Etat de siège

Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba
mercredi 7 septembre 2011
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Ce 1er septembre est sorti en librairie le dernier livre de Salim Lamrani. Voici ce que l’auteur nous en dit.

Comme son titre l’indique, le livre traite du blocus économique que Washington impose au peuple cubain depuis plus d’un demi-siècle avec une perspective historique et juridique.

Cet ouvrage contient un prologue de Wayne S. Smith, professeur à l’Université Johns Hopkins de Washington, qui a la particularité d’être le dernier diplomate étasunien à avoir été en poste à La Havane avec le rang d’ambassadeur. Le livre contient également une préface de Paul Estrade, professeur émérite à l’Université Paris VIII, qui est l’un des meilleurs spécialistes de Cuba en France.

Comme le note le professeur Estrade dans la préface, « ce livre présente une réalité méconnue, tergiversée, voire sciemment occultée, tue en tout cas par les médias chargés de sélectionner et de décrypter l’information ». Vous n’êtes pas sans savoir que les médias censurent toute pensée alternative au sujet de la problématique cubaine. Cet ouvrage n’y échappera probablement pas d’autant plus qu’il pointe du doigt les manquements de notre presse à son devoir d’information. En effet, alors qu’ils sont si prolixes au sujet de Cuba, les médias observent un silence assourdissant vis-à-vis de l’état de siège économique que les Etats-Unis imposent à Cuba.

Extrait, début du chapitre IV

Les citoyens étasuniens sont autorisés à se rendre à Cuba mais il leur est strictement interdit d’y dépenser le moindre centime, ce qui rend quasiment impossible tout séjour dans l’île. Le Département du Trésor considère donc tout voyage dans l’île comme une violation de la législation sur les sanctions économiques, à moins que les personnes ayant visité Cuba puissent démontrer qu’elles n’y ont effectué aucun achat. La justice étasunienne poursuit sans relâche les contrevenants à la législation sur les sanctions économiques et se montre souvent implacable. Voici quelques exemples récents de sanctions imposées à l’encontre des contrevenants étasuniens.

En avril 1996, Kip Taylor, 73 ans et Patrick Taylor, 58 ans, un couple de Traverse City, se sont rendus à Cuba à bord d’un voilier. Ayant conscience que la loi étasunienne leur interdit toute dépense sur l’île, ils ont emporté avec eux les provisions nécessaires pour trois mois. Lors de leur retour en Floride, ils ont été pris par une tempête et leur mât a été gravement endommagé. Secourus par les garde-côtes cubains dans les eaux internationales, ils ont été ramenés à Cuba. Lorsqu’ils ont sollicité le Département du Trésor pour obtenir l’autorisation de réparer leur voiler, il se sont vu opposer un refus. Les autorités étasuniennes leur ont ordonné d’abandonner leur embarcation, leurs deux chiens et de rentrer par avion, ce qu’a refusé le couple. Avec l’aide de marins étrangers, les Taylor ont finalement pu réparer leur voilier et rentrer à bon port, sans avoir enfreint la règlementation concernant les voyages à Cuba. A leur retour, ils ont été interrogés par les autorités et ont révélé avoir fourni une bande et des compresses à un cuisinier cubain qui s’était brûlé la main. Le Département du Trésor les a alors accusés d’avoir « fourni des services médicaux à un ressortissant cubain » et a condamné le couple à verser une amende de plusieurs dizaines de milliers de dollars [1].

En avril 2004, Barbara et Wally Smith, un couple de retraités du Vermont, ont été condamnés à verser 55 000 dollars d’amende pour avoir séjourné à Cuba durant un semestre, créé un site Internet, Bycycling Cuba, et rédigé un ouvrage relatant leur séjour [2]. Le couple a fait part de son opposition aux sanctions contre Cuba : « Nous pensons qu’il est moralement discutable d’essayer de détruire l’économie d’un pays qui n’a rien fait contre nos intérêts, en substance, pendant 40 ans, et qui ne représente absolument aucune menace contre nous [3] ».

Le 9 juin 2004, Richard Connors, avocat de Chicago, a été condamné à trois années de réclusion criminelle pour avoir « effectué du commerce avec l’ennemi ». La justice étasunienne a confirmé la sentence en appel en 2006 et l’a reconnu « coupable d’avoir fait passé en contrebande des cigares cubains aux Etats-Unis en violation de […] la Loi de Commerce avec l’Ennemi. » Il a été condamné à une sentence de 37 mois de prison [4] .

En juin 2004, deux autres résidents de Key West en Floride, Peter Goldsmith, âgé de 55 ans, et Michele Geslin, âgée de 56 ans, ont été arrêtés pour avoir porté « atteinte à la sécurité nationale des États-Unis ». Le parquet a requis à leur encontre quinze ans de réclusion criminelle. Pour justifier la sévérité de la sentence, le procureur fédéral de l’Etat, Marcos Jiménez, a déclaré ces « lois de sécurité nationale, telles que nous les appliquons aujourd’hui, sont destinées à protéger le peuple des États-Unis ». En réalité, le couple d’amis avait organisé des régates entre les côtes floridiennes et Cuba en 2003 [5]. En octobre 2004, un juge fédéral, outré par le dossier, a décidé d’acquitter Goldsmith et Geslin de toutes les charges retenues à leur encontre [6].

En juin 2004 également, les autorités étasuniennes ont condamné trois religieux méthodistes de Milwaukee, William Ferguson, Dollora Greene-Evans et Theron Mills, qui s’étaient rendu à Cuba en 1999 dans le cadre d’un déplacement confessionnel et humanitaire, à payer chacun une amende de 25 000 dollars, pour avoir également « porté atteinte à la sécurité nationale du pays ». Les religieux ont fait part de leur désapprobation à ce sujet : « Les sanctions vont à l’encontre de la liberté religieuse et sont discriminatoires ». Par ailleurs, la sentence s’est appliquée de manière rétroactive car, sous l’administration Clinton, les voyages religieux étaient autorisés [7].

Le 28 août 2004, le docteur Graham Simpson, d’origine sud-africaine et naturalisé étasunien, a reçu une amende de 70 000 dollars de la part du Département du Trésor pour avoir acheté six dauphins à Cuba pour ses parcs aquatiques installés dans les îles des Caraïbes Antigua et Anguilla [8]. Il n’a pas manqué d’exprimer sa surprise : « Je me suis toujours considéré comme un citoyen britannique qui vivait depuis trois ans à Anguilla, qui ne dispose pas de loi interdisant le commerce avec Cuba [9] ».

Transmis par Linsay


Etat de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba

Prologue de Wayne S. Smith

Préface de Paul Estrade

Paris, Editions Estrella, 2011

15€

Pour toute commande dédicacée, contacter : lamranisalim@yahoo.fr


[1Center for Constitutional Rights, « American Couple Sue US Treasury Department for Unreasonable Penalties in Cuba Travel Case », 22 avril 2003. http://www.commondreams.org/news2003/0422-05.htm (site consulté le 2 juin 2011).

[2Douglas Starr, « Tightening the Screws on Cuba », The Boston Globe, 18 mai 2004.

[3Anne Wallace Allen, « Retirees Fined For Traveling to Cuba to Research Book », The Associated Press, 20 avril 2004.

[4EASTERBROOK, EVANS, and WILLIAMS, Circuit Judges, « United States of America v. Richard S. Connors », 21 mars 2006. http://openjurist.org/441/f3d/527/united-states-v-s-connors (site consulté le 2 juin 2011).

[5Gerardo Reyes, « Mano dura con los violadores del embargo a Cuba », El Nuevo Herald, 11 juin 2004.

[6Jennifer Babson, « Keys Boaters Cleared of Embargo Charges », The Miami Herald, 30 octobre 2004, p. B01.

[7Frank Martin, « Bush castiga a religiosos por venir a Cuba », Granma, 17 juin 2004.

[8Los Angeles Times, « Doctor Faces Fine for Buying Cuban Dolphins », 30 août 2004.

[9Charles D. Sherman, « Doctor Fined $70,000 for Buying Cuban Dolphins », The Miami Herald, 28 août 2004.



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