Base province : un atout de plus.

vendredi 12 août 2011
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AIR France vient de décider d’ouvrir des « bases province » dans un certain nombre d’aéroports du pays.
L’aéroport Marseille-Marignane est la première escale concernée.

Derrière cette dénomination abstraite pour une grande partie de la population, c’est un changement complet de politique de la compagnie qui se dessine, changement pour lequel la CGT s’est battue sans relâche depuis 15 ans, comme nous l’expliquent Edmond Mauduy et Aimé Musto dirigeants CGT du syndicat de Marseille-Marignane. Entretien.

RM : Cette décision d’Air France de créer une base province à Marseille elle vient d’où ?

Edmond : En 1996 la compagnie a décidé de mener la politique du tout hub, c’est-à-dire que tout le trafic était recentré sur Roissy. Désormais tous les avions pour les destinations internationales devaient partir de cet aéroport. De plus, dans sa logique Air France a décidé de favoriser la classe affaire, ce qu’on appelle nous le « cash », en gros les hommes d’affaires qui se déplacent pour le business au détriment d’une démocratisation du transport aérien, ce que nous demandions. La conséquence pour nous ce fut 50 lignes fermées et ne restaient que les lignes nationales, la navette Paris/Marseille [1] et la Tunisie [2]. On peut dire que Marseille est devenue une escale sinistrée.
Dès le début la revendication de la CGT a été l’abandon du tout hub. Non seulement pour les usagers qui étaient obligés de passer par Paris y compris pour aller vers des destinations au sud, mais aussi pour éviter la casse des emplois et le dépeçage de l’entreprise que permettait la centralisation.

RM : Comment ça ?

Edmond : La centralisation s’accompagnait de l’externalisation et donc du recours massif à la sous traitance. Ici à Marseille on a toujours résisté à l’externalisation. Aujourd’hui ce refus qui s’est manifesté par des actions de formes diverses, est un point d’appui car Air France a les moyens en interne de cette nouvelle politique ce qu’elle n’aurait pas si elle devait faire appel à des entreprises extérieures. Pour la CGT l’abandon du tout hub était indissociable de la lutte pour un service public.

RM : Tu parles d’une politique décidée en 1996, mais il y a eu ensuite la gauche plurielle de 1997 à 2002…

Edmond : Cela n’a rien changé, au contraire en 1999 il y a eu l’ouverture du capital qui a amené à la privatisation de la compagnie alors que le gouvernement avait annoncé le contraire. On a continué la bataille. On a monté un dossier économique pour crédibiliser la revendication sur les atouts économiques et touristiques de la région PACA, dossier qui a été envoyé aux directions et élus. En 2004 on a lancé une carte pétition qui a été signée par 84% des salarié-e-s Marseille.

Puis on a vu l’arrivée des low coast. La CCI [3] a créé MP2 [4] subventionné à hauteur de 7 millions d’euros par le Conseil Général…qui a donc fait un choix politique... D’ailleurs à ce propos la commission de Bruxelles enquête aujourd’hui sur le caractère légal de cette subvention et je conseille de voir le film d’Enrico Porsia Voyage au pays du capitalisme sauvage qui traite parfaitement le sujet.
Quoiqu’il en soit, le jour de la pose première pierre de l’aéroport MP2 nous étions en manifestation pour nous opposer à ce choix.

De même nous avons agi au côté de nos camarades de la SNCM contre Corsica Ferrie dont l’implantation relève de la même logique de pillage des fonds publics et de casse d’une compagnie nationale. Nous n’avons jamais baissé la barre de l’action. Ainsi durant toutes ces années, à chaque réunion DP ou CE nous posions la question du développement de l’escale sans l’opposer évidemment avec le hub de Paris. Dans beaucoup d’escales les lignes régionales ont été données à la sous traitance pas ici : ça a permis de résister.

RM : et puis il y a eu la crise de 2008…

Aimé : Oui en 2008 il y a eu une crise du transport aérien, crise surtout visible sur le cash et la haute contribution (les VIP) qui représentaient alors 50% du Chiffre d’Affaires, alors que le loisir lui a résisté. Cela nous donnait raison une fois de plus et validait notre dossier économique. De plus, notre bataille contre le low coast, ce système qui s’appuie sur l’argent du contribuable et la casse du droit social pour baisser les prix a entrainé le départ de Ryan Air. Notre bataille et ces derniers développements ont causé un changement total de politique des « basses provinces ».

RM : concrètement ça veut dire quoi ?

Edmond : Des avions basés à Roissy seront maintenant basés à Marseille. L’outil de production reste sur place ce qui oblige la compagnie à ouvrir des lignes. 170 navigants vont être basés à Marseille. On va avoir 50% de plus d’offre au départ de Marseille et 18 destinations de plus. Cela implique la création immédiate de 20 emplois, on est la seule escale de province à en créer. Bien sûr cela pérennise ceux d’aujourd’hui et entraine aussi une augmentation des qualifications qui devra se traduire sur la fiche de paie.

