OPEP nucléaire » en devenir -la Russie, l’Iran, le Kazaakhstan et l’Ouzbékistan sont des producteurs d’énergie non négligeables-, Moscou tire un trait sur les valeurs démocratiques qu’il prétend partager avec ses voisins du Vieux Continent.

Peut-on croire le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mohammadi lorqu’il affirme, depuis la capitale russe, que l’OSC, au sein de laquelle se côtoient les Etats parmi les plus autoritaires de la planète, « rendra le monde plus juste » ?.

Hantée par la logique des blocs au moment où elle doit faire face à de nouvelles obligations sur la scène internationale - avec le sommet du G8 en juillet et la présidence du comité des ministres du Conseil de l’Europe pour six mois - la Russie devra choisir, non pas entre l’Europe et l’Asie, mais entre ses démons autoritaires et son aspiration, déclarée il y a quinze ans, à adhérer aux valeurs de la démocratie.

Analyse de « Marie Jego », trouvé dans le « Monde » par Linsay.



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur