Euro : une monnaie unique « nocive par nature ».

lundi 31 janvier 2011
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Contrairement à ce que nous avaient annoncés se chauds partisans, l’euro n’a accompli aucun miracle, ni croissance, ni stabilité financière, souligne l’avocat à la Cour d’Appel, Bernard Prudhon. Cela ne pouvait être autrement à cause de sa nature même...

Ainsi donc, il aura fallu à l’État français emprunter 35 milliards d’euros sur les marchés financiers au titre du grand emprunt Sarkozy de septembre 2009 pour qu’il ait à contribuer à raison de 26 milliards d’euros six mois plus tard au financement de la dette publique grecque. Ce serait risible si ce n’était consternant.

Que n’a-t-on entendu depuis plus de dix ans d’éloges en tous genres de l’euro, nouvelle monnaie. Elle devait apporter la croissance, la stabilité financière et la fin du chômage, le tout sous l’autorité d’un organisme non élu, la BCE. Qu’est-il donc advenu à ce jour d’autant d’annonces optimistes faites à des populations récalcitrantes ?

Dettes et déficits budgétaires explosent, les critères de convergence des traités fondateurs (déficits à 3%, dettes à 60% au plus des PIB et plafonnement de l’inflation par rapport aux niveaux les plus bas des relevés de prix des exercices précédents etc…) ne sont observés par personne. Les autorités de la BCE n’ont rien vu venir de la crise, et sans doute n’auraient elles rien changé à la placidité de leur posture si les marchés eux mêmes ne leur avaient signifié leur souci de ne plus suivre.

Nul ne saurait être surpris dans ces conditions que les pouvoirs en place fassent diffuser une musique connue, celle du bal des têtes de turc. A entendre les uns, la faute en reviendrait aux agences de notation qui ne sont responsables des désordres des marchés pas plus que le thermomètre du médecin n’est la cause de l’état de santé du malade. A croire les autres, les marchés financiers eux mêmes seraient à montrer du doigt comme s’ils étaient en quoi que ce soit facteurs des déficits budgétaires continus et des emprunts publics sans cesse empilés par des gouvernements inconséquents.

Les dénoncer ne saurait suffire à régler le problème. La réalité est autre et dispense pour expliquer l’échec ou atténuer la responsabilité de ses auteurs de recourir à des circonstances qui n’ont rien à voir à l’affaire. Le drame de l’Europe du présent tient au plus fondamental de ses instruments : sa monnaie unique, nocive par nature. Le démontrer consiste à en constater la perversité, à se référer aux expériences par ailleurs réussies qui lui sont opposables, et à y déceler les desseins occultes qu’elle sert

Discriminations à de multiples égards. Que l’Allemagne ou la Grèce par exemple ne puissent progresser également en vertu des mêmes règles, nul n’en discute. S’en induit qu’il ne peut être de zone monétaire optimale qu’à la condition que les pays qu’elle inclut soient pourvus de similitudes économiques suffisantes.

En l’occurrence, ces similitudes n’ont cessé de faire défaut. Ainsi un taux d’intérêt unique - comme l’exige par définition toute monnaie unique - appliqué à des taux d’inflation différents, est générateur de charges réelles d’endettement divergentes. Sur une base 100 en 1997, les niveaux de prix avaient atteint en 2009 l’indice de 146 en Grèce, de 139 en Espagne alors qu’il n’était que de 119 en Allemagne et de 122 en France. Hausses qui, ramenées à leur moyenne annuelle, elle même déduite du taux unique d’intérêt, mesurent par différence le taux réel d’emprunt propre à chaque État débiteur. Taux réels d’évidence variables pour chacun d’eux, d’autant plus bas que l’inflation est forte et d’autant pus haut que l’inflation est faible.

Des inégalités de charges d’emprunt. Et des inégalités du montant des dettes publiques elles-mêmes non dues aux vertus des nations débitrices, à les supposer inégales, mais au principe même du taux d’intérêt unique appliqué à un espace économique hétérogène. Voilà pourquoi la Grèce et l’Espagne entre autres sont plus endettées que la France et l’Allemagne. Ce en quoi l’unicité d’un taux d’intérêt s’avère être incitateur puissant d’endettements divergents.

Le taux de change non moins unique d’un tel système s’avère tout aussi discriminatoire des États membres les uns par rapport aux autres dans leur recherche commune d’excédents commerciaux. A taux de change unique, de tels excédents sont accessibles à des États pourvus d’exportations à demande constante, nonobstant la hausse de leurs prix - c’est le cas de l’Allemagne pour ses machines outils. Mais ils sont hors de portée de pays exportateurs de services ou de produits de luxe, de moindre nécessité, et dont la demande est plus sensible aux variations de prix à régler. C’est le cas d’autres nations à structures d’échanges extérieures plus fragiles - dont la France et la Grèce.

Voilà pourquoi et comment un même taux de change peut être tout à la fois facteur d’excédent chez les uns et de déficit chez les autres. Résultat : vouloir réformer les critères de convergence des traités fondateurs ne peut servir à rien dés lors que du seul fait de ses fondamentaux, l’euro fonctionne d’une part comme « une centrifugeuse » d’hétérogénéités économiques à débit permanent, et d’autre part comme incitateur incontournable d’endettements publics non moins permanents, faute d’accès possible à des taux de change diversifiés

Ainsi s’entendent les appréciations d’un quotidien du soir des plus modérés, dont le chroniqueur spécialisé ne craint pas d’écrire des artisans de l’euro, qu’ils l’ont construit sur des « bases pourries » [1], ce que ne contesteraient sans doute pas sur le fond de distingués universitaires en matière d’économie, l’un n’y voyant qu’un « échec patent » [2] et l’autre une « erreur tragique » [3].

Par Bernard Prudhon -Tribune le 04/01/2011 Web Marianne 2

Transmis par Linsay


[1Le Monde du 10 mai 2010 « Un d’mi ? Ben ça f’ra 15 francs, m’siieu » - P.A Delhommais

[2Le Monde du 5 mai 2010, « La crise de la zone euro » - Pr J.J Rosa

[3Le Monde du 11 mai 2010, « La moins mauvaise des solutions » - Pr J.P Vesperini



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lundi 31 janvier 2011 à 21h02 - par  ROBERT GIL

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