Washington contre le droit international

mardi 13 septembre 2011
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Si les Etats-Unis s’opposent à la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU, c’est parce que cette initiative échappe à leur contrôle, estime l’intellectuel palestinien Rami G. Khouri.

Deux événements majeurs liés au Moyen-Orient ont eu lieu ce mois-ci à New York : la commémoration du 10e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 et la demande, à l’Assemblée générale qui se tient actuellement à l’ONU, de la reconnaissance d’un Etat palestinien sur les territoires occupés par Israël depuis 1967. Nous serons prochainement fixés sur la reconnaissance que les Palestiniens cherchent à obtenir des Nations unies. La plupart des observateurs dignes de confiance s’attendent que cette demande obtienne le nombre de votes requis dans cette institution qui a toujours été juste avec la Palestine et qu’elle représente un autre gain symbolique pour la cause palestinienne. Cependant, même si un “Etat de Palestine” incluant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est est officiellement proclamé ou reconnu par l’ONU, cela ne débouchera probablement sur aucun changement concret, car les réalités du terrain ne sont pas déterminées par les votes de l’Assemblée générale de l’ONU, mais par l’attitude des Palestiniens et des Israéliens et celle des gouvernements étrangers qui les soutiennent. C’est pourquoi, étant donné son impact essentiellement rhétorique et symbolique, je reste personnellement partagé sur la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU.

Beaucoup plus intéressantes, en revanche, sont les réactions extrêmes d’Israël et des Etats-Unis face à cette demande. Les pouvoirs législatif et exécutif américains l’ont fermement condamnée, allant même parfois jusqu’à menacer de suspendre leur aide par mesure de représailles. Le gouvernement israélien a usé de toutes ses armes diplomatiques pour tenter de la faire rejeter, mais il a fini par se résigner à ce qu’elle soit mise au vote. L’argument le plus souvent invoqué par les Israéliens et les Américains est qu’elle entraverait les tentatives de règlement du conflit israélo-palestinien par des négociations bilatérales directes. Ils affirment cela le plus sérieusement du monde, même si leurs propos sont démentis par les faits passés et actuels.

En réalité, depuis la conférence de Madrid de 1991 et les accords d’Oslo de 2003, les Etats-Unis et Israël ont largement orienté à leur guise le processus des négociations israélo-palestiniennes. Israël a pris en main les engagements diplomatiques, car le pays contrôle les événements sur le terrain avec son armée d’occupation, sa stratégie d’encerclement et ses colons, et tient les Palestiniens en otages en contrôlant leurs terres, leur espace aérien et maritime, leur commerce, leur sécurité et leurs ressources financières. Les Etats-Unis, de leur côté, se sont attribué le rôle de médiateur dans les négociations bilatérales et ont provoqué une série d’échecs qui resteront probablement dans l’Histoire comme l’un des plus grands exemples d’incompétence diplomatique de l’humanité. Les historiens diront un jour s’il faut les imputer à de l’amateurisme ou au net parti pris en faveur d’Israël, qui contrecarrait les efforts de médiation des Etats-Unis.

Dans un cas comme dans l’autre, avec le rapport de forces actuel et un médiateur américain si favorable à Israël, les négociations bilatérales n’ont aucune chance d’aboutir. Je soupçonne que la véritable raison pour laquelle les Etats-Unis et Israël s’opposent si violemment à la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU est qu’elle représente une rare initiative sollicitant une décision politique sur une question arabo-israélienne qu’ils ne contrôlent pas totalement mais pour laquelle les éléments de référence sont le droit international et le consensus mondial. Son acceptation serait un précédent si préoccupant pour les Israéliens et les Américains qu’ils utilisent toutes les armes et les menaces possibles pour faire rejeter la demande avant qu’elle n’aille plus loin.

Ils ne peuvent tout simplement pas accepter que des délibérations politiques ou des procédures diplomatiques relatives à Israël et à la Palestine aient lieu en dehors du cadre des priorités israéliennes et de la réponse servile des Etats-Unis à tous les souhaits d’Israël, grâce à la formidable puissance des lobbys pro-israéliens de Washington.

Ne nous laissons pas duper par ces débats – qui ne visent qu’à faire diversion – sur le vote essentiellement symbolique de la reconnaissance de l’Etat palestinien par l’ONU. La véritable question est de savoir si l’histoire de la Palestine et d’Israël sera façonnée par la loi et par la détermination de la communauté des nations à traiter les deux camps de manière équitable ou par la puissance du sionisme et de son partenaire diplomatique américain, qui ressemble bien plus à la marionnette d’un ventriloque qu’à un acteur indépendant, et à plus forte raison un médiateur impartial.

Par Rami G. Khouri source The Daily Star le 13/09/2011

Transmis par Linsay


Contexte

Le 20 septembre 2011, l’Autorité palestinienne présente la demande d’adhésion à part entière d’un Etat de Palestine aux Nations unies. Cette demande soulève l’hostilité des Israéliens comme des Américains, qui décident d’user de leur droit de veto pour contrecarrer cette initiative.



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