Aux États-Unis, les syndicats sont les boucs émissaires de la crise

lundi 28 février 2011
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La crise aiguise la lutte des classes et le syndicalisme américain pourtant peu enclin à s’y référer y est confronté…

Le syndicat qui détient 17,5 % des actions du groupe Général Motors numéro II mondial des constructeurs automobiles [1] voyant que sa « souplesse » n’est pas récompensée, va-t-il ruer dans les brancards ou continuer à co-gérer ?

On aimerait bien connaître aussi l’avis de Guy Ryder secrétaire général de la CSI devenu...directeur du BIT !..

Le syndicat américain de l’automobile UAW annonce une grande campagne de recrutement d’adhérents chez les constructeurs allemands et asiatiques implantés aux Etats-Unis, rapporte Handelsblatt. “Nous serons très agressifs et sommes prêts à dépenser beaucoup d’argent pour défendre les droits des salariés”, souligne Bob King le président de l’UAW. Selon le quotidien économique de Düsseldorf, 60 millions de dollars seraient affectés au projet et le syndicat allemand IG-Metall apporterait son soutien. Le sujet est d’ailleurs inscrit à l’ordre du jour de sa réunion des 24 et 25 février à Stuttgart.

Aux Etats-Unis, les temps sont durs. Le chômage continue de faire des ravages, la croissance reste faible et une crise budgétaire menace le gouvernement. Les conséquences de la récession se font toujours sentir et pèsent sur la vie de dizaines de millions d’Américains. Personne ne devrait donc être surpris que la classe politique américaine soit à la recherche d’un bouc émissaire sur qui faire peser la responsabilité de tous les maux de la nation. Il est toutefois étrange que l’actuel candidat à ce rôle ne soit autre que le monde syndical en général et les syndicats du secteur public en particulier.

Dans tout le pays, les responsables politiques tempêtent haut et fort contre les terribles abus des puissants dirigeants syndicaux. A New York, le nouveau gouverneur démocrate, Andrew Cuomo, réclame le gel des salaires de tous les fonctionnaires. Plusieurs Etats envisagent d’adopter de nouvelles lois visant à réduire les droits des syndicats, comme celui de percevoir des cotisations de leurs membres ou de négocier des accords collectifs, voire tout bonnement de se créer. Dans l’Ohio, le nouveau gouverneur républicain entend interdire le droit de grève pour les enseignants des écoles publiques.

Cette tendance a ceci de pervers qu’elle méconnaît les maux de l’économie américaine. Personne ne nie qu’il faut se serrer la ceinture ni que certains syndicats ont des problèmes ou que certains accords collectifs paraissent excessivement généreux en ces temps d’austérité.

Mais il ne faut pas oublier cette vérité fondamentale : les syndicats n’ont pas causé la récession à force de spéculation débridée. Ils ne sont pas non plus responsables de l’éclatement de la bulle immobilière. Ce ne sont pas non plus les dirigeants syndicaux qui ont présenté des produits dérivés complexes dans de jolis paquets, dans le but d’écouler des millions d’actifs pourris, ruinant ainsi l’économie, et mis des millions de personnes au chômage. Ce ne sont pas les syndicalistes qui se sont arrogés (et continuent de le faire) des salaires de centaines de millions de dollars. Enfin, ce ne sont pas les syndicats qui ont été sauvés par les contribuables américains avant de refuser de s’amender. Non, tout cela est le fait du secteur financier.

Pourtant, ce sont eux et non le secteur financier qui sont pointés du doigt. Rappelons que de nombreux syndicats, en particulier dans le contexte du plan de sauvetage des constructeurs automobiles de Detroit, ont fait preuve d’une grande souplesse lorsqu’il s’est agi de sacrifier les salaires et certains acquis pour préserver les emplois. Pendant ce temps, le monde de la finance, où aucune réforme significative n’a été menée, continue de s’égosiller contre le ¬président Obama, le taxant de fou furieux socialiste. A en croire les propos du patron du groupe financier Blackstone, Stephen Schwarzman : “C’est comme quand Hitler a envahi la Pologne en 1939.” Non, monsieur, ce n’est pas du tout la même chose.

Les grandes entreprises et les banques américaines ont renoué avec le profit et ont repris la plupart de leurs bonnes vieilles habitudes (comme l’octroi de bonus disproportionnés, le refus de prêter des fonds et la délocalisation des emplois et des profits). Mais, aux yeux du monde politique, les brebis galeuses sont les syndiqués qui bénéficient de bons emplois, alors qu’en réalité un emploi qui permet de se payer une maison et de disposer d’une bonne couverture sociale ne peut que profiter à l’économie – bien plus qu’un bonus de ¬plusieurs millions de dollars accordé à un homme déjà riche. Un travail décent équivaut à un miniplan de sauvetage à une époque où les emplois se font rares et dans un pays où, bien trop souvent, les salaires réels stagnent, voire déclinent.

Diaboliser les syndicats est une vieille tradition aux Etats-Unis, et ce en dépit de leur faiblesse historique et du maigre taux de travailleurs syndiqués.

Aujourd’hui, en ces temps difficiles, les responsables politiques américains ressortent le bon vieux stéréotype du grand méchant syndicat. Mais jamais la diabolisation du monde syndical et des Américains qui travaillent dur n’a semblé aussi déplacée

13.01.2011 Paul Harris |The Guardian


[1l’Etat américain en détient 60,8 %, l’Etat canadien 11,7 %,
et les créanciers 10 %



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