Pierre Charon : le bouffon de tiroir.

mercredi 6 juillet 2011
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Le grand public est injuste qui connait peu cet ami de 20 ans de Nicolas Sarkozy, homme de tous les appareils et de tous les secrets d’alcôve de la droite.

« Il parle trop », disait déjà Cécilia Sarkozy en 2007 de cet homme aux chemises brodées à ses initiales et à la carte de visite au format extralarge et aux quinze majuscules  : « Pierre Charon, Conseiller à la Présidence de la République, Vice-Président du Conseil Général de Paris, Membre du Conseil Economique, Social et Environnemental. » Et encore si on l’écoute on aurait pu y ajouter en gras « Ami du Couple Présidentiel ». Jusqu’à une période récente il n’avait peut être pas tort. Carla Bruni disait de lui « Il est ludique et passionné. Il me guide et me protège dans ce monde politique qui m’est étranger ». Jean Sarkozy très proche de celui qu’il appelle « Tonton » disait : « Pierrot ? J’adore l’écouter et lui demander conseil »

Certains l’ont comparé à Tom Hagen, personnage de cinéma, le Consigliere de Michael Corleone dans « Le parrain ». Lui se targue d’avoir été « présent au côté de Nicolas Sarkozy avant tous les apôtres ! » Ce temps béni serait révolu ?

Chevalier du fiel, Prix Nobel de l’embrouille, le jovial Pierre Charon a joué pour Sarko le rôle de sparadrap du capitaine Haddock. Avant de faire le rebelle pour obtenir un siège de sénateur en septembre.

Avec sa bedaine de bon vivant qui ne quitte jamais le sillage des puissants et son âme de pipelette qui se damnerait pour un potin, Pierre Charon tient du croisement improbable entre l’abbé de cour et Huggy-les-Bons-Tuyaux, l’indic maniaque de la série "Starsky et Hutch"...
Mais aujourd’hui, après avoir passé sa carrière à astiquer les escarpins des princes de la droite - de Chaban-Delmas au duo Sarko-Carla en passant par Chirac et Balladur -, Charon se découvre, à 60 ans, une âme de rebelle.

Bravant l’Elysée, il vient de prendre la tête d’une liste dissidente pour se faire élire sénateur de Paris en septembre.
L’âge venant, notre chanoine républicain a fini par mesurer l’ingratitude de ses maîtres et entend s’assurer une douce retraite, quelque soit le résultat de la présidentielle...

Sarko écume de rage.
"Charon ne pèse pas le poids de sa graisse !" a-t-il éructé devant des proches.

Avant d’avertir : "Je ne tolérerai aucun caprice !".

Mais Sarko est un faux tueur : il tempête, menace, mais ne sanctionne pas.
Du moins pour le moment.

"Le Président fait la même chose avec tous les dissidents, soupire un proche.
Il fait les gros yeux, mais laisse faire, car il ne veut se fâcher avec personne".

Au risque d’encourager les révoltés...
En fait, Sarko sait très bien que Charon pèse un peu plus que ses rondeurs.

Conseiller de Paris depuis 2001, l’intéressé a su fédérer, sur fond de révolte contre le parachutage annoncé de Fillon dans la capitale, 13 conseillers de Paris UMP.

Soit juste assez pour se faire élire sénateur.

Dans cette aventure, il bénéficie même du soutien implicite (et sans doute provisoire...) de Rachida Dati, son ancienne ennemie sur laquelle il a tant daubé.

Toujours très fier de son flair politique, Charon a longtemps misé sur les mauvais chevaux.
En 1974, il choisit Chaban quand le vainqueur s’appelle Giscard.
En 1995, il opte pour Balladur quand Chirac rafle la mise...
Il lui faut attendre 2007 pour voir les portes de l’Elysée s’ouvrir devant un de ses poulains.

Et se refermer aussi sec à son approche : Cécilia, alors première dame de France, met son veto à sa présence à la fête au Fouquet’s et à la cérémonie d’investiture.

Le banni doit attendre le divorce et le remariage avec Carla, le 2 février 2008, pour s’installer au Château, dans le bureau voisin de celui de la nouvelle épouse.

Non content de ses 8 000 euros de salaire de conseiller élyséen, il arrondit ses revenus en vendant à l’Etat par le biais de la société, Janus Consultant, qui réalisera 569 000 euros de chiffres d’affaires en 2008.
Charon est aussi admis à la fameuse réunion d’état-major qui se tient alors tous les matins.

