Lettre ouverte à M. le procureur

vendredi 7 juillet 2006
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Lettre envoyée au nom du comité chômeurs suite à l’action rue du Chevalier Roze (quartier rue de la république).

Le 19 juin 2006

Monsieur le procureur

Nous voulons par la présente vous alerter sur un ensemble d’éléments concernant le logement à Marseille en général et Marseille République en particulier, éléments qui nous semblent relever du domaine de la justice.

Comme nous le savons tous le droit au logement est un principe de droit garanti par la constitution française et réaffirmé dans la loi. Or ce droit n’est pas respecté. Au delà des chiffres impersonnels de 25 000 demandes de logement non satisfaites alors que les pouvoirs publics reconnaissent 33 000 appartements vides à Marseille(1), nous avons connaissance de cas dramatiques auxquels ni les pouvoirs publics, ni la justice n’apporte de réponse.

Pour ne prendre que quelques exemples récents :

- M. MTIRI, Rmiste, habite un taudis en centre ville. Il se retrouve - avec son fils - brutalement à la porte de chez lui à la veille de Noël 2004 par un arrêté de mise en péril frappant, à son insu, son appartement. Il attaque son propriétaire qui se retrouve condamné sans que cela donne à M. MTIRI un logement décent ni que le bailleur fasse de travaux. La municipalité n’a pas, comme elle aurait du le faire, suppléé le propriétaire défaillant et c’est M. MTIRI qui se retrouve assigné pour non paiement des loyers d’un appartement qu’il n’occupe plus et pour cause depuis décembre 2004 !! L’affaire est actuellement devant la justice. Comble de tout, jusqu’à ce que nous en avertissions la CAF le propriétaire a normalement encaissé l’APL pour un appartement vide et interdit d’habitation : il n’a pas été condamné pour ce fait, ni n’a remboursé quoi que ce soit...Si nous n’avions pas d’autorité réquisitionné de notre fait un appartement laissé vide par la mairie et normalement réservé aux « Rmistes en difficulté temporaire de logement » où serait M. MTIRI ? Comment serait garanti son droit au logement ?

- M. ISMAIL habite depuis plusieurs années le Parc Kallisté. Des difficultés familiales l’ont à un moment donné conduit à avoir des retards de loyer. Condamné à combler son retard sous peine d’expulsion c’est ce qu’il fait. Las son propriétaire refuse de lui fournir les quittances correspondantes et fait venir un huissier pour faire exécuter la décision d’expulsion et ce en l’absence de réponse de la préfecture et surtout sans attendre la nouvelle audience qui aura lieu en septembre et doit déterminer qui dit la vérité...Là encore nous avons remis cette famille dans son logement. Ne fallait-il rien faire ? Attendre une décision à l’automne - susceptible d’appel - et dans l’intervalle laisser cette famille à la rue ? Au vu de la situation de la famille et de l’état de santé de la mère cela nous semblait complètement impossible..

- M. BEBBOUCHE était propriétaire d’un appartement dans le périmètre d’Euro Méditerranée. Par suite d’une décision des pouvoirs publics liée au projet M. Bebbouche est exproprié et on lui propose comme prix d’achat de son appartement la somme de 3000ââ€Å¡¬ (sic !) soit exactement le prix de la porte blindée et des volets qu’il avait fait installer...

- Mme ANFANI : ses conditions de logement désastreuses ont été rendues publiques et nous avons alerté à de multiples reprises la préfecture et la municipalité à son sujet. Nous avons également saisi la justice puisqu’il existe une législation spécifique concernant les locataires atteints de saturnisme, mais à ce jour ni le propriétaire n’a été condamné, ni la famille relogée. La seule réponse pour l’instant des services de l’Etat c’est que si la famille ne trouve pas de logement les enfants seront retirés à la mère. Devant une telle situation d’extrême urgence nous avons relogé cette famille et trois autres parmi les 800 appartements laissés vides par Marseille République. Devions nous attendre la décision de la DAS de placement des enfants ? Nous abriter derrière les lenteurs de la justice ?

- Devant de telles situations ne sommes-nous pas fondés à agir au nom de l’urgence humanitaire ?

Par ailleurs nous avons pu constater et dénoncer en vain pour l’instant :

- Il y a deux ans nous avions pris 3 logements au 39 bd des Dames, logements aux travaux largement subventionnés et destinés au parc social. Les familles ont été relogées mais les appartements sont toujours vides sous des prétextes fallacieux...Devons nous les reprendre ?


- Dès la prise des appartements de Marseille République nous avons écrit au bailleur pour entamer des négociations. Non seulement il n’y a aucune volonté de négocier mais en plus on assiste à l’emploi de méthodes très particulières : pas de procédure d’expulsion mais dès le lundi envoi de « salariés » équipés de masse pour défoncer la porte des squatteurs, le mardi fracturation de la porte en l’absence d’une des familles et condamnation de l’appartement avec les affaires de la famille à l’intérieur, emploi de vigiles à qui l’on demande d’interdire l’entrée de l’immeuble à toute personne non habitante (de quel droit ?), menaces d’un cadre de Marseille République, à l’encontre d’un responsable du comité chômeurs, appel aux forces de police (qui s’exécutent...) pour interdire une distribution de tracts sur la voie publique....Marseille République a-t-elle le droit de se faire justice ? La police doit elle être à son service ?

Enfin nombre de marseillais se posent des questions sur la masse de fonds publics mis en jeu dans l’aménagement de l’immobilier phocéen et les résultats en terme de droit au logement des habitants de la ville. Une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics serait de ce point de vue nécessaire (2).

Dans l’attente d’une réponse nous vous prions d’agréer, Monsieur le Procureur, nos salutations respectueuses.

Pour le comité

Charles Hoareau


1 - Enquête EDF parue dans TPBM du 12 novembre 2003, chiffre confirmé par le représentant de la préfecture aux assises régionales du logement en 2004.

2 - NDLR : La commission d’enquête sur ce sujet prévue par l’ancienne ministre du logement Mme Lienemann n’a jamais vu le jour...



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