Le dernier refuge du globe menacé

jeudi 3 mars 2011
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Le géant du pétrole, BP, responsable de la catastrophe écologique de 2010 dans le golfe du Mexique, veut maintenant explorer des gisements dans l’Arctique russe. Un projet qui provoque la colère des mouvements écologistes, relate The Independent.

Les mouvements écologistes sont consternés par la décision de BP d’installer des plate-formes pétrolières dans la mer de Kara, au nord de la Sibérie, dans l’Arctique. L’Arctique est l’un des derniers refuges du globe pour un certain nombre d’espèces menacées, parmi lesquelles les ours polaires, les morses et les baleines blanches. Et si les eaux de la mer de Kara restent relativement inexplorées, elles sont connues pour abriter d’importantes espèces de poissons, comme le flétan, le capelan et la morue.

La décision de pratiquer des forages dans la région a été prise après l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, en avril 2010. Cet accident a ruiné la réputation de BP et les mouvements écologistes craignent que, du fait de son isolement, l’Arctique ne soit encore plus exposé aux catastrophes écologiques. “Il y a un certain nombre d’années, BP se présentait comme la compagnie pétrolière la plus écologique et promettait d’aller ‘au-delà du pétrole’”, souligne Mike Childs, un responsable de l’ONG Les Amis de la Terre. “Compte tenu des énormes répercussions de ses opérations dans le golfe du Mexique, sa récente décision en fait l’ennemi numéro un de l’environnement.”

Selon lui, “l’Arctique devrait être interdit à l’extraction de combustibles fossiles, car c’est l’un des rares environnements intacts qu’il nous reste. Cet environnement est très fragile et nous devrions chercher des moyens de le protéger, plutôt que de le détruire.” Pour Dax Lovegrove, le responsable des relations avec le monde des affaires et l’industrie au WWF-Royaume-Uni, “les plans anti-marée noire dans l’Arctique sont encore moins adaptés qu’ils ne l’étaient dans le golfe du Mexique. Il y a moins de matériel de lutte contre les marées noires et moins de bateaux pour récupérer le pétrole flottant à la surface de l’eau.”

Des écologistes s’étaient déjà plaints des activités conjointes de BP et de Rosneft au large de l’île de Sakhaline, dans le Pacifique Nord. WWF pense que les incessants relevés sismiques des deux compagnies ont causé des nuisances sonores aux cent trente dernières baleines grises (dont trente femelles seulement) de la côte ouest du Pacifique.

Greenpeace a signalé récemment qu’il faudrait neuf mois pour réparer les dégâts d’une marée noire dans la mer de Kara. “Imaginez que le même scénario [que celui du golfe du Mexique] se produise dans l’Arctique, qui se trouve à des milliers de kilomètres de tout et où la saison des forages se limite à trois ou quatre mois par an. Si une fuite se produit à la fin du cycle, il risque de s’écouler neuf mois avant que l’on ne puisse tenter de la colmater”, observe un porte-parole du mouvement écologiste.

BP poursuit également, en collaboration avec Husky Energy, un projet de 2,5 milliards de dollars à Alberta, au Canada. Les deux partenaires extraient du pétrole de gisements de sables bitumeux, une opération difficile qui génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

Location des parcelles BP en mer de Kara

Greenpeace entend combattre activement l’exploitation des ressources de l’Arctique. “Ces deux projets montrent que BP n’a pas changé. Après les sables bitumeux, il explore l’une des zones les moins polluées de la planète. Nous devons lui demander pourquoi il investit l’argent des actionnaires dans une telle région après avoir dépensé 20 milliards de dollars pour Deepwater Horizon.”

Les coûts de nettoyage et d’indemnisation générés par la marée noire du golfe du Mexique devraient dépasser les 40 milliards de dollars. La colère suscitée par la catastrophe a convaincu BP de placer ses espoirs de croissance plutôt à l’est qu’à l’ouest.

Le patron de BP, Bob Dudley, a cherché à convaincre les médias et les mouvements écologistes que les opérations de sa compagnie étaient désormais beaucoup plus sûres. Un porte-parole du groupe a déclaré qu’il rencontrerait les associations pour répondre à leurs questions. Mais le parlementaire américain Ed Markey a réclamé une révision de l’accord. “Même après la plus grande marée noire de l’histoire des Etats-Unis qui coûtera peut-être des milliards de dollars d’amende, il semble que l’ours russe continue à faire confiance à BP, a-t-il observé. Les initiales BP signifiaient autrefois British Petroleum. Avec cet accord, elles sont devenues synonymes de Bolchoï Petroleum.”

L’accord BP - Rosneft en Arctique

L’accord entre le pétrolier BP et le géant russe du pétrole Rosneft, détenu par l’Etat, prévoit un montant de 6 milliards d’euros d’échange d’actions entre les deux partenaires, selon le journal russe Kommersant. Ces derniers jours, un trio de milliardaires russes actionnaires d’une autre société pétrolière en Russie, AAR, a déclaré son intention de
bloquer l’accord de BP avec Rosneft. Selon ce consortium, tous les projets pétroliers en Ukraine et en Russie doivent se dérouler avec sa participation, en vertu d’un accord passé avec BP.

L’Arctique (dont le nom signifie “ours” en grec ancien) comprend cinq pays bordant l’océan : les Etats-Unis, le Canada, la Russie, la Norvège et le Danemark. L’an dernier, le gouvernement du Groenland (province autonome du Danemark) avait refusé à BP l’autorisation de pratiquer des forages dans ses eaux arctiques

Par Mark Leftly et Chris Stevenson dans The Independent le 31/01/2011

Transmis par Linsay



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