A charge pour le nouveau conseiller du prince de chaperonner la princesse Carla dans les méandres du pouvoir et dans ses relations avec la presse.

La presse, c’est justement le domaine de prédilection de cette duègne en cravate qui a commencé à suivre les journalistes en 1978 pour le compte de Chaban, alors président de l’Assemblée.

"Je faisais le tapin à la buvette", résume l’intéressé.

Onze ans plus tard, en, 1989, il est recruté par Chirac alors maire de Paris comme conseiller presse.

"Le jour de ma nomination, se souvient-il, Sarko m’a invité à le voir pour me dire :
"Toi, tu es à l’Hôtel de Ville avec Chirac : tu travailleras pour moi".
Je suis devenu pour lui un ami dans la place"
.

Bavard invétéré, devenu agent double, Charon ne tarde pas à se répandre contre Claude Chirac, dont il ne supporte pas l’influence grandissante auprès de son père.
Hélas, tout finit par se savoir.
Pierre Charon en personne rapporte cette conversation en voiture avec Jacques Chirac.
« Monsieur Charon, j’aimerais que vous me rendiez un service. »
« Mais bien sûr, Monsieur le Maire. »
« J’aimerais que vous cessiez de dire partout que ma fille Claude couche avec tout Paris »
.
Et Jacques Chirac de ponctuer en tapant sur l’épaule du chauffeur :
« Monsieur Charon va descendre au prochain feu rouge. »

Après 2002 et l’arrivée de Sarko à l’Intérieur, Charon donne la pleine mesure de son talent.

L’homme qui se vante de "murmurer chaque semaine à l’oreille de 15 éditorialistes", balance comme jamais bons mots, vacheries en tout genre et bobards invérifiables.

Membre fondateur de la Firme (ce groupe de sarkozystes de la première heure que Cécilia ne pouvait pas encadrer), Charon répond toujours présent.

Le chef a-t-il un coup de blues durant ses vacances au Pilat.

Aussitôt l’ami Charon accourt, mitonne des petits plats, ramène à dîner Isabelle Adjani et Pascal Obispo, et remonte le moral du patron à grands coups de bonnes blagues.

Des rumeurs malveillantes courent-elles les rédactions ?
Charon se dévoue pour tenter d’éteindre l’incendie.
En 2008, son talent fait merveille auprès de Carla.
Du moins au début.

Car le "conseiller Rire et Chansons" de l’Elysée ne peut s’empêcher d’en faire trop.

En plein procès Clearstream, il lâche à la presse, au sujet de la comparution de Villepin :
"Ce n’est pas l’élection d’un Chippendale dont il s’agit" (strip-teaseurs, les Chippendales se font glisser les billets de banques dans le slip par les spectatrices....).

Mais le vrai coup de trop remonte à avril 2010, quand les rumeurs malveillantes sur Carla sont diffusées sur la Toile et reprises par certains journaux.

Aussitôt, Charon, qui prétend parler au nom du couple présidentiel, lance que "la peur doit changer de camp", évoque "un complot organisé" et met en cause Rachida Dati.

L’affaire fait beaucoup trop de bruit.
Sarko ordonne à son conseiller de la boucler, le chasse de l’entourage de Carla et l’exclut de la fameuse réunion élyséenne du matin.

Pendant quelques semaines, l’intéressé ne répond plus au téléphone et rase les murs...

Six mois plus tard, en novembre 2010, un arrêté du Président met fin à ses fonctions de son trop encombrant ami.
Sarko s’empresse de le renommer au Conseil économique et social (avec 3 170 euros net mensuels).
En prime, il l’installe comme conseiller de Maurice Leroy, le ministre du Grand Paris (avec 9 393 euros brut mensuels et quelques primes).
Sarko lui laisse également la gestion des chasses élyséennes de Chambord, un honneur non rémunéré mais gratifiant.
Depuis 2009, un Charon en pâmoison y accueille pédégés, sénateurs et protégés du pouvoir, invités à tirer sangliers et cervidés.
L’ex-conseiller de l’Elysée a restauré à leur intention un incroyable protocole, avec des gardes républicains en grande tenue portant des torches devant le gibier abattu.

Un avant-goût des prochaines sénatoriales....

D’après un billet de Hervé Liffran paru dans Le Canard enchaîné du 29/06/2011

Transmis par Linsay



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