Pakistan : « Il faut dénoncer les crimes contre les femmes ».

mercredi 22 novembre 2006
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Exaspérée par le sort réservé à la plupart de ses concitoyennes, une journaliste pousse un coup de gueule contre le gouvernement, les parlementaires et la Banque mondiale.

Karachi.

Chaque fois qu’une femme est assassinée, mutilée ou violée au Pakistan, c’est le silence absolu ! Motus et bouche cousue ! Nous nous figeons, abasourdis, sans savoir comment réagir.

- Pis, nous ne savons que faire contre de tels actes.
Nous avons pourtant la Banque mondiale, les agences de l’ONU pour les femmes, des ONG locales et internationales, et des centres de recherche financés par l’Etat.

Nous avons aussi des journalistes engagés et la grande avocate des droits de l’homme Asma Jehangir, sans oublier un ministre de la Femme !

- Et puis nous avons Mukhtarian Mai, héroïne des temps modernes et seule Pakistanaise à avoir su obliger le gouvernement Musharraf (à la fin de l’année 2005) à lui promettre de reconnaître devant le monde entier qu’elle avait bien été victime d’un viol collectif alors que les autorités avaient nié ce fait publiquement.

- Comment se fait-il, avec de tels protagonistes, que nos journaux rapportent encore quotidiennement de terribles récits de femmes victimes ?

- Pourquoi faut-il encore que notre sang se glace à la vue de ces photos de femmes estropiées par leurs propres maris ?

- Pourquoi faut-il encore que notre coeur se soulève contre ces pères , ces frères, ces cousins qui éliminent les femmes de leur entourage au nom de l’honneur familial ?

- Pourquoi faut-il encore que tout notre être tremble de dégoût à l’idée de ces petites filles cédées en mariage à des vieillards ?

Certes, il y a au Parlement pakistanais de belles plantes pleines de vitalité, placées là et entretenues par leurs collègues masculins de la majorité ou de l’Opposition. Mais elles sont là pour la façade, « pour montrer au président Bush » qu’au Pakistan la condition des femmes progresse.

Ce sont des femmes intelligentes, je n’en doute pas. Mais elles vivent dans un cocon, épargnées par la misère humaine et la terrible réalité qui caractérise la vie de leurs concitoyennes les plus pauvres.

Que peuvent savoir ces jeunes privilégiées des abus sexuels, de l’inceste, du viol, des crimes d’honneur, des attaques à l’acide et du commerce de la chair qui sont devenus monnaie courante dans ce pays ?.

Nos députées , qu’elles soient dans l’opposition ou dans la majorité, ont-elles seulement déjà rencontré les victimes de telles brutalités ?

Est-il venu à l’esprit de ces habituées des salons dorés du pouvoir de rencontrer les anciens ou les conseils locaux pour essayer de comprendre pourquoi ils légitiment les crimes d’honneur et acceptent de donner des petites filles en mariage à des hommes âgés dans le seul but de résoudre des conflits de famille ?.

LA BANQUE MONDIALE DETOURNE LE REGARD.

Toutes ces questions sont peut-être d’une grande naïveté.

- En effet, comment demander à ces femmes parlementaires, souvent affiliées à des partis religieux, de remettre en question les pratiques inhumaines dont sont victimes leurs semblables moins privilégiées, alors qu’elles sont elles-mêmes enchaînées ?

Elles ne sont pas capables de briser leurs propres chaînes ; alors, celles des autres...

- Et, quand plusieurs de ces législatrices s’efforcent d’oublier leurs rivalités politiques pour proposer une loi interdisant les crimes contre les femmes, l’élite conservatrice s’unit immédiatement aux hautes castes de propriétaires terriens dans les assemblées nationale et provinciales pour mettre en échec leur initiative.

N’attendez donc pas des Musharraf, des Chaudhry Shujaat Hussain (qui fut brièvement Premier ministre pendant l’été 2004) et de leurs sbires au Parlement qu’ils viennent en aide aux femmes sans défense, victimes quotidiennes de violences domestiques, décimées par le viol, l’inceste et les assassinats.

- Heureusement, nous avons la courageuse Banque mondiale.
Le puissant gendarme financier a rendu son avis sur la condition féminine au Pakistan dans un rapport à « la noix » (publié en mai dernier) qui prétend apporter un remède à tous les maux.

- Le document s’ouvre sur une bonne nouvelle : la qualité de vie des femmes et des jeunes filles pakistanaises se serait « améliorée ».

- Un tel texte est tout bonnement néfaste, car il délivre aux donateurs d’aide internationale comme au gouvernement pakistanais un message mensonger.

Les grands sages de la Banque mondiale ne lisent-ils donc pas la presse ? Car il ne se passe pas un jour sans qu’on y rapporte quelque crime effrayant.

Le rapport de la Banque mondiale arbore un titre ronflant : Pakistan Country Gender Assessment- Bridging the Gender Gap- Opportunities and Challenges (Evaluation des rapports entre les sexes au Pakistan - Combler le fossé hommes/femmes - Chances et défis).

- Las ! Il porte sur les femmes un regard superficiel, ne traitant que l’éducation, la santé, la place dans la population active, la mobilité et la législation sur la famille (placée au paragraphe « Culture » !), le tout sur un mode par trop simpliste.

- La question la plus brûlante en la matière au Pakistan, autrement dit la féminisation de la pauvreté, est totalement passée sous silence.

La militante des droits des femmes Tahira Abdullah raconte que, lorsque l’oubli lui a été signalé lors de la présentation du rapport, l’auteure du document, Tara Vishwanath, a répondu sur "un ton arrogant, méprisant, condescendant, insultant,et même railleur que le problème des Pakistanaises n’était pas la pauvreté, mais l’éducation, l’éducation et encore l’éducation !.

Selon Tahira Abdullah, "le rapport est complètement coupé des réalités criantes du terrain.
On a l’impression que la Banque mondiale souhaite « ghettoïser » au maximum les Pakistanaises dans les domaines traditionnellement « sûrs » que sont l’éducation et la santé, pour les écarter totalement du processus de développement que connaît actuellement le pays.

- Ses « conclusions » et recommandations ne font absolument pas progresser les choses et n’ajoutent rien à tout ce qui a déjà été publié par les agences publiques comme par les ONG".

- La Banque mondiale aura donc sans doute fait grand tort à l’action du mouvement pakistanais de défense des droits de la femme. Qui n’avait vraiment pas besoin de ça.

Art de : « Anjum Niaz », dans « Le courrier international », transmis par : Linsay.

On a tous des milliers de raisons de participer le 25 novembre à la journée mondiale contre les violences faites aux femmes...



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