Regards de juin 2006

Centres de rétention, « sécurité » aérienne, recul des droits humains, les viticulteurs dans le collimateur...
mercredi 7 juin 2006
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De nombreux rapports ont mis en évidence les conditions inhumaines subies par les immigrés dans les centres de rétention en France. La situation n’est pas meilleure dans les autres pays d’Europe.

Après avoir mandaté des délégations pour « visiter » plusieurs de ces centres, notamment à Lampedusa (Italie), Malte, Melilla et dans les îles Canaries, le groupe GUE/NGL au Parlement européen a lancé une campagne pour la fermeture de tous les centres de rétention en Europe, en dénonçant notamment les conditions de vie des immigrés illégaux qui y sont parqués : « Ce sont des lieux où les droits de l’homme sont systématiquement violés. Ces conditions sont inacceptables en Europe, qui devrait être un lieu ouvert et d’accueil ». Près de 180 centres de rétention ont été répertoriés en Europe. Ces centres de rétention vont de pair avec l’instauration des charters européens (promus par Sarkozy) pour accélérer les expulsions d’immigrés. Ces « expulsions collectives » sont interdites par la Convention européenne des droits de l’homme. Les pays de l’Union européenne l’ont signée et ratifiée mais ne la respectent pas.

La campagne du groupe GUE/NGL vise également à dénoncer un projet de la Commission européenne qui prévoit d’harmoniser le temps maximum de rétention qui serait fixé à six mois. Comme l’a souligné le député italien Guisto Catania, initiateur de la campagne, « cela revient à institutionnaliser la détention administrative ».

La campagne contre les centres de rétention « Pas d’Europe forteresse » prend la forme d’une pétition à signer sur internet (www.no-fortress-europe.eu).

COMMISSION ET CONSEIL DESAVOUES PAR LA COUR DE JUSTICE

La Cour de Justice européenne est chargée d’assurer "le respect du droit dans l’interprétation et l’application" du Traité sur l’Union européenne. Dans la grande majorité des cas, elle tranche en faveur du respect du principe de "la concurrence libre et non faussée". Ses arrêts et la jurisprudence qui les a suivis ont contribué à la casse des services publics, à la remise en cause de droits sociaux (c’est un arrêt de la Cour de Justice qui a abouti en France à la suppression de l’interdiction du travail de nuit des femmes au nom de l’égalité hommes-femmes).

Toutefois, il arrive (très rarement) que la Cour de Justice rende des arrêts "positifs". C’est ainsi que le 30 mai elle a annulé des décisions du Conseil et de la Commission autorisant le transfert aux autorités douanières étasuniennes des données personnelles des passagers réservant un vol vers les Etats - Unis (adresses, numéro de la carte de crédit, téléphone, itinéraire, préférences alimentaires...). Ces informations avaient été demandées par les Etats - Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; la Commission européenne avait conclu un accord avec les Etats - Unis sur la fourniture de 34 informations à fournir par les transporteurs aériens pour leurs passagers désirant se rendre aux Etats - Unis. Bien que le Parlement européen ait émis des réserves et demandé un avis de la Cour de Justice, le Conseil avait refusé d’attendre en adoptant en mai 2004 une décision approuvant la conclusion de l’accord.

Ces décisions du Conseil et de la Commission ont été annulées par la Cour de Justice qui a jugé illégal le transfert de renseignements sur les passagers aériens. Mais, pour éviter des perturbations dans le trafic aérien et ne pas envenimer les relations avec les Etats - Unis (déjà dégradées avec l’affaire des vols secrets de la CIA en Europe), la Cour a donné quatre mois pour régulariser la situation. Une grande vigilance s’impose pendant ce laps de temps pour empêcher la Commission et les Etats membres de concocter avec les Etats - Unis une nouvelle mouture du transfert de données personnelles qui éviterait les contrôles parlementaire et judiciaire.

Cet arrêt de la Cour de Justice est un camouflet pour la Commission européenne qui essaie, avec l’accord tacite des Etats membres, de grignoter des pouvoirs dans des domaines, comme la justice et les affaires intérieures, qui relèvent exclusivement de décisions intergouvernementales. Une façon pour la Commission de mettre en Å“uvre subrepticement le projet de constitution européenne.

DEGRADATION DES DROITS HUMAINS EN EUROPE

Comme chaque année, "Amnesty International" a publié le 23 mai son rapport sur la situation des droits humains dans le monde. Cette année encore, la sécurité (notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme) a éclipsé la question du respect des droits fondamentaux. Comme l’a souligné le directeur du bureau européen d’Amnesty, Dick Oosting", les Etats européens se sont retrouvés sur la sellette après que le scandale des "restitutions" de la CIA ait révélé au grand jour les pratiques peu glorieuses mises en Å“uvre au nom de la lutte contre le terrorisme".

Les violations des droits humains sont de plus en plus flagrantes dans les domaines de l’asile et de l’immigration dans la majorité des Etats membres : absence de conseils et d’assistance juridique pour les demandeurs d’asile, placement illégal d’immigrés en détention, conditions de plus en plus contraignantes pour obtenir l’asile, etc...Alors que le nombre des demandeurs d’asile est continuellement en baisse, "les gouvernements ont agi comme si les statistiques étaient au contraire à la hausse ; ils ont fait adopter des lois restrictives qui ne garantissent pas un minimum de protection et, dans certains cas, ont eu recours à la force pour maintenir des personnes à l’extérieur de leurs frontières".

Le rapport cite également de nombreux cas de traitements abusifs imputables aux forces de l’ordre dont les victimes sont souvent des étrangers et des membres d’autres minorités. Mais le rapport oublie de signaler les campagnes anticommunistes menées dans certains pays de l’Est, comme la République tchèque, allant jusqu’à l’interdiction des symboles et de partis ou de mouvements se référant au marxisme. L’objectif de ces campagnes, qui prennent de l’ampleur au moment des élections, vise à empêcher la diffusion des idées communistes et l’élection de parlementaires communistes qui luttent pour la défense des populations en contestant les politiques néolibérales mises en Å“uvre par les gouvernements de droite ou sociaux-démocrates. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait contribué à favoriser ces campagnes en adoptant une résolution sur "les crimes commis par les régimes communistes totalitaires". Refusant de faire une distinction entre l’idéologie communiste et la pratique de certains systèmes totalitaires se proclamant communistes, cette résolution stigmatisait tout projet de transformation sociale en prétendant trouver les sources du totalitarisme dans la théorie de la lutte des classes et dans des éléments de l’idéologie communiste comme l’égalité et la justice sociale. Le compositeur grec Mikis Théodorakis avait condamné ceux qui soutenaient cette résolution en voulant "assimiler les victimes aux bourreaux, les héros aux criminels et les communistes aux nazis".

LES VITICULTEURS DANS LE COLLIMATEUR DE BRUXELLES

Intervenant le 31 mars devant les parlementaires australiens, Tony Blair a fustigé la politique agricole communautaire : "La protection agricole de l’Europe est une politique d’un autre âge et il est temps d’y mettre fin ". L’Australie, qui mène, avec les Etats - Unis et le Brésil, l’offensive contre les agriculteurs de l’Union européenne, a dû apprécier ce renfort venu de l’intérieur même de l’Union européenne.

La Commission européenne, qui reste sourde aux attentes des populations qui contestent ses orientations libérales, a parfaitement entendu le message délivré par Tony Blair. Elle s’est empressée d’annoncer qu’elle était prête à de nouvelles concessions dans le cadre des négociations de l’OMC. Elle a également organisé des fuites sur ses propositions de réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole pour préparer le terrain et faire passer la pilule. C’est la casse de la viticulture qui est programmée avec l’arrachage de 400.000 hectares de vignes sur 5 ans, soit près de la moitié de la superficie du vignoble français. Tous les mécanismes de marché destinés à protéger le revenu des viticulteurs, comme la distillation de crise et le stockage privé, seraient diminués voire supprimés. Les règles en matière de fabrication et de pratiques Å“nologiques, jugées "trop rigides et trop complexes", seraient assouplies, ce qui conduirait à la banalisation du vin sur le marché mondial. Les mélanges de vins communautaires avec ceux des pays tiers seraient autorisés ainsi que la vinification des moûts importés. Les droits de plantation seraient considérablement restreints, ce qui pénaliserait les efforts de réencépagement pour améliorer la qualité.

Aucune mesure ne serait prise pour enrayer la progression rapide des importations des pays tiers (Argentine, Chili, Etats - Unis) : + 10% par an depuis 1996. Dans les relations avec ces pays, la viticulture sert souvent de monnaie d’échange. La Commission préparerait en fait la mise en Å“uvre du scénario du film "Mondovino" dans le cadre d’un marché mondial du vin libéralisé, uniformisé, pour ne pas dire aseptisé.

Déjà victimes d’une grave crise qui les avait amenés à manifester en février 2006, les viticulteurs ne subiront pas sans réagir le coup de grâce préparé par Bruxelles. De façon prémonitoire, 80% d’entre eux avaient voté contre le projet de Constitution européenne. Déjà au bord du gouffre, ils refuseront de s’y jeter et reprendront l’action contre les propositions de la Commission européenne dont certaines ont été jugées "intéressantes" par le Ministre français de l’agriculture Dominique Bussereau. Ce n’est pas seulement l’avenir des viticulteurs qui est en jeu, c’est aussi l’avenir des régions viticoles qui est menacé. Les viticulteurs auront donc besoin du soutien des salariés.



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