Luxe : le made in Italie ou France se fabrique à Canton et à Cracovie

mardi 8 mars 2011
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Pas sûr que beaucoup des lecteurs et lectrices de Rouge midi soient abonnés aux marques citées dans l’article. Il n’est pourtant pas inintéressant de constater que des produits de luxe au thé des Fralib en passant par les voitures la logique est la même : rogner sur les salaires, casser l’emploi, ne pas baisser les prix et faire ainsi des profits énormes...
Difficile à avouer au risque de faire apparaître le « développement durable », le « commerce équitable » et le « made in France » pour ce qu’ils sont : des arguments de vente !

Délocalisation, mondialisation… Visiblement, les mots embarrassent. Dans les magasins des grandes marques de luxe, il est des mots à ne pas prononcer ! Les vendeurs et vendeuses, visiblement recrutés dans les meilleures agences de mannequins, possèdent un discours bien rodé, émaillé de quelques mots-clés tels que « fabrication artisanale », « savoir-faire traditionnel », « qualité de fabrication », « finitions impeccables »… Les délocalisations  ? Rares sont les marques qui osent l’avouer.

Dans le monde des grandes marques de luxe, on se défend de délocaliser sa production aux petites mains chinoises. Pourtant, les marques haut de gamme ont de plus en plus tendance à déroger à leur « fabrication artisanale » et à leur « savoir-faire traditionnel », explique le blog Hexaconso. Malgré des discours bien rodés.

Comme l’américain Coach, qui assume la confection 100% chinoise de ses sacs cabas en cuir craquelé à 600 euros, l’allemand Hugo Boss, dont 4% des costumes viennent du nord de Shanghai, ou le très british Burberry, qui a troqué son site historique de Treorchy, au pays de Galles, pour une usine près de Canton. Mais pas de ça chez Louis Vuitton, Gucci, Dolce & Gabbana ou Armani, vous dira-t-on. Sauf que la réalité n’est pas aussi lisse…

Car comme tout le monde, les marques de luxe cherchent à réduire les coûts. Non, non, pas ceux sur les étiquettes dans les boutiques… mais les coûts de fabrication. Parce que pour ce qui est de l’étiquette, rien ne change. Exemple : Kenzo, l’une des filiales de LVMH. En 2007, ses complets cintrés à 930 euros étaient fabriqués par le fournisseur ECCE à Prouvy, dans le Nord. Aujour­d’hui, ils sont aussi chers. Mais l’essentiel provient de la banlieue de Cracovie, en Pologne. Tout comme ceux de Givenchy, autre marque de LMVH. Salaire moyen des ouvrières polonaises : 200 euros par mois. « Même pas le cinquième de ce que nous gagnons », calcule Marie-Hélène Bourlard, l’ancienne déléguée CGT d’ECCE, qui a fait le voyage « pour voir ». « Il faut avouer que la qualité est ­toujours irréprochable  : leurs machines sont même plus modernes que les nôtres ! »

Raison souvent invoquée pour justifier d’une délocalisation, l’explosion de la demande a conduit bien des marques prestigieuses à remplacer les petites mains agiles de leurs ouvrières par des machines à coudre ne nécessitant plus de savoir-faire particulier, et donc facilement transposables dans des pays où la main d’œuvre est bien meilleur marché.

Dans Luxe & Co, un livre décapant sur les coulisses de la mode, l’Américaine Dana Thomas va plus loin  : elle révèle comment une usine chinoise de Dongguan, au nord de Shenzhen, débite du sac de luxe à la chaîne. Entassées sur cinq étages, des centaines de jeunes femmes en chemisier bleu pâle répètent les mêmes tâches plus de douze heures par jour, avant de rejoindre le dortoir en face du bâtiment. Un groupe colle les pochettes, un autre donne du marteau sur les rabats, le troisième assemble les éléments. Production mensuelle : entre 15 000 et 20 000 articles, dix fois plus, par exemple, que les ateliers Chanel de Haute-Vienne. Et cet établissement travaille exclusivement pour des marques de luxe. Lesquelles ? Secret-défense. Avant de pénétrer dans le bâtiment, Dana Thomas a dû signer un contrat de confiden­tialité auprès du fabricant…

Quoi qu’il en soit, même prises la main dans le sac, les marques disposent de services de communication qui ont réponse à tout ! Les économies réalisées sur la fabrication ? Elles sont réinvesties dans la créativité, bien sûr ! Ils oublient juste de parler des rémunérations des dirigeants et des actionnaires, des budgets de publicité colossaux et qui ont déjà dépassé les niveaux records d’avant la crise, avec 1,4 milliards de dollars investis au 1er semestre 2010. Ou encore des magasins pharaoniques que chaque marque se doit de posséder sur les plus belles avenues du monde. Des magasins dont l’objectif n’est d’ailleurs pas d’être rentables, mais juste d’en mettre plein les yeux (les magasins en propre ne représentent que 27 % des ventes, le reste se faisant en réseau multimarques). Et tant pis s’il s’y vend plus de porte-clefs que de robes de soirée….

Et bien sûr, ces petites délocalisations ne concernent que des lignes secondaires. Enfin, pour le moment… Le groupe Giorgio Armani continue ainsi de se réclamer du « made in Italy », mais concède que ses cardigans Armani Exchange (80 euros) sont confectionnés en Tunisie et en Egypte. Idem chez Dolce & Gabbana, dont la haute couture vient de Vénétie, tandis que les caleçons de bain à 115 euros de la ligne pour jeunes D&G arrivent tout droit d’Egypte.

Autre excuse communément avancée : elles sont obligées d’aller chercher ailleurs les savoir-faire qu’elles ne trouvent plus en France. Ben voyons ! Quels savoir-faire trouve ainsi Louis Vuitton dans ses usines roumaines ou indiennes ? Et Hermès, qui fait roulotter et faire le dernier ourlet de ses célèbres carrés à Madagascar, ou qui sous-traite ses boucles de ceintures (à 500 € la ceinture) au Niger ?

Même s’il faut reconnaître que ces deux maisons font encore travailler de nombreux ouvriers en France. Vuitton avec l’ouverture de son 12e site de fabrication dans la Drôme en ce début 2011, et Hermès avec ses 22 manufactures et 4000 personnes en France.

Cela dit, pour fabriquer à bas coût sans risquer de perdre le précieux « Made in Italy », rien de mieux que de sous-traiter à un confectionneur italien ayant pignon sur rue, qui lui-même sous-traitera à un atelier low cost (employant souvent des clandestins chinois payés 20 euros par jour) en Toscane ou en Vénétie, à l’image de ceux qui fleurissent à Prato. On appelle cela le made in Chinitaly. L’ennui pour les marques, c’est que ce filon commence à faire jaser, avec les articles dans la presse et les reportages à la télé. L’un de ces reportages montrait par exemple des sacs Versace, Prada et Bottega Veneta au milieu des ateliers clandestins. Prix de gros : entre 20 et 30 euros, contre plus de 3 000 euros en magasin… Du coup, la garde financière italienne multiplie les descentes. En novembre dernier, la brigade d’Empoli a ainsi démantelé 29 sites qui travaillaient pour neuf marques italiennes. « Ne me demandez pas de noms, déclare Roberto Lauretta, le capitaine de la compagnie. Mais sachez que ces ateliers chinois fabriquaient à la fois pour de vraies marques et pour le marché de la contrefaçon  ! ».

On comprend mieux pourquoi ces grandes marques de luxe ont besoin de dépenser des milliards pour essayer de nous faire rêver !

Sur le blog d’Hexaconso - Blogueur associé Marianne 2 le 26/02/ 2011

Transmis par Linsay



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