Autre conséquence cela augmente le nombre des emplois induits : sécurité, nettoyage, taxis, bus,…
Enfin cela a des conséquences aussi en termes de fret. Aujourd’hui le fret passe par camion jusqu’à Roissy. Désormais la base province offre l ‘opportunité de réduire le camionné sur CDG, cela n’est pas gagné car la direction ne le voit pas de la même manière (évidemment) elle s’appuie sur le temps d’escale trop court qui rendrait impossible de charger du fret. Nous ne sommes pas d’accord nous avons des propositions à faire qui permettront de transporter le fret par avion. Le MEDEF qui avait pris le parti du low coast n’a plus d’argument à opposer, aujourd’hui plus qu’hier notre département a un port international, une compagnie maritime (SNCM) le TGV et maintenant un aéroport avec des destinations européennes, qui permettent de maintenir et de développer l‘activité économique. Pour toutes ces raisons cette création de base province répond à l’essentiel de notre revendication.

RM : Et les tarifs ? Certains font penser à du low coast.

Edmond : Justement ce n’est pas du low coast et pour autant les tarifs seront concurrentiels pour plusieurs raisons : augmentation du temps de vol journalier des avions de 8h40 à 11h40, économie des découchés des navigants, [5], cela s’accompagne également de l’augmentation de la productivité des PNC (hôtesses et steward) c’est une des raisons de leur refus de la mise en place de la base province, non pas sur la base en tant que telle mais sur les conditions de cette mise en place. En ce qui nous concerne nous sommes à leurs côtés pour agir.

Aujourd’hui les tarifs annoncés sont très attractifs, avec des prix à partir de 50€ TTC l’aller voire moins : Par exemple suivant les jours et la date d’achat sur Marseille on peut aller à Milan pour 95€ TTC A/R ou à Istanbul pour 65€ TTC l’aller.

On a donc des prix bas sans low coast ce qui veut dire pour les passagers plus de confort, de sécurité et de service. Juste deux exemples. Air France a des personnels présents au comptoirs vente ouverts en permanence et des agents d’enregistrement tard dans la nuit et des agents de piste ( bagagistes, chef avion 24h/24 ) afin de faire face à toutes éventualités ( panne d’avion, avion en retard, vol annulé, etc) ,ce n’est pas le cas de Ryan Air qui n’a pas de personnel sur place. Si un avion ne part pas il n’y a personne de présent à l’aéroport les passagers sont livrés à eux-mêmes. Tu imagines les problèmes que cela engendre. De plus avec Ryan Air si tu n’as pas pu imprimer ta carte d’embarquement, elle t’est facturée…100€ à payer immédiatement en plus du billet !!! Pas étonnant qu’il y ait eu des incidents sur place à plusieurs reprises avec des passagers mécontents.

RM : c’est une nouvelle étape pour Marseille Marignane ?

Edmond et Aimé : On peut dire cela comme ça. D’autant que le corollaire de tout ce qu’on vient de se dire c’est qu’il va y avoir des investissements dans l’aérogare pour faire face à l’augmentation du trafic et du nombre de passagers. Cela va dans le sens de notre bataille pour le développement afin de toujours mieux répondre aux besoins des usagers et des salariés, besoins qui, on le voit bien avec la base province, se rejoignent.

Notre bataille pour les vols vers les Comores est dans la même logique. Idem pour Antilles. A notre avis c’est ce dynamisme de la CGT d’Air France [6] et du personnel de la base de Marseille qui explique que, dans la foulée de la création de la base province, Air Ivoire (dont Air France vient de participer au plan de relance) vient de décider de se poser à Marseille pour se développer sur Afrique de l’Ouest.

Pour les autres bases à venir (Nice, Bordeaux Toulouse…) reste posée la question sous-traitance et donc de la réinternalisation des activités pour qu’Air France puisse offrir des services de qualité aux usagers de l’avion.


En médaillon, Edmond à gauche, Aimé à droite...mais que sur la photo !


[1concurrence avec le TGV oblige NDR

[2pour le tourisme des mêmes NDR

[3chambre de commerce et d’industrie qui gère l’aéroport Marseille-Marignane

[4site attenant à l’aéroport de Marignane est destiné uniquement aux vols low coast

[5les découchés ou nuits d’hôtel des personnels navigants reviennent très chers à la compagnie. Ainsi par exemple actuellement Air France est obligée de payer 1000 nuits par an
à New York. En basant des agents sur Marseille elle économisera sur les découchés d’autant que la base province permet des vols directs et donc une augmentation des A/R journaliers qui permettent au salarié-e-s de rentrer chez eux le soir

[6qui représente 60% du personnel



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