Pourquoi l’industrie française s’auto-dévore.

Ils ont trop d’argent et c’est eux qui le disent !!!
samedi 8 juillet 2006
popularité : 4%

Amusant de constater qu’à suivre leur logique nombre de défenseurs du capital en viendraient eux mêmes à prôner les nationalisations pour protéger le tissu industriel, garder la maitrise nationale des infrastructures et garantir aux usagers le maintien des prix de l’énergie...

Fusions : Pour se protéger des étrangers les groupes français rêvent d’avaler leurs concurrents nationaux.
Un moyen aussi de les dominer.

Grossir. Par tous les moyens. Presque à n’importe quel prix. Depuis l’été dernier,les patrons du CAC 40 n’ont plus que cette idée en tête.

- Toujours cette irrémédiable marche vers la mondialisation ?.

Ce n’est plus l’unique motivation. La preuve : les noms d’entreprises étrangères qui permettraient de renforcer leur stature mondiale ne figurent plus forcément en tête des proies convoitées.

- Non. Les groupes français regardent plutôt les voisins, les amis, ceux qu’ils connaissent, qui sont à portée de main.

L’économie française est-elle en train de se transformer en un vaste San Gimignano, cette cité féodale qui compta 72 tours, érigées par les puissantes familles locales, chacune voulant affirmer sa prééminence sur l’autre ?

Les dirigeants français s’en défendent.
Non, point d’ego, point de course à la taille, assurent-ils.
Le péril viendrait d’ailleurs : de l’excès de liquidités sur les marchés.

De nouvelles fortunes ont émergé, à l’instar de l’indien Mittal, du mexicain Gemex ou de l’espagnol Sacy.

- Quand aux fonds d’investissements privés, qui hier ne visaient que les entreprises de petite ou de moyenne taille, ils étudient des opérations plus ambitieuses, de l’ordre de 20 à 25 milliards d’euros.
Et personne , hormis Total peut-être, ne se sent vraiment à l’abri. En un an à peine, le marché a parlé ou vu des attaques sur : Danone, Accor, Saint-Gobain, Lafarge, Arcelor, Suez, Eiffage, Vivendi, Euronext.

Rien dans l’organisation capitalistique française, même depuis le vote des bons de souscription d’actions, ne protège réellement les entreprises.

Sous la menace, les dirigeants ont révisé leurs repères. Alors qu’hier ils s’estimaient hors d’atteinte avec 20 millions d’euros de capitalisaton, désormais ils disent devoir peser le double pour être préservés.

POURQUOI SUEZ ET GAZ DE FRANCE VEULENT S’UNIR ?

Jusqu’au bout, le PDG de Suez, Gérard Mestrallet, aura défendu son projet de mariage avec Gaz de France.
De l’Elysée au Sénat, auprès de Nicolas Sarkosy comme des députés de base de l’UMP, il aura partout tenté de remonter un courant politique contraire.
En vain. Le projet, même s’il est présenté au Conseil des ministres, ne sera pas discuté avant septembre.

Mais quels arguments pourraient convaincre demain des élus qui ne l’ont pas été aujourd’hui ?
Les députés n’ont pas oublié l’audition de Pierre Gadonneix, président d’EDF, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale le 4 avril.

Ce jour là, les parlementaires ont découvert que concurrence ne rimait pas avec baisse des prix, que malgré les centrales nucléaires, le prix du kilowatheure pour les entreprises en régime non réglementé avait augmenté de 48% en un an.

Depuis, ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur les bienfaits de la libéralisation de l’énergie.

En combinant les moyens de Gaz de France et ceux de Suez, le nouvel ensemble représenterait 20% des achats de gaz européen.
De quoi peser dans les négociations d’achat face à la poignée de producteurs gaziers internationaux, ont plaidé les deux groupes auprès des élus.

Mais devant la Commission européenne, ils ont tenu un autre discours, insistant plutôt sur la création d’un vrai concurrent dans l’Hexagone face à EDF.
Si la fusion avec GDF échoue, « je me verrai obligé de me retourner vers mon conseil d’administration sans attendre, pour lui recommander de chercher d’aures options », a averti le PDG de Suez dans un entretien au Journal du dimanche, le 18 juin.

Même si la menace d’une OPA lancée per l’italien Enel paraît de moins en moins crédible, Suez se sait vulnérable : dans la grande réorganisation de l’énergie, à l’oeuvre en Europe, il est un des plus petits acteurs, un des plus tentants.
Il est donc condamné à bouger.

Impossible pour lui d’envisager tout de suite une autre grande fusion, mais il peut penser à des partenariats, voire des échanges d’actifs avec des groupes comme l’espagnol Iberdrola, l’anglais Britih Energy ou quelque Stadtwerke (entreprise municipale de sevice public) allemande.

POURQUOI VEOLIA FAIT UNE OFFRE, ET VINCI LA REFUSE ?

L’idée n’a pas tenu une semaine. Connu par une fuite dans la presse le lundi 12 juin, abandonné le vendredi soir suivant, le rapprochement entre Veolia et Vinci avait le soutien de Bercy, inquiet par la perspective de voir passer toutes les autoroutes privatisées sous contrôle étranger.

Mais le groupe de BTP, déstabilisé par le piteux départ de son fondateur Antoine Zacharias, n’avait aucune envie de se lancer dans une discussion avec son ancien cousin des services urbains. Xavier Huillard, le nouveau directeur général, auteur du renversement du président, encore moins.
Très discrètement, il a eu des conversations avec les administrateurs et des investisseurs du groupe pour leur démontrer le non-intérêt d’un mariage avec Veola.

L’opposition de l’équipe dirigeante de Vinci, les premiers avis dubitatifs d’administrateurs et d’actionnaires ont vite convaincu Henri Proglio, PDG de Veolia, que l’affaire serait tout sauf amicale.
Après une ultime conversation avec Yves-Thibault de Silguy, nouveau président de Vinci, samedi 17 juin, il a préféré renoncer.
En quoi cette opération avait-elle un intérêt, alors que depuis trois ans Veolia défend une stratégie très concentée sur ses métiers ?

« Cela aurait fait un groupe superbe. C’était une belle manière d’utiliser les cash-flows généreux de Vinci dont les métiers sont natures, pour financer les activités de Veolia en pleine expansion », soupire à regret Henri Proglio.

Après sa première rebuffade sur Suez, cette deuxième tentative illustre surtout les contraintes du groupe.
Celles-ci viennent moins de son endettement que d’un autofinancement insuffisant pour soutenir l’expansion rapide de ses métiers.

Actuellement, ses 15 milliards de capitalisation boursière ne suffisent pas pour faire rempart aux convoitises. Il lui faut donc grossir.

POURQUOI TANT D’AUTRES MARIAGES DANS L’AIR ?

Bouygues dans le capital d’Alstom, la Caisse des dépôts et Albert Frère au secours d’Eiffage menacé par Sacyr, Saint-Gobain gardant les yeux si fixés sur Lafarge que certains lui prêtent l’intention d’aller plus loin, Schneider recréant des participations croisées avec l’assureur Axa...

Toutes ces opérations recèlent une même inquiétude, tantôt chez l’acheteur, tantôt chez le vendeur : la peur d’être absorbé, de disparaître dans un grand ensemble.

La bataille livrée par Arcelor, qui risque d’aboutir quelle que soit l’issue, à la disparition du groupe de sidérurgie, européen modèle, est là pour le leur rappeler.

L’absence d’organisation des institutionnels, qui, même dans le cas d’Euronext, n’ont pas su faire valoir une logique de place européenne, ne les rassure pas.

A San Gimignano, toutes les tours construites, trop hautes ou sans fondations réelles, se sont écroulées.

Elles ne sont plus que quatorze aujourd’hui.

Art de « Martine Orange », dans « ChallengeS », transmis par Linsay.

« Le péril viendrait de l’excès de liquidités sur les marchés. »
Alors on le leur prend cet excès ? Chiche !



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur