Le pétrole affame les enfants indiens

mardi 18 octobre 2011
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Dans une région du pays riche en pétrole, les Indiens ont été contraints de se sédentariser à cause de l’extraction de l’or noir. Depuis, en dépit de programmes alimentaires spécifiques, leurs enfants succombent à la malnutrition.

Le personnel de santé de Puerto Gaitán [dans le Meta, département du centre de la Colombie] ne cache pas son indignation. Comment est-il possible que des enfants meurent encore de faim alors que l’argent du pétrole coule à flots ? Dans cette municipalité la plus choyée du pays par l’industrie pétrolière, des enfants indiens rachitiques continuent de venir mourir à l’hôpital. “Leurs parents nous les déposent alors qu’il n’y a déjà pratiquement plus rien à faire”, déplore un médecin. “Les enfants pèsent entre cinq et huit kilos et ne tiennent plus leur tête”, ajoute une employée de la mission médicale. Un bébé de 11 mois souffrant d’anémie sévère vient de mourir.

L’hôpital de Puerto Gaitán est rudimentaire et les enfants doivent donc être envoyés en urgence à Villavicencio [la capitale du département], mais la plupart ne survivent pas aux trois heures de voyage.

La majorité des enfants sont issus de l’ethnie Sikuani, qui vit dans neuf réserves réparties sur quelque 17 000 kilomètres carrés dans la région, essentiellement rurale, de Puerto Gaitán. Avant d’arriver à l’hôpital, les petits ont déjà voyagé dans les bras de leurs parents, sous un soleil brûlant et sur des sentiers cahoteux de terre rouge où zigzaguent des semi-remorques chargés de brut. Les Indiens ne viennent chercher de l’aide qu’en dernier recours, quand leur médecine traditionnelle a échoué. Santiago Ramírez, chef d’une communauté de 90 familles de Sikuanis sédentarisés à Puerto Gaitán, explique que par le passé son ethnie était nomade et qu’avec l’arrivée des entreprises pétrolières et agro-industrielles elle a perdu sa liberté et vu son milieu naturel pollué.

Aujourd’hui, les Sikuanis sont sédentaires et leurs terres impropres à la culture. “Dans toutes les réserves, la faim est omniprésente”, témoigne Ramírez. Le conseil indien qui regroupe les chefs des réserves et représente les quelque 11 000 Indiens de cette municipalité, soit pratiquement la moitié de la population, ne dit pas autre chose. Les chefs évoquent la pollution des sources et des terres, qui rend plus difficiles la chasse, la pêche et la culture des aliments. “Il y a donc de nombreux problèmes de malnutrition, notamment chez les enfants.” La dénutrition avancée rend les enfants extrêmement vulnérables et, dans ces conditions, la moindre infection est synonyme de mort. D’après les chiffres du Dane, l’institut de statistiques colombien, la ville de Puerto Gaitán affiche un taux de mortalité infantile de 61 enfants pour 1 000 naissances : c’est le taux le plus élevé du département du Meta, qui détient déjà le triste record de mortalité infantile du pays avec 32 décès pour 1 000 naissances (la moyenne nationale est de 20), selon les chiffres de 2009.

La taille de cette municipalité – parmi les plus étendues de la Colombie – et la complexité de la culture indienne sont certes des facteurs aggravants du taux de mortalité infantile. Pourtant, nombre de contrats ont été passés par la municipalité pour s’attaquer au problème de la dénutrition chez l’enfant, ce qui rend la situation assez incompréhensible. Le secrétariat à la Santé du Meta a demandé en juin dernier une inspection publique pour “faire la lumière sur les responsabilités” dans le décès de treize enfants indiens à Puerto Gaitán. Six d’entre eux avaient moins de 5 ans et sept sont morts peu après leur naissance.

Dans son rapport d’alerte, le secrétariat à la Santé du Meta rappelle qu’une série de contrats ont pourtant été signés par la mairie en 2010 pour éradiquer la dénutrition infantile. En quelques mois, trois programmes dotés d’enveloppes budgétaires non négligeables (entre 380 000 et 760 000 euros) ont été lancés pour traiter la dénutrition ou améliorer les conditions alimentaires des enfants de moins de 5 ans dans les neuf réserves indiennes. Face à ces investissements considérables, on comprend mal pourquoi des enfants faméliques continuent de mourir à l’hôpital. Le maire de la ville, Oscar Bolaño, tout comme ses conseillers sont injoignables. La mort de ces enfants n’est que l’un des aspects de ce scandale. A Puerto Gaitán, la sécurité n’est assurée que par 27 policiers, les habitants n’ont de l’eau que deux heures par jour et l’électricité par intermittence ; 44 % de la population vit dans la misère. Il n’empêche que les visiteurs sont accueillis à leur arrivée par une gigantesque arche de béton qui a coûté 2,5 milliards de pesos [950 000 euros]. Ils peuvent aussi assister à un somptueux festival de musique financé par la mairie à hauteur d’un demi-million d’euros.

La Colombie, pays recordman des assassinats de syndicalistes et au gouvernement ami de celui des USA n’est jamais pointé du doigt par ces derniers pour ses atteintes à la démocratie ou l’iniquité du système. Selon Semana le pays a bénéficié, rien que pour cette année, de plus de 24 millions d’euros de rentes pétrolières, et 36 millions en 2010. La production pétrolière de la Colombie est d’environ 1 million de barils par jour et augmente progressivement. Le pétrole représente 40 % des exportations d’un pays qui connaît toujours, malgré sa belle croissance économique des dernières années, un taux de pauvreté de 40%. Rien à voir avec la Bolivie et le Venezuela voisins...

Sources Semana le 14/10/2011

Transmis par Linsay



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