Jean-Paul Huchon : le Raminagrobis du RER.

lundi 27 décembre 2010
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Pour jongler avec les ennuis judiciaires et les situations périlleuses, le président PS de la Région Ile-de-France fait patte de velours avec l’UMP.

C’est trop injuste !.

Et Jean-Paul Huchon enrage.

Comment, lui, l’élu qui passe ses journées à ménager les uns et les autres, à cajoler adversaires et partenaires, peut-il se retrouver, à 64 ans, menacé d’être chassé de son fauteuil de président de la Région Ile-de-France ?.

Tout ça pour une broutille !.

845 000 euros de deniers publics dépensés en affiches de pub, à la veille des élections de 2010, histoire de vanter la politique régionale en faveur des transports en commun.

La « broutille » a été portée devant le Conseil d’Etat par un militant UMP.

Pas de chance : le rapporteur public, un magistrat chargé d’instruire le dossier, a pris l’affaire au sérieux.

Il a proposé à ses collègues de rejeter les comptes de campagne de Huchon, ce qui entraînerait son inéligibilité.

Heureusement, les avocats du conseil régional ont dégainé une opportune « question prioritaire de constitutionnalité ».

Cette procédure, qui permet de vérifier la conformité de la peine encourue avec la Constitution, va donner un peu de répit au malheureux persécuté.

Depuis, la gauche mais aussi une partie de la droite et du gouvernement ne cachent pas leur soulagement.

A la veille de ce dernier rebondissement, un proche de Sarko, le préfet d’Ile-de-France, Daniel Canepa , n’avait d’ailleurs pas hésité à voler au secours de Huchon en le qualifiant d’interlocuteur « très agréable et constructif ».

Un message reçu cinq sur cinq au Conseil d’Etat.

« L’Elysée préfère traiter avec Huchon, analyse un cacique de l’UMP, on peut toujours trouver un terrain d’entente avec lui ... ».

Et même de souligner les « bonnes relations » qu’entretient l’élu PS avec Fillon, Guéant - son condisciple à l’ENA- et Laurice Leroy, le nouveau ministre de la Ville.

L’UMP Roger Karoutchi, pourtant opposant de toujours de Huchon, y va même de ses petits conseils.

« Je lui ai dit dix fois que son cabinet n’était pas à la hauteur, c’est effrayant ! confie au »Canard« l’ancien ministre de Sarko, il a un entourage de militants qui ne le protège pas, qui ne maîtrise pas les textes ».

Déjà, en 2007, la droite avait épargné Huchon après sa condamnation à 6 mois de prison avec sursis , 60 000 euros d’amende et un an d’inéligibilité pour avoir fait travailler sa femme dans des sociétés en affaires avec la Région.

En guise de défense, le président avait prétendu qu’il ignorait tout du job de son épouse et qu’il n’en « parlait jamais » avec elle...

A peine le verdict connu, l’UMP Brigitte Kuster s’était émue :

« Si jamais Huchon quittait la Région, je serais inquiète pour l’avenir ».

Un an plus tard, le procès en appel voyait l’avocat général plaider la cause du condamné.

Jugeant « disproportionnée » l’inégibilité, le magistrat avait réclamé « une application modérée de la loi » pour une affaire de « pas grand-chose ».

Comme dans une mécanique bien huilée, Huchon avait, cette fois, joué au pénitent en battant sa coulpe pour « s’être blotti dans une attitude de déni au lieu de reconnaître la matérialité des faits ».

Un mois plus tard, la peine inéligibilité était effacée...

Ainsi va le Huchon, qui, de son propre aveu, « aime trop être aimé ».

Déjà, au lycée, pour « concilier les contraires impossibles », le jeune Jean-Paul s’était mis en tête de revendiquer à la fois la création d’une aumônerie et de cours d’éducation sexuelle !

Sa seule période extrémiste, il la vit au PSU, au début des années 70, où il ira jusqu’à traiter Soljenitsyne de « valet de l’impérialisme ».

Mais le naturel reprend vite le dessus : repéré par Rocard, qui le charge de rédiger ses discours, l’ex- révolté suit sagement son patron au PS, au gouvernement et jusqu’à Matignon comme directeur de cabinet.

Prudent, il attendra 1998 et la fin de la carrière politique de Rocky pour dire enfin tout le mal qu’il pensait de son ancien chef.

Cette année-là, Huchon - qui a réalisé entre-temps une lucrative carrière chez le milliardaire François Pinault et dans un cabinet de chasseurs de têtes - arrache au RPR la Région Ile-de-France.

Pour cette première mandature, la gauche ne dispose que d’une majorité relative, mais qu’importe !.

Des subventions et des postes accordés aux élus de droite, un discret mouchoir jeté sur les affaires judiciaires du RPR et queques invitations dans sa propriété de Sologne suffisent pour graisser les rouages.

Pour la gauche, c’est encore plus simple.

« Avec les élus communistes, il suffit de leur donner longuement la parole pour qu’ils finissent par se rallier », confie alors ce Raminagrobis un brin zozoteur.

Quad aux Verts, chaque fois qu’ils acceptent d’avaler une couleuvre, leur présidente, Francine Bavay, reçoit un splendide bouquet de fleurs envoyé par Huchon.

Pour convaincre les indécis, notre homme sait aussi passer les plats.

Lui qui aime répéter qu’en politique « les ronds inspirent plus souvent confiance que les maigres » traite royalement ses invités.

Entre 2004 et 2009, les frais de réception de la Région grimpent de 160% pour atteindre 2 millions d’euros.

L’an dernier, cet amateur de cigares s’est même vanté d’avoir participé à 509 cocktails !.

En fait, il n’y a guère qu’avec Delanoé - un austère qui ne se marre pas - que le courant ne passe pas.

Pourtant, à trop pratiquer la politique de l’édredon, Huchon a fini pas se piéger lui-même.

Ainsi, en 2005, quand l’Etat lui laisse le contrôle des transports en commun d’Ile-de-France à la dérive, il préfère continuer son habituel saupoudrage de subventions et ne fâcher personne.

Il faudra attendre 2008 pour que le conseil régional se réveille et présente en catastrophe un plan global de 18 milliards d’euros.

C’est qu’entre temps Sarko a lancé son Grand Paris, qui risque de grignoter les compétences de la Région en matière de transports.

Au début, le socialiste a fait l’autruche, sur le thème :

« Le Grand Paris existe déjà, c’est l’Ile-de-France ».

Sans se rendre compte qu’il était pris en tenaille entre l’Elysée et son vieux rival Delanoé, qui avait déjà créé sa propre structure, baptisée « Paris Métrople ».

Depuis, Huchon se démène comme un beau diable pour sauver ses meubles et son projet de RER « Arc Express » menacé par le « Grand Huit », une immense ligne de métro mégalomaniaque voulue par l’Elysée et estimée à 25 milliards d’euros.

Il ne reste plus qu’à inviter Carla et Nicolas en Sologne pour arrondir les angles...

Par Hervé Liffran dans Le Canard enchaîné du 15/12/2010

Transmis par Linsay



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