Philippe Richert : le régional de l’épate.

vendredi 10 décembre 2010
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Président du Bas-Rhin puis d’Alsace, il a enfin décroché le « poste qu’il espérait » depuis quinze ans [1]. A charge d’imposer la réforme territoriale à des élus locaux hostiles... ça ne va pas être du kouglof !.

Dans ce gouvernement de parjures, il y avait déjà Juppé qui avait promis de ne jamais abandonner ses chers Bordelais....

Nommé au gouvernement pour avoir sauvé l’Alsace des griffes socialistes en mars, le centriste Philippe Richert jurait, lui aussi, juste après cette élection, de ne pas vouloir devenir ministre (dans une interview vidéo aux « DNA » du 23/3) :

« Je ne pense pas qu’on puisse aujourd’hui imaginer que je m’engage à faire autre chose que d’être président du conseil régional. »

Richert s’était aussi engagé au cours de sa campagne à démissionner de son poste de sénateur s’il était élu...

"On ne peut pas avoir deux mandats importants, puisqu’on n’a pas de temps pour s’en occuper.

Sans que la loi m’y oblige, mais par sincérité vis-à-vis de mes concitoyens, je quitterai alors le Sénat", répétait-il lors du débat d’entre-tours.

Tout en s’octroyant un délai jusqu’au vote de la réforme territoriale !.

Or celle-ci a été définitivement adoptée par le Sénat (de justesse) le 9 novembre...

Cinq jours plus tard, Richert était nommé au gouvernement : chargé, justement, de l’application de cette réforme controversée...

Et il s’est gardé, pour l’instant, de démissionner formellement du Sénat.

Il proclame même son intention désormais de cumuler ministère et présidence de l’Alsace, de sorte que la Région serve de laboratoire à la réforme !.

« C’est un complexé qui a un besoin d’une reconnaissance impossible à assouvir », explique un ex-dirigeant de l’UDF.

En 2007, Richert a été piqué au vif que dans la Région ayant offert son meilleur score à Sarkozy (65%) ce ne soit pas lui mais le « socialiste » Bockel qui entre au gouvernement.

Et il a même feint de vouloir quitter l’UMP...

Mais cette fois-ci il n’a pas passé son tour, et a brûlé la politesse à la sénatrice Fabienne Keller, qui s’y voyait déjà si Borloo avait été nommé à Matignon.

Au départ prof de sciences nat’ et principal adjoint de collège, le centriste protestant Richert commence par se faire élire en 1982, à 29 ans, conseiller général de son canton rural de Wimmenau (Bas-Rhin), au bord de la forêt vosgienne.

Sous l’étiquette « Initiatives alsaciennes », mouvement fondé par Adrien Zeller, député de sa circonscription, dont il devient le suppléant dès 1988.

Avant, donc, de profiter de la mort d’un sénateur pour entrer au Sénat en 1992, benjamin de la maison.

Trois ans plus tard, il se faufile dans les interstices d’une droite divisée et impose sa candidature aux municipales de 1995 à Strasbourg face à la maire PS Catherine Trautmann, grâce à une campagne de portraits géants !.

Dans la foulée, comme le révèle alors « Le Canard » (17/5/95), il revendique un poste de secrétaire d’Etat dans le premier gouvernement Juppé, pour donner un « coup de projecteur national » à sa candidature...

Culotté, mais il devra patienter quinze ans.

Résultat : il est battu à plate couture dès le premier tour.

« Il en a été mortifié, et en parle encore aujourd’hui de temps en temps », rigole le maire actuel de Strasbourg, Roland Ries.

« Sa carrière nationale a marqué un coup d’arrêt, il m’en a voulu pendant des années », complète Catherine Trautmann, qui, elle a été nommée dans la foulée ministre de la Culture en 1997.

Elle se souvient, un jour où elle lui avait donné rendez-vous au ministère, d’avoir été retenue à l’Elysée : il est reparti furibond, sans l’attendre...

C’est que Richert est décrit comme imbu de ses fonctions et fort chatouilleux sur le respect qu’il estime mériter.

« Il est unanimement détesté par le personnel du Sénat », témoignent plusieurs fonctionnaires maison.

Elu premier questeur du Sénat en 2008, Richert s’est targué de réaliser des économies, quitte à se faire haïr, sans toujours appliquer le régime sec à ses propres indemnités et emprunt à taux zéro.

Jouant la transparence, il ouvre alors aux caméras de « Capital » sur M6 (18/1/09) les portes de son appartement de fonction de 250m2, dans un hôtel particulier donnant sur un jardin privé au sein du Luxembourg...

Et de se plaindre à l’écran d’une atmosphère « lugubre, le soir », des « coussins pas bien refaits » et d’une « souris » dont le souvenir le fait s’étrangler...

Un galetas en somme !.

En politique, ce grand homme a fini par tuer le père.

Une autre grande figure du centrisme alsacien qui, outre Zeller, avait veillé sur ses débuts : l’ex-ministre Daniel Hoeffel, qui l’a justement choisi comme successeur en 1998 à la présidence du conseil général du Bas-Rhin (fonction qu’il a quittée en 2008).

Mais Richert ne lui en a pas manifesté de reconnaissance, l’éjectant sans ménagement de la première place sur la liste UMP aux sénatoriales en 2004.

Richert, qui a fait campagne sous l’étiquette « Majorité alsacienne » (et non UMP...), revendique bien sûr l’héritage politique de Zeller, président du conseil régional foudroyé par une crise cardiaque en août 2009.

Or ce dernier était farouchement opposé à son projet de fusion de la Région et des deux départements alsaciens en une seule collectivité, et il critiquait à boulets rouges la réforme territoriale de Sarko que Richert doit désormais mettre en musique.

« Ce portefeuille ministériel, c’est comme un pied de nez à Zeller ! », résume Trautmann.

Un pied de nez à titre posthume....

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du01/12/2010

Transmis par Linsay


[1ministre chargé des Collectivités territoriales.



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