Le mouvement social et les “On ne paiera pas”

lundi 8 août 2011
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Refus de payer pour pour part grandissante de la population : traduction populaire d’une expression politique ou anticipation sur celle-ci ?

Quand l’auteure parle de gauche on a envie de lui demander de quelle gauche elle parle.

Entre un KKE (parti communiste près de 11% des voix aux dernières élections) qui refuse de payer à la place de la « ploutocratie »et prône la sortie de l’UE, un PASOK au pouvoir, pendant du PS français, qui met en oeuvre avec application les plans de l’UE et du FMI et un Synapsimos (4,5% avec la coalition Syrisa) qui, s’il s’engage progressivement dans un soutien au mouvement, continue à demander la renégociation de la dette et non le refus pur et simple de la payer, il y a des différences de taille qui font se situer le clivage entre progressistes et conservateurs ou entre soumis au capital et partisans de le combattre, bien au delà des étiquettes classiques droite gauche..

De même au plan syndical on ne peut tracer un trait d’égalité entre le PAME d’une part et GSEE et ADEDY de l’autre sinon c’est faire une confusion qui fait le jeu du pouvoir comme le rappelait encore Alekos Arvanitidis le 28 juin dernier.

A Thessalonique, parmi les bars élégants qui s’alignent sur le front de mer historique, un restaurant attire les regards. "Rendez-nous notre argent !", clame une banderole accrochée à la devanture de cette franchise d’Applebee’s [1]. A l’intérieur, 12 salariés ont changé les serrures. Ils servent des canettes de bière de supermarché et dorment à tour de rôle sur le sol du restaurant pour protester contre des retards de salaires qui durent depuis plusieurs mois et la fermeture soudaine du restaurant. On a là un nouveau symbole de la crise financière grecque : une grève de serveurs avec occupation des locaux.

Margarita Koutalaki, une serveuse de 37 ans à la voix douce, divorcée et mère d’une fille de 11 ans, a travaillé ici à temps partiel pendant huit ans. Elle gagnait environ 6,50 euros de l’heure. Aujourd’hui, elle a installé son matelas gonflable dans une pièce à l’étage, occupant les locaux tandis que ses parents gardent sa fille.

"On me doit environ 3 000 euros de salaires impayés", explique-t-elle, rappelant qu’elle partage le sort d’une multitude de salariés dans toute la Grèce, qui ont plusieurs mois de salaire en retard, leurs entreprises étant en difficulté.

"On nous a d’abord dit qu’on nous paierait le mois suivant, puis la paie s’est arrêtée complètement et on nous a appris par téléphone que le restaurant fermait. Nous travaillons toujours, nous faisons tourner l’entreprise, nous fournissons de la nourriture et des boissons à ceux qui nous soutiennent. Nous avons davantage de clients qu’autrefois. C’est la seule action que nous puissions faire, cela s’est imposé comme une évidence."

Les serveurs proposent des boissons bon marché et des dîners à prix réduits à ces "indignés", dont le mouvement est apparu il y a quatre mois. Auparavant, cette nouvelle clientèle, souvent gauchiste, n’aurait jamais mis les pieds dans ce bastion de l’impérialisme. Une banderole en anglais appâte les touristes en proposant des souvlakis et des boulettes de viande bon marché "pour soutenir les travailleurs".

Voilà un mois que la Grèce est paralysée par une grève générale anti-austérité. Ainsi, la place Syntagma, à Athènes, a été le théâtre d’importantes mobilisations, avec des batailles rangées entre la police et les manifestants.

Les nouvelles mesures prévues

Outre les mesures déjà adoptées l’année dernière [2], le plan comprend les décisions suivantes :
- Suppression d’un emploi sur cinq dans la Fonction Publique soit 150 000 sur 700 000 ;
- Baisse de 8% des salaires [3] ;
- La possibilité de licencier un fonctionnaire est introduite ;
- Durcissement des conditions d’accès aux allocations sociales et chômage ;
- Réduction supplémentaire de certaines pensions de retraites complémentaires dans le but
d’abaisser de 20% la masse salariale de la Fonction Publique
- Augmentation de la TVA de 6,5% à 13% voire 23% pour certains produits alimentaires et les tarifs des services publics
- Doublement des taxes sur le fuel de chauffage ;
- Abaissement de 12 000 euros à 8000 euros du seuil d’imposition des revenus ;
- Hausse de 300 euros des taxes imposés aux « travailleurs indépendants » : taxis, plombiers,
avocats, etc.
- Vague de privatisations supposées rapporter 50 milliards d’euros : la compagnie publique
de Telecom, la compagnie publique d’électricité, la compagnie publique de gaz, la
compagnie des eaux d’Athènes et de Thessalonique, la Poste, les ports, les aéroports…

Le mouvement n’a pas faibli pendant les vacances d’été

Les Grecs se méfient plus que jamais de la classe politique et doutent de sa capacité à les sortir de cette crise financière sans précédent. Les sondages font apparaître un mépris grandissant envers tous les partis, ainsi qu’un discrédit du système politique. Le chômage touche 16 % de la population active, atteignant des sommets parmi les jeunes. Ceux qui ont la chance d’avoir encore un emploi ont subi de fortes baisses de salaire, ce à quoi vient s’ajouter l’augmentation des impôts.

Récemment, les médecins et les infirmières se sont mis en grève pour protester contre les coupes budgétaires dans les hôpitaux. Ces deux dernières semaines, les chauffeurs de taxi en grève ont perturbé la circulation dans toute la Grèce, protestant contre l’ouverture de leur secteur à davantage de concurrence. Ils ont notamment bloqué les accès aux ports et occupé le bureau de délivrance des billets pour l’Acropole, laissant passer les touristes gratuitement.

Fait essentiel, le mouvement de désobéissance civile n’a pas faibli pendant les vacances d’été : des citoyens lambda refusent toujours de payer les péages, les tickets, les hausses des honoraires médicaux, etc. Le mouvement "Nous ne paierons pas" se veut l’expression par excellence du "pouvoir du peuple". Ses organisateurs annoncent que l’offensive pourrait reprendre de plus belle en septembre, lorsque le gouvernement va lancer une nouvelle série de mesures d’austérité.

Sur la route principale Athènes-Thessalonique, tandis que les automobilistes regagnent Thessalonique après un dimanche à la plage, une foule de manifestants en gilets de sécurité orange montent la garde au poste de péage principal menant à la deuxième ville de Grèce. Leurs gilets sont frappés du slogan : "Désobéissance totale". Ils soulèvent les barrières rouges et blanches et invitent les conducteurs à passer sans payer les 2,80 euros de péage. Sur leurs banderoles, on peut lire : "Nous ne paierons pas", ou encore : "Nous ne donnerons pas notre argent aux banquiers étrangers". Les automobilistes passent, reconnaissants, certains adressant un signe d’encouragement aux manifestants.

Les partis de gauche ont adhéré

"Nous allons assister à un résurgence de la désobéissance civile à l’automne", nous déclare Nikos Noulas, un ingénieur civil de Thessalonique, dans un café du centre, tout en déroulant une série d’affiches appelant au refus de payer.

Dès le début de l’année, le mouvement battait son plein : les voyageurs étaient invités à resquiller dans le métro à Athènes, les manifestants ayant recouvert les distributeurs de tickets sous des sacs plastiques, et à Thessalonique, les usagers ont pendant longtemps refusé de payer le bus après la hausse du ticket imposée par des sociétés privées subventionnées par l’Etat. D’autres refusent de payer leur redevance de télévision.

Les partis de gauche ont adhéré au mouvement, lui donnant une plus grande visibilité. En mars, plus de la moitié de la population était favorable au principe du refus de payer. Le gouvernement a pourfendu ce qu’il qualifiait de "parasitisme" irresponsable, affirmant que les resquilleurs nuisaient à la réputation du pays et privaient l’Etat de sources de revenus indispensables. De nouvelles lois contre le resquillage ont été adoptées et la police a sévi.

"C’est le début d’un divorce entre les Grecs et leurs responsables politiques, affirme l’écrivain Nikos Dimou. Dans tous ces mouvements, on retrouve un même ras-le-bol de la classe politique". A Thessalonique, les esprits sont particulièrement échauffés. Fin juillet, les "indignés" ont dû replier les tentes qu’ils avaient déployées sur la place Syntagma, mais la Tour blanche de Thessalonique, située sur le front de mer, est toujours entourée de tentes et tendue de banderoles affichant "A vendre" et "Pas à vendre".

Juste un rappel


Alekos Arvanitidis, du PAME, à l’issue de la manifestation du 28 juin dernier déclarait, entre autres sur la place Syntagma :

« (...) Cela ne suffit pas de vouloir en finir avec le mémorandum ; nous devons en finir avec les politiques qui engendrent le mémorandum. Le PASOK et la ND doivent recevoir un coup puissant. (...)

Nous ne consentons pas, nous n’assumons aucune responsabilité dans les plans de la ploutocratie. (...)

Nous ne reconnaissons aucune dette. Toute la dette est illégale et elle appartient à la ploutocratie. Nous n’avons pas à accepter que nous ayons à payer un seul centime, un seul euro. La ploutocratie doit payer. Désormais, nous devons lutter pour la sortie de l’UE. Nous devons quitter cette alliance des monopoles prédatrice. Le peuple ne doit pas attendre autre chose de l’UE. L’heure est venue pour le peuple de prendre sa vie entre ses mains.(...)

Cela ne suffit pas de dire « Je lutte pour la démocratie », si vous n’exigez pas simultanément la démocratie sur le lieu de travail, la démocratie pour qui, quelle classe cette démocratie sert, et surtout si vous ne luttez pas contre la dictature des monopoles.

Les mots d’ordre « Pas de partis-pas de syndicats » qui sont mis en avant par certains groupes, par les « mouvements sur les places » ont un contenu réactionnaire ; ils créent la confusion ; ils constituent un pas en arrière pour le mouvement. (...)

Donc, de quelle sorte de mouvement avons-nous besoin ? Un mouvement pacifique, un mouvement de protestation calme, un mouvement qui se contente simplement de gestes de la main dédaigneux ? Ou un mouvement de rupture, de lutte et révolutionnaire ? Un mouvement « indépendant-autonome » ou un mouvement sur des positions de classe qui sera indépendant de toute influence politique et idéologique de la bourgeoisie ? Un mouvement avec les monopoles ou contre les monopoles.

Un vague mouvement qui luttera pour la gestion du système et échouera à cause des manœuvres du système politique et social existant ou un mouvement qui donnera aux luttes quotidiennes la perspective d’une autre société qui servira les besoins du peuple ? »

"La Grèce vit un tournant de son histoire politique"

Il faut dire que le nord de la Grèce a été particulièrement frappé par la crise. Des entreprises ont commencé à mettre la clé sous la porte avant même le début de la débâcle financière. Résultat, l’activité économique est au point mort, et la mairie de Thessalonique a même pu afficher une nette amélioration de la qualité de l’air dans cette ville jusqu’alors congestionnée. Le 10 septembre, quand le Premier ministre grec Georges Papandréou se rendra à la célèbre foire internationale de Thessalonique pour présenter ses nouvelles mesures économiques, il sera accueilli par des manifestations.

Les indignés de Thessalonique pratiquent le flash-mobbing (mobilisations éclair), notamment devant des banques ou des bâtiments publics. Leur dernière cible a été le consulat d’Allemagne, devant lequel des dizaines de manifestants ont scandé des slogans et peint les trottoirs à la bombe, exigeant de l’Union européenne un plus gros effort, tandis que des policiers en civils se contentaient de regarder.

Antonis Gazakis, professeur de langue et d’histoire, affirme qu’il est frappé de voir qu’aujourd’hui le mouvement fait de nouvelles recrues, issues de toutes les tendances politiques, certains manifestants [de la Tour blanche] n’étant liés à aucun parti et ne s’étant jamais mobilisés auparavant. Ils veulent tous participer pleinement à ce débat sur les moyens de renouveler un système politique et parlementaire qu’ils jugent corrompu. "La Grèce vit un tournant de son histoire politique, assure Gazakis. C’est pourquoi je compte bien rester ici cet été. La dernière fois que le peuple est descendu dans la rue pour exiger un changement de constitution d’un telle importance, c’était en 1909. C’est une occasion idéale, un changement de modèle. La Grèce s’est réveillée."

Par Angélique Chrisafis le 05/08/2011 dans The Guardian Londres

Transmis par Linsay


Les encadrés sont de Rouge Midi


[1chaîne américaine de restaurants-grills

[2Gel du salaire des fonctionnaires, baisse de 10% des primes et de 30% du 13e mois, diminution des heures supplémentaires, arrêt total des embauches.

Suppression d’exonérations fiscales, augmentation des droits d’accises sur le tabac et les alcools,

Recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite (de 61 à 63 ans) ;

Mise en place de la flexibilité du travail.

[3selon la FAZ quotidien financier allemand